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[ 13 décembre 2018 ] Imprimer

À propos des parlementaires

« Ma personne est sacrée. Je suis un parlementaire » clame Jean-Luc Mélenchon, député La France insoumise, alors qu’une perquisition se déroule dans les locaux du parti politique dans le cadre d’une enquête préliminaire en matière pénale en octobre 2018. Revenant sur le statut particulier des parlementaires, Thomas Ehrhard, maître de conférences à l’Université Paris II Panthéon-Assas, répond à nos questions.

Depuis quand les immunités parlementaires existent-elles ?

Historiquement, les immunités parlementaires sont liées à la représentation politique. Si l’on en trouve des principes proches à Athènes et à Rome à l’Antiquité, leurs formes modernes s’observent en Europe avec l’avènement des régimes parlementaires. En Angleterre, le Bill of Rights de 1689 établit la protection de la liberté de parole du parlementaire (Freedom of speech in Parliament). Un siècle plus tard, dans le contexte de la réunion des États Généraux en 1789 et de la Révolution, Mirabeau invite l’Assemblée nationale à déclarer « inviolable la personne des députés » contre « la puissance des baïonnettes » et l’autorité royale. Dès la Constitution de 1791, l’immunité parlementaire est consacrée et perdurera, malgré quelques vicissitudes, dans les constitutions ultérieures jusqu’à l’article 26 de la Constitution du 4 octobre 1958, dont la portée a été réduite par la révision du 4 août 1995.

Quels sont les deux aspects des immunités parlementaires ? 

Les immunités parlementaires sont l’une des trois composantes du statut des parlementaires qui encadre l’exercice du mandat (avec les incompatibilités et les indemnités). Elles établissent un régime juridique dérogatoire au droit commun pour les parlementaires afin de préserver leur liberté et pour assurer leur indépendance. Elles ne sont pas un privilège personnel mais un moyen de protéger l’exercice du mandat contre des pressions politiques, juridiques, ou de groupes d’intérêt.

La première immunité est l'irresponsabilité pour les opinions et les votes émis qui ne peuvent donner lieu à des poursuites. Elle est absolue en ce qu’elle concerne les poursuites civiles et pénales et se prolonge après la cessation du mandat, mais elle ne s’étend pas aux activités et propos extérieurs à la fonction parlementaire.

La seconde immunité est l’inviolabilité qui consiste en l’impossibilité de prendre des mesures privatives ou restrictives de liberté pour des crimes ou délits, extérieurs à l'exercice du mandat. Cette immunité procédurale est limitée à la durée du mandat et elle peut être levée avec l’accord du Bureau de la Chambre dont il fait partie (sur demande du procureur général près la cour d’appel compétente transmise par le ministre de la justice). Elle peut retarder l’action pénale mais ne l’empêche pas.

Quels sont les cas pour lesquels l’immunité parlementaire est levée ?

Il faut rappeler que la levée de l’immunité ne concerne que l’inviolabilité et que, depuis la révision de 1995, l’engagement des poursuites (mise en examen) et la mise en cause (audition simple) sont possibles sans l’accord du Bureau, de même que la perquisition du domicile d’un parlementaire (mais pas des lieux affectés à l’exercice d’un mandat).

L’immunité parlementaire a été levée 14 fois entre 1958 et 1995 et 31 fois depuis. Elle est très régulièrement accordée à tel point que la question de son maintien est régulièrement évoquée par les acteurs politiques, comme par le président de l’Assemblée nationale François de Rugy en 2017. La demande ainsi que la délibération du Bureau sont couvertes par le secret de l’instruction. La levée de l’immunité concerne, le plus souvent, les cas d’affaires financières. La première levée de la Ve République a eu lieu en 1959, elle concernait François Mitterrand dans le cadre de l’« Affaire de l’Observatoire ».

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ? 

Mon meilleur souvenir étudiant est certainement l’année de Master 2 à l’Université Paris II Panthéon-Assas, une année épanouissante avec des enseignements qui correspondent (enfin) complètement aux matières et objets qui m’intéressaient. C’est aussi une année stimulante entre la fin d’un cycle universitaire et l’ouverture vers le doctorat.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Calvin de la bande dessinée Calvin et Hobbes. Les aventures et les considérations sarcastiques et ironiques de ce petit garçon sur la société sont réjouissantes.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

L’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 selon lequel « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » : l’un des piliers du constitutionnalisme, et un article bien connu des étudiants dans le cours de Droit constitutionnel.

 

Auteur :Marina Brillé-Champaux


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