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[ 4 mars 2021 ] Imprimer

À propos des contrôles d’identité

« Police, vos papiers s’il vous plaît ? » En décembre dernier, pour annoncer la création possible d’une plateforme de signalement des discriminations, le Président Macron faisait référence dans une interview à l’existence des contrôles d’identité au faciès, arcboutant alors deux syndicats de policiers. Nous revenons avec Didier Rebut, professeur à l’Université Panthéon-Assas, sur les règles en matière de contrôles d’identité.

Quels sont les grands types de contrôles d’identité ?

Les contrôles d’identité sont divisés selon qu’ils sont de police judiciaire ou de police administrative. Les contrôles de police judiciaire sont liés à la commission d’une infraction, ce qui leur confère précisément une nature judiciaire. Les contrôles de police administrative sont préventifs d’une atteinte à l’ordre public. Ils interviennent donc en présence d’un risque d’atteinte à l’ordre public et sans aucune suspicion ou circonstance relative à la commission d’une infraction.

Ces contrôles sont prévus principalement aux articles 78-1 et suivants du Code de procédure pénale.

Il existe deux cas de contrôle de police judiciaire. Le premier concerne les personnes à l’encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner (i) qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, (ii) qu’elle se prépare à commettre un crime, (iii) qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à une enquête pour crime ou délit, (iv) qu’elle a violé ses obligations et interdictions dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une mesure d’assignation à résidence avec surveillance électronique, d’une peine ou d’une mesure de sûreté suivie par le juge de l’application des peines et (v) qu’elle fait l’objet de recherches par l’autorité judiciaire. Ce contrôle vise donc à recueillir l’identité d’une personne dans le contexte d’une infraction qui est sur le point de se commettre ou qui a eu lieu.

Le second cas de contrôle d’identité de police judiciaire intervient sur réquisitions du procureur de la République. Les articles 78-2 et 78-2-2 du Code de procédure pénale prévoient que le procureur peut adresser des réquisitions aux officiers de police judiciaire aux fins de procéder à des contrôles d’identité dans des lieux déterminés et pour une période déterminée. Ces réquisitions doivent être prises aux fins de recherche et de poursuites d’infractions. Ces réquisitions sont généralement prises dans le cadre d’opérations de police dans un quartier pour lutter contre des trafics.

Le contrôle de police administrative est prévu aux fins d’empêcher que des atteintes à l’ordre public soient commises. C’est le contrôle qui est pratiqué, par exemple, dans le contexte de manifestations sur la voie publique. Si le Code prévoit qu’il peut avoir lieu « quel que soit le comportement de la personne contrôlée », le Conseil constitutionnel a néanmoins exigé que les forces de police justifient des circonstances les ayant conduites à faire ces contrôles. Un autre cas de contrôle de police administrative concerne les étrangers. Il est règlementé par l’article L. 611-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il existe aussi un cas mixte de contrôle d'identité qui concerne les zones frontalières. Dans ces zones, les personnes peuvent faire l'objet d'un contrôle d'identité pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière en vue de vérifier le respect des obligations de détention, port et de présentation des titres et documents prévus par la loi. C’est donc un contrôle d’identité qui est à la fois de police judiciaire et de police administrative.

Il faut par ailleurs bien distinguer le contrôle et la vérification d’identité. La vérification d’identité est la procédure applicable aux personnes contrôlées qui refusent ou sont dans l’impossibilité de justifier de leur identité. Cette vérification a lieu sur place ou dans un local de police. Sa finalité est de déterminer l’identité de la personne qui en fait l’objet. La durée de cette vérification ne peut pas excéder 4h. Elle est évidemment moindre si la personne a pu justifier de son identité avant ce délai.

Qui peut contrôler l’identité ?

Le Code de procédure pénale prévoit que les contrôles d’identité sont pratiqués par les autorités de police sous le contrôle des autorités judiciaires.

Ce sont les officiers de police judiciaire (OPJ) qui ont compétence pour procéder aux contrôles d’identité de police judiciaire ou administrative. Mais ces contrôles peuvent aussi être faits par les agents de police judiciaire (APJ) et les agents de police judiciaire adjoints sur ordre et sous la responsabilité des OPJ. Les policiers et gendarmes n’ayant pas la qualité d’OPJ peuvent donc a priori procéder à des contrôles d’identité puisqu’ils sont APJ. Mais ils n’ont pas cette qualité quand ils participent à une opération de maintien de l’ordre.

Comment peut-on prouver son identité ?

Le Code de procédure pénale dispose expressément que l’identité se prouve par tout moyen. Il n’y a donc pas de moyen de preuve impératif. Tous les documents faisant état de l’identité peuvent être pris en compte : la carte nationale d’identité (CNI), le passeport ou le permis de conduire parce qu’ils émanent, par hypothèse, d’une préfecture. Mais cela peut aussi être aussi une carte vitale ou une carte d’étudiant ou un permis quelconque. On peut penser que les documents comportant une photographie sont davantage pris en compte que ceux qui n’en comportent pas. Il est évidemment préférable de pouvoir présenter une CNI ou un passeport ou un permis de conduire. Cela protège du zèle dans le contrôle.

Faut-il craindre les contrôles à titre préventif ?

Les contrôles préventifs sont prévus par la loi. Certes, ils ne peuvent avoir lieu qu’à certaines conditions (risque d’atteinte à l’ordre public, réquisitions du procureur de la République, zones frontalières). Mais il peut être difficile d’avoir connaissance de l’application de ces conditions au moment du contrôle. Aussi faut-il supposer en cas de contrôle que celui-ci est légal. Il conviendra ultérieurement, le cas échéant, de contester cette légalité.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Assurément mon cours magistral de droit pénal général en 1re année par le Professeur Yves Mayaud. J’avais hésité avant de m’inscrire en droit. Ce cours et le professeur qui le faisait m’ont convaincu que j’avais pris la bonne décision, ce qui n’était pas aussi évident avec d’autres cours et professeurs…

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Pour le héros, d’Artagnan mais à tous les âges de sa vie, c’est-à-dire pour les Trois mousquetaires bien sûr mais davantage dans Vingt-ans après où il s’assagit et plus encore en vieillissant dans le Vicomte de Bragelonne.

Pour l’héroïne, sans nul doute pour sa fougue, volonté et indépendance Scarlett O’Hara dans le roman de Margaret Mitchell, Autant en emporte le vent, mais aussi dans sa parfaite incarnation à l’écran par Vivien Leigh.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

La liberté d’expression parce qu’elle est, à mon sens, la condition de tous les autres. 

 

Auteur :Marina Brillé-Champaux


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