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À propos de l’accès à la profession d’avocat
Dans un arrêt du 15 octobre 2024, le Conseil d’État a rejeté la requête de l’Institut supérieur du droit destinée à faire figurer ses diplômes parmi les équivalences à la maîtrise en droit pour passer l’examen d’accès aux écoles d’avocat. Lucas Bento de Carvalho, professeur à l’Université de Montpellier, a bien voulu nous éclairer sur les tenants et les aboutissants de ce contentieux.
Quel diplôme pour accéder aux écoles d’avocat ?
En toute rigueur, il convient de distinguer l’accès aux Centres régionaux de formation à la profession d’avocat (CRFPA), de l’exercice de la profession d’avocat. Pour intégrer l’une de ces onze écoles françaises, les candidats doivent réussir un examen d’entrée généralement appelé le « pré-CAPA ». L’inscription à cet examen requiert, notamment, de justifier « l'obtention des 60 premiers crédits d'un master en droit ou de l'un des titres ou diplômes prévus au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971 » (Arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats).
S’agissant de l’accès à la profession d’avocat, la loi du 31 décembre 1971 (portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, aux titulaires) le réserve aux titulaires « d’au moins une maîtrise [aujourd’hui un master] en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession ». Aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 25 novembre 1998 (fixant la liste des titres ou diplômes reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l'exercice de la profession d'avocat, dans sa version modifiée par un arrêté du 21 mars 2007), « sont reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l'exercice de la profession d'avocat : 1° Les doctorats en droit ; 2° Le diplôme national de master en droit, les diplômes d'études approfondies (DEA) et les diplômes d'études supérieures spécialisées (DESS) des disciplines juridiques ; 3° Les maîtrises de sciences et techniques des disciplines juridiques ; 4° Le diplôme de la faculté libre autonome et cogérée d'économie et de droit de Paris ». Sont également visés « 5° Le titre d'ancien élève de l'École nationale des impôts ayant suivi avec succès le cycle d'enseignement professionnel des inspecteurs-élèves des impôts ; 6° Le titre d'ancien élève stagiaire du centre de formation des inspecteurs du travail et de la main-d’œuvre ou d'ancien élève de l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ayant suivi avec succès le cycle de formation d'inspecteur stagiaire ou d'inspecteur-élève du travail ; 7° Le titre d'ancien greffier en chef stagiaire des services judiciaires ayant suivi avec succès le cycle de formation initiale dispensé par l'École nationale des greffes ; 8° Tout titre ou diplôme universitaire ou technique étranger exigé pour accéder à une profession juridique réglementée dans l'Etat où ce titre a été délivré ; 9° Les mentions “carrières judiciaires et juridiques” et “droit économique” du diplôme de l'Institut d'études politiques de Paris ».
En pratique, ces diplômes, qui conditionnent l’exercice de la profession d’avocat, permettent aussi de se présenter au « pré-CAPA ». La loi 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 confirme cette assimilation. Son article 49 énonce que pour « être admis à se présenter à l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle, les candidats doivent justifier de l'obtention des soixante premiers crédits d'un master en droit ou de l'un des titres ou diplômes reconnus comme équivalents par arrêté ». En revanche, l’exercice de la profession d’avocat nécessitera l’obtention d’un master 2 à compter du 1er janvier 2025.
Quelle autorité fixe cette liste ?
La liste des diplômes considérés comme équivalents au master en droit est établie par arrêté conjoint du ministre de la Justice et du ministre chargé des universités. À la suite de l’adoption de la loi de programmation Justice du 20 novembre 2023, cet arrêté doit être révisé. Dans une résolution adoptée par son assemblée générale du 11 octobre 2024, le Conseil national des barreaux (CNB), qui représente l’ensemble des avocats de France et régit l’organisation de la profession, a exprimé le souhait que « les seuls titres ou diplômes reconnus comme équivalents au master en droit pour l’exercice de la profession d’avocat, et à la première année de master en droit pour l’accès au CRFPA, soient des titres ou diplômes obtenus à l’issue d’une formation garantissant un apprentissage équivalent à une licence en droit et un master en droit ». Le CNB a souligné que le master « doit être distingué des diplômes valorisés par le ministère du Travail à travers le RNCP qui s'accompagne de niveau de compétences (ex : Titre RNCP de niveau 7), des mastères, des master of science », estimant que « ces diplômes, souvent source de confusion dans l’esprit des étudiants, ne répondent pas aux exigences des diplômes universitaires et les étudiants ayant suivi ces formations ne seront pas en mesure de justifier d’un master en droit ». Le CNB conclut en observant « la désillusion des étudiants est déjà très forte aujourd’hui lorsqu’ils souhaitent s’inscrire à l’examen d’accès au CRFPA ».
Que demandait l’Institut supérieur du droit au Conseil d’État ?
L’Institut supérieur du droit a demandé le 19 novembre 2021 à la ministre chargée de l’enseignement supérieur d’inscrire sur cette liste les diplômes qu’il délivre. Éconduit, il a saisi la juridiction administrative d’une demande d’annulation du refus opposé par le ministère.
Quels sont les motifs du rejet de cette requête ?
Le Conseil d’État a notamment relevé que « la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation a pris en considération le faible nombre d'universitaires parmi le corps enseignant de l'Institut supérieur du droit » ainsi que l’absence « d'éléments sur l'insertion professionnelle de ses diplômés et que ses diplômes n'étaient pas inscrits au registre national des certifications professionnelles établi par l'établissement dénommé France compétences ». Le Conseil d’État en conclut que la ministre « ne s'est pas fondée sur des considérations insusceptibles d'être prises en compte pour choisir d'inscrire ou non un diplôme dans l'arrêté du 25 novembre 1998 [et qu’] elle n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ».
De manière générale, quels sont les grands mouvements en cours pour la formation des avocats ?
Les écoles d’avocat mettent l’accent sur la professionnalisation. Sur les dix-huit mois de formation, six sont dédiés à au projet pédagogique individuel (PPI) consistant en un stage professionnel dans tout milieu en cohérence avec le projet de l’élève et six autres consacrés à un stage final en cabinet d’avocat. Les six mois restants, dédiés à des enseignements pratiques — gestion du cabinet, comptabilité, communication, fiscalité — et peuvent, depuis peu, être combinés avec des stages alternés, quelques jours par semaine, au sein de juridictions, de cabinet ou d’entreprise. À titre d’exemple, l’école des avocats centre sud (EDACS) et la Clinique juridique de Montpellier ont noué un partenariat permettant aux élèves avocats de renforcer leur pratique professionnalisante en supervisant les activités d’information juridique et l’accueil du public assurés par les étudiants cliniciens de la faculté de droit de Montpellier.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Une séance de travaux dirigés et un cours magistral, du professeur Jean-Pierre Laborde, sur la place du système français de Sécurité sociale. Entre inspiration bismarckienne et modèle beveridgien, avec en arrière-plan l’influence de la doctrine sociale de l’Église catholique, les idéaux en tension n’ont rien perdu de leur intérêt dans le débat public.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Comme héroïne, je choisirais Gervaise Macquart, dans L’Assommoir de Zola. Elle lutte avec beaucoup de courage pour sortir de sa condition. Elle y serait parvenue sans le coup du sort : l’accident du travail de son époux, qui sombre dans l’alcoolisme. Elle meurt dans la misère et abandonnée de tous.
Comme héro, je pense évidemment à Jean-Claude Dusse. Je lui ai d’ailleurs dédié ma thèse. J’admire sa persévérance et tente de suivre sa philosophie de vie : « Oublie que tu n'as aucune chance, vas-y, fonce ! On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher ! »
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Pas un droit, mais des droits, avec l’alinéa 10 du Préambule de la Constitution de 1946. Celui-ci énonce que « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Je ne suis pas certain, aujourd’hui, qu’un consensus émergerait sur un tel texte.
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