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À propos des jurés et des cours criminelles départementales
12 Angry Men (12 hommes en colère) est un film réalisé aux États-Unis, en 1957, par Sidney Lumet d’après le scénario de Reginald Rose. Il raconte les débats à huis clos de 12 jurés dans le cadre d’un procès pour parricide. C’est un si beau film sur la justice et la citoyenneté ! En France, un juré est aussi un citoyen — tiré au sort sur les listes électorales pour siéger à la cour d'assises. Mais éclairons notre sujet grâce à Jean-Baptiste Thierry, maître de conférences à l'Université de Lorraine, directeur de l'Institut d'Études Judiciaires, qui répond à nos questions sur les nouvelles cours criminelles départementales sans jurés !
Comment fonctionnent les nouvelles cours criminelles départementales ?
Leur compétence est d’abord limitée au jugement, en premier ressort, des personnes majeures accusées d’un crime qui fait encourir quinze ou vingt ans de réclusion criminelle et, le cas échéant, les délits connexes à ces crimes. Ensuite, leur fonctionnement est quasi-identique à celui des cours d’assises, à la différence – importante – que ces cours criminelles départementales ne comportent pas de jury. Elles sont composées de cinq magistrats (un président et quatre assesseurs ; C. pr. pén., art. 380-17). Dès lors, ne s’appliquent évidemment pas devant ces juridictions toutes les règles relatives au jury (sa composition, les incompatibilités, etc.). Enfin, il est prévu que, à la différence des cours d’assises, les cours criminelles délibèrent en étant en possession de l’entier dossier de la procédure. Pour le reste, les règles procédurales qui s’appliquent à la cour criminelle sont les mêmes que celles qui sont prévues pour la cour d’assises. Si un appel est formé contre la décision de la cour criminelle, c’est la cour d’assises qui est compétente pour statuer.
Pourquoi ont-elles été instituées ?
Deux raisons principales sont à l’origine de la création des cours criminelles. La première tient à la volonté de réduire les délais de jugement : au-delà de la durée des audiences, il s’agissait également de réduire les délais d’audiencement et réduire ainsi le stock des affaires en attente d’être jugées. La seconde est relative à la volonté de lutter contre la correctionnalisation judiciaire.
Les cours criminelles ont d’abord été instituées à titre expérimental par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. D’abord créées dans sept départements par un arrêté du 25 avril 2019, puis neuf, par un arrêté du 2 mars 2020, elles ont été étendues à dix-huit départements par la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Le rapport d’évaluation des cours criminelles ne fait pas apparaître de changement révolutionnaire. Le temps d’audience est certes un peu plus court devant les cours criminelles, mais la différence reste relative : 2,23 jours d’audience en moyenne, contre 2,54 jours devant la cour d’assises. L’impact sur la correctionnalisation apparaît en revanche très hypothétique. Au demeurant, toute correctionnalisation n’est pas à rejeter : il s’agit d’un instrument qui peut présenter une grande utilité au regard des nécessités de la répression.
Malgré ces constats décevants, le législateur a choisi de pérenniser le dispositif dans la loi du 21 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, en reportant l’entrée en vigueur de cette généralisation au 1er janvier 2023. L’explication réside sans doute davantage dans le coût du dispositif : une journée d’audience devant la cour d’assises est sensiblement plus coûteuse que devant la cour criminelle (2 060 euros pour la première contre 1 100 euros pour la seconde).
Comment sont-elles perçues par les acteurs du droit ?
Tout dépend des acteurs ! Il est en outre difficile de connaître le ressenti global de l’ensemble des acteurs concernés, entre pragmatisme des uns et attachement au jury des autres. Dans le rapport d’évaluation mentionné ci-dessus, les avis semblent plutôt positifs. Les avocats qui avaient pu craindre un recul de l’oralité – fondamentale en matière pénale en général et en matière criminelle en particulier – ont, semble-t-il, relever que ces craintes n’étaient pas justifiées. Les avocats de parties civiles semblent apprécier la manière dont les cours criminelles fonctionnent. Par ailleurs, le Code de procédure pénale prévoit désormais une réunion préparatoire criminelle (C. pr. pén., art. 276-1), qui permet aux acteurs concernés de s’entendre préalablement sur les personnes qui seront entendues à l’audience. Les rédacteurs du rapport insistent sur un point : les présidents de cours criminelles étaient des présidents d’assises, très attachés au respect de l’oralité des débats. Les greffiers mentionnent un allègement des formalités liées à la constitution du jury. Les magistrats semblent apprécier la possibilité de délibérer en disposant du dossier de la procédure. Certains mettent également en avant la possibilité de prononcer des peines « plus techniques » et habituellement moins prononcées par les cours d’assises en raison de la présence du jury. Sans surprise, la conférence nationale des procureurs généraux souhaite aller encore plus loin en créant un plaider-coupable criminel. On note également un mouvement de rejet important de ces cours criminelles, de la part de magistrats, avocats et universitaires, avec une mobilisation importante initiée et coordonnée par notre collègue Benjamin Fiorini. L’attachement au jury est en effet important et les cours criminelles départementales éloignent un peu plus les citoyens de la justice. Les cours criminelles constituent en outre le signe de la « managérialisation » croissante de l’institution judiciaire.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Ils sont nombreux ! Et principalement liés à des activités extra-universitaires qui ne se déroulaient pas sur les bancs de la faculté. Le DEA (autre temps…[Diplôme d’Études Approfondies, ancien Master 2 !]) a été un moment important, parce qu’il a été l’occasion de découvrir les potentialités de la recherche : le premier séminaire de Jean-François Seuvic, qui a ensuite été mon directeur de thèse, reste à cet égard un moment marquant.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Aucun et un peu tous : le Batman pour les superhéros, Kurt Wallander pour les enquêteurs, les héros « mis en fiction », comme Antoine de Tounens, Philip K. Dick ou Romain Gary… Ender Wiggins, le héros du Cycle d’Ender de Orson Scott Card, est peut-être le personnage de fiction le plus fascinant : génie instrumentalisé, il devient celui qui porte la parole des morts pour réconcilier les êtres, humains et non humains.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Pas l’un plus que d’autres : la liberté, l’égalité et la fraternité, parce que ce triptyque est fondateur et ne doit pas rester qu’une devise.
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