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[ 28 mai 2020 ] Imprimer

À propos des essais cliniques

Pour trouver un vaccin contre le covid-19, des essais cliniques doivent être réalisés. Des souris et des hommes servent pour les tests. Doctorante en droit privé, spécialisée en droit de la santé et plus spécifiquement en droit des industries des produits de santé, Laura Chevreau travaille pour sa thèse sur la question de la préservation des droits fondamentaux dans les essais cliniques. Juriste au sein d’un comité de protection des personnes, elle dispose également d’une expérience pratique relative à l’évaluation des protocoles de recherche clinique. Elle a bien voulu répondre à nos questions. 

Quels sont les enjeux des essais cliniques en temps habituel ?

Habituellement, les enjeux sont déjà très importants pour les personnes qui participent à une recherche clinique. En réalité, la situation actuelle ne change pas tant les enjeux que les contraintes qui pèsent sur les différents acteurs. En temps habituel, tout comme aujourd’hui, l’enjeu principal est la protection des personnes (qu’ils s’agissent de patients ou de volontaires sains). La France est un pays dans lequel beaucoup d’essais cliniques se font annuellement et ceux-ci sont extrêmement divers (essais sur les médicaments, les dispositifs médicaux, recherches en soins courants, en sciences comportementales, constitution de biologiques, etc.). Face à cette diversité de recherches, la préoccupation première est de protéger la personne qui y participe et de s’assurer que la balance entre les bénéfices et les risques lui est favorable. Cette balance est évaluée en amont par le CPP (comité de protection des personnes) dont l’action complète celle de l’ASNM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), puisque l’avis favorable, tant de l’ANSM que du CPP est nécessaire afin de débuter un essai clinique. Ainsi, avant de pouvoir être mis en œuvre, la robustesse du protocole de recherche clinique est analysée tant scientifiquement qu’éthiquement. 

Quels sont-ils en temps de crise sanitaire d’urgence ?

En tant de crise sanitaire, la protection des personnes reste la priorité. Ce qui change, c’est le besoin de réactivité des différentes instances. Pour cela, une procédure dérogatoire a été prévue pour permettre de traiter en priorité les protocoles de recherches concernant le covid-19. En ce qui concerne les CPP (qui sont en France au nombre de 39), qui réalisent habituellement une à deux séances par mois, cette situation a supposé un réajustement (organisation des réunions par audioconférence, planification de nouvelles séances visant à traiter spécifiquement les dossiers covid-19, etc.). Une telle réactivité a permis d’adresser ces dossiers aux CPP et à leurs rapporteurs en des temps records. Ceux-ci ont fait preuve d’un réel dévouement (rappelons qu’ils sont bénévoles) en traitant ces dossiers en moins de 48 heures en plus des dossiers concernant des recherches qui ne sont pas en lien avec le covid-19. Ainsi plus de 200 dossiers covid-19 ont déjà été traités. 

Qu’est-ce qui a changé dans la réglementation aujourd’hui ?

Nous sommes toujours dans l’attente de la mise en application du règlement européen relatif aux essais cliniques. Celui-ci permettra, dès lors que le portail unique sera opérationnel, de simplifier et d’unifier les procédures au niveau de l’Union européenne en ce qui concerne les recherches portant sur les médicaments. Dès lors qu’un promoteur souhaitera effectuer un essai clinique dans plusieurs États de l’Union européenne, il ne fera qu’une seule demande d’évaluation auprès d’un État membre rapporteur dont l’avis vaudra pour tous les autres. Seule l’évaluation éthique restera propre à chaque État. Tout l’enjeu sera de développer une réelle coordination entre les instances éthiques et scientifiques, les délais prévus par le règlement européen étant très courts. De plus, les instances n’auront pas d’autre choix que de respecter ces délais puisque le silence vaudra acceptation ce qui fait potentiellement peser une menace sur les personnes. Pour toutes les autres recherches, la loi Jardé (qui est actuellement applicable pour les recherches portant sur les médicaments dans l’attente du règlement européen) continuera de s’appliquer. Celle-ci différencie les recherches cliniques en fonction des risques encourus par les personnes qui participent à la recherche. 

Faut-il craindre pour la santé des patients ?

Non, je ne le pense pas. Tous les acteurs sont soucieux de la sécurité des personnes qui s’impliquent dans une recherche. Cela est valable en temps normal mais également actuellement, et ce, alors même que la situation est exceptionnelle et que les délais de traitement des dossiers sont très courts. Les différentes parties prenantes y veillent et ne feront pas primer la situation actuelle sur la sécurité des personnes. 

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiante ?

Il est difficile de n’en choisir qu’un seul. Je citerai tout d’abord mon départ pour Aix-en-Provence qui m’a permis d’effectuer un master 1 en droit de la santé et a confirmé ma sensibilité pour cette matière. J’y ai passé une année fabuleuse et fais de très belles rencontres. Ensuite, et cela est quelque part la conséquence de ce premier souvenir, je citerai le jour où j’ai obtenu mon contrat doctoral me permettant d’obtenir un financement et de faire ma thèse. 

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Sans aucun doute : la liberté. Je pense qu’au regard de la situation actuelle chacun se rend compte du fait qu’elle est précieuse. 

 

Auteur :Marina Brillé-Champaux


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