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[ 5 juin 2025 ] Imprimer

À propos des prochaines élections municipales

Les prochaines élections municipales auront lieu en mars 2026, probablement les 15 et 22. Deux lois, organique et ordinaire, visant à « harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité » viennent d’être déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Jean-Pierre Camby, ancien administrateur à l’Assemblée nationale, commentateur du code et auteur de rubriques de contentieux électoral du Répertoire et du Conseil constitutionnel, juge électoral, nous fait le plaisir de répondre à nos questions sur les enjeux de ce nouveau dispositif électoral.

Que prévoit la réforme du scrutin des élections municipales ?

Les deux lois, organique et ordinaire du 21 mai 2025 ont pour objet essentiel de généraliser la parité des candidatures sur les listes électorales, en étendant cette obligation quelle que soit la taille de la commune. Jusqu’à présent au-dessous d’un certain seuil de population, qui avait été abaissé de 3 500 à 1 000 habitants par la loi du 17 mai 2013, les modalités du scrutin étaient différentes selon la taille de la commune concernée. Dans les quelque 27 000 communes de moins de 1 000 habitants, la déclaration de candidature n’était pas obligatoire, contrairement aux communes d’une population supérieure (C. élect., art. L. 264). De ce fait, le panachage, l’ajout ou la radiation de noms étaient admis. En 2026, ce ne sera plus possible : le dépôt des candidatures par listes complètes devient obligatoire même pour les communes de moins de 1 000 habitants. La loi a seulement prévu que les listes pourraient comporter deux noms de moins qu’il y a de sièges à pourvoir (C. élect., art. L. 252). Ainsi pour une commune de moins de 100 habitants, un conseil municipal doit comporter 7 membres, mais une liste pourra n’être présentée qu’avec cinq noms. De 100 à 499 habitants ces chiffres sont de 11 et 9, et de 500 à 999 habitants les listes doivent comporter 11 noms minimum pour 13 sièges à pourvoir. Une élection d’une liste incomplète, mais respectant ces minima n’empêchera pas la constitution du conseil municipal. Le scrutin majoritaire est abandonné.

Les électeurs ayant pris l’habitude de biffer ou d’ajouter des noms, il est probable qu’il y aura beaucoup d’annulations de bulletins, mais aussi de nombreuses communes sans élus si les listes n’ont pu être constituées en respectant le nombre minimal d’inscrits et la parité. Celle-ci n’est cependant pas étendue au cas ultérieur de remplacement des adjoints.

Les lois du 21 mai traduisent le fait que la parité ne peut s’imposer spontanément, même si cet objectif est affirmé par la Constitution. Depuis les lois du 6 juillet 2000, puis du 31 juillet 2007, elle s’est progressivement imposée, mais elle cadre mal avec la structuration communale française, et on peut se demander si cette ultime vague législative s’appliquera de manière satisfaisante en 2026 : dans les petites communes, il sera difficile de trouver des listes, même incomplètes, et surtout d’éviter des pratiques auxquelles les électeurs sont habitués.

Quels étaient les griefs des deux saisines de députés et de sénateurs à l’encontre de ce nouveau dispositif ?

La loi organique, qui actualise les conditions d’incompatibilités et étend l’obligation d’indiquer la nationalité des candidats ressortissants européens, était obligatoirement déférée, mais elle ne comporte que des dispositions de coordination. S’agissant de la loi ordinaire, le premier ministre a fait une saisine « blanche ». Par ailleurs des députés d’une part, des sénateurs d’autre part avaient saisi le Conseil de ce texte. Les arguments étaient nombreux, mais les inconvénients pratiques évidents quant à la composition des listes ne se traduisent pas nécessairement au plan juridique. Les saisines ont évoqué un principe selon lequel « la modification des règles applicables au scrutin municipal à moins d’une année des élections » constituerait un « détournement de pouvoir » ou porterait atteinte à la « sécurité juridique ». Était également alléguée une méconnaissance des lignes directrices adoptées par la Commission européenne pour la démocratie par le droit et les stipulations de l’article 3 du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits d l’homme. Mais l’essentiel tenait évidemment au fond : l’abandon du scrutin majoritaire avec panachage et ajouts possibles pose des problèmes évidents, même si les saisines ne peuvent qu’imparfaitement les traduire en griefs constitutionnels. L’organisation du scrutin n’est pas touchée, mais la liberté de choix des électeurs est réduite. Donc les griefs s’organisent principalement autour de la date de la réforme intervenue au cours de l’année précédant le scrutin et de son contenu au regard de la liberté des électeurs et des candidats, et accessoirement sur des arguments liés à son application outre-mer ou des griefs de procédure. Tous ces griefs ont été écartés.

Comment le Conseil constitutionnel les écarte dans sa décision n° 2025-883 DC du 15 mai 2025 ?

Si l’article 567 1 A du Code électoral prévoit bien que ne peut être modifié le régime électoral du périmètre des circonscriptions dans l’année qui précède le premier tour de scrutin, ce dispositif est seulement législatif. Il ne constitue pas un principe de rang constitutionnel (Cons. const. 21 févr. 2008, n° 2008-563 DC). Donc, dans la décision du 15 mai, le Conseil indique « il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ». Il rappelle plus nettement encore, s’agissant de l’article 7 qu’aucune règle ni autre exigence constitutionnelle n’interdit de modifier le régime électoral des membres des conseils municipaux dans l’année qui précède la date de leur renouvellement général. Cette règle de stabilité dans l’année précédant l’élection ne s’impose pas davantage à la possibilité de légiférer par ordonnance ouverte pour six mois par l’article 2 du texte pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie.

La saisine sénatoriale tentait de voir reconnaître un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel les « petites communes » devraient être régies par des règles électorales particulières, mais aucune loi antérieure à 1946 ne le prévoit. Or, seules des lois de la IIIe République, ou antérieures peuvent fonder une tradition républicaine permettant de fonder un tel principe, (Cons. const. 23 janvier 1987, n° 86-224 DC, § 15 ; CE 30 mai 2012, GFA Fielouse –Cardetn° 355287). En outre, on peut douter qu’il s’agisse d’une règle suffisamment importante pour acquérir un statut constitutionnel.

Était également évoquée l’absence de consultation des collectivités d’Outre-Mer (Const., art. 74) ou aussi en particulier en Nouvelle-Calédonie, mais la loi ne leur est pas applicable en l’état, puisqu’elle habilite le gouvernement à édicter une ordonnance.

L’autre grief principal tenait au droit d’être candidat et à la liberté de l’électeur, mis en balance avec l’objectif poursuivi d’étendre la parité, objectif fortement valorisé depuis la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 (Cons. const. 30 mai 2000, n° 2000-429 DC). Après l’avoir analysé, le Conseil a jugé qu’« en dépit des difficultés que pourraient rencontrer les candidats à composer des listes dans certaines communes en raison de leur faible population, le législateur a procédé à une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, le principe de pluralisme des courants d’idées et d’opinions et le droit d’éligibilité et, d’autre part, l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Le respect du pluralisme avait été jugé compatible avec l’abaissement du seuil à 1000 habitants « dans les conditions » alors prévues : « le seuil de population retenu et le nombre de conseillers municipaux limitent les éventuelles difficultés à composer des listes répondant à l'exigence de parité retenue par le législateur » (Cons. const. 16 mai 2013, n° 2013-667 DC). Si on pouvait déduire de cette rédaction un a contrario, le Conseil n’avait cependant pas formulé clairement d’obstacle à la suppression de tout seuil. L’impact sur la composition des conseils municipaux a, de même, été écarté. Dans le cadre général d’un contrôle restreint, le Conseil juge que la liberté de l’électeur n’est pas limitée de manière excessive par le fait de devoir voter pour une liste composée paritairement de représentants de chaque sexe.

Quant à l’argument tiré d’une contrariété avec un Traité, le Conseil fait toujours application de sa jurisprudence du 15 janvier 1975 dite « IVG » : « il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi en application de l’article 61 de la Constitution, d’examiner la conformité d’une loi aux stipulations d’un traité ».

D’autres griefs apparaissent plus ténus comme la « confusion » des débats parlementaires, l’atteinte au secret du vote ou le renvoi au décret du soin de fixer la composition d’une commission consultative chargée de donner un avis sur les modifications de limites territoriales d’une commune.

La critique essentielle, c’est-à-dire la difficulté de mettre en œuvre la réforme, n’a pas de traduction constitutionnelle.

Donc les griefs ont tous été rejetés.

Quels impacts sur la carte électorale ce nouveau scrutin peut-il avoir ?

La réforme n’a aucun impact sur la carte électorale proprement dite : la commune reste la seule circonscription électorale municipale (à l’exception de Paris Lyon et Marseille, pour lesquelles une réforme est en cours d’examen). Mais il est probable que les difficultés à constituer les listes risquent d’inciter au regroupement de communes, qui est sans doute l’un des objectifs non avoués de la réforme.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Des enseignants remarquables.

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

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Auteur :MBC


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