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[ 30 mars 2017 ] Imprimer

À propos du Parquet national financier

Alors que des débats virulents animent la communauté des juristes autour de l’« Affaire Fillon », Dalloz  Actu étudiant a demandé à Édouard Verny, professeur de droit pénal à l’Université de Paris II, de nous éclairer sur la procédure devant le Parquet financier.

Qu’est-ce que le Parquet national financier et quelle est sa compétence ?

L’instauration d’un procureur de la République financier à la tête d’un parquet national financier procède de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière et de la loi organique du même jour relative au procureur de la République financier (n° 2013-1115). 

Ce Parquet financier exerce ses attributions près le tribunal de grande instance de Paris, sous l’autorité du procureur général près la cour d’appel de Paris. 

Il dispose d’une compétence exclusive pour les délits d’atteinte à la transparence des marchés (prévus par les art. L. 465-1 à L. 465-3-3 C. mon. fin.). Il exerce une compétence concurrente avec d’autres parquets pour les nombreux délits énumérés à l’article 705 du Code de procédure pénale. Pour certains de ces délits, la loi précise que cette compétence ne s’exerce que « dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d'auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s'étendent ». C’est le cas par exemple en matière de concussion, de corruption, de trafic d’influence, de prise illégale d’intérêts, d’escroquerie…

La circulaire du garde des Sceaux du 31 janvier 2014 de politique pénale relative au procureur de la République financier ajoute une précision, qui peut être d’autant plus discutée qu’elle n’apparaît pas dans la loi : « bien que le critère de la grande complexité apparaisse tant dans les dispositions relatives aux JIRS [Juridictions interrégionales spécialisées] que dans celles relatives au procureur de la République financier, ce dernier a par essence vocation à connaître des affaires susceptibles de provoquer un retentissement national ou international de grande ampleur ».

Lorsqu’il est compétent, le Parquet financier exerce ses attributions sur toute l’étendue du territoire national.

Comment s’organise concrètement la répartition des compétences entre le Parquet financier et les autres parquets ?

Selon les dispositions de l’article 705-4 du Code de procédure pénale, cette coordination incombe au procureur général près la cour d’appel de Paris, en concertation avec les autres procureurs généraux. Faute d’accord entre le procureur de la République territorialement compétent et le procureur de la République financier, le conflit de compétence doit être tranché par un accord entre le procureur général près la cour d’appel de Paris d’une part et le procureur général près l’autre cour d’appel concernée d’autre part.

Quels sont les moyens dont dispose le Parquet financier et quels sont les organismes qui collaborent avec lui ?

En octobre 2016, le Parquet financier comprenait 15 magistrats, 10 fonctionnaires et 4 assistants spécialisés. Bien sûr, il peut saisir des services d’enquête spécialisés de la police nationale, de la gendarmerie nationale ou des douanes. Il a tout particulièrement vocation à travailler avec l’office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).

En ce qui concerne la révélation des comportements suspects, le Parquet financier pourra être informé non seulement par la police, la gendarmerie et les douanes mais aussi par divers organismes publics (par exemple la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, l’Autorité des marchés financiers, l’administration fiscale, TRACFIN…) ou par des sources privées (des victimes, des journaux…).

Quelles sont les nouveautés en matière de prescription des infractions financières depuis la loi du 27 février 2017 ?

La loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale double le délai de prescription de l’action publique prévu pour les crimes et les délits en dehors de dispositions spécifiques propres à certaines infractions : ce délai est désormais de 20 ans pour les crimes et de 6 ans pour les délits. 

Cette loi intègre aussi une jurisprudence bien connue (notamment pour l’abus de biens sociaux. V. par ex. : Crim. 10 août 1981, n° 80-93.092 ; Cass., ass. plén., QPC, 20 mai 2011, n° 11-90.025, 11-90.032 ; 11-90.033, 11-90.042) sur les infractions dissimulées : « le délai de prescription de l'action publique de l'infraction occulte ou dissimulée court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique ». L’infraction dissimulée est définie comme celle dont « l'auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte ». Le grand changement, pour les infractions dissimulées ou occultes, vient de l’instauration d’une date butoir : le délai de prescription ne pourra excéder douze années révolues pour les délits — trente ans pour les crimes — à compter du jour où l'infraction a été commise. Il est impossible de remettre en cause des prescriptions acquises mais il est précisé que cette loi ne peut avoir pour effet de prescrire des infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l'exercice de l'action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n'était pas acquise.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

Les épreuves orales, trop rares en raison de nos effectifs, ont été pour moi très formatrices et marquantes. Au-delà d’une appréhension légitime, j’étais heureux de pouvoir montrer au professeur qui m’interrogeait mon intérêt pour son cours et d’avoir ainsi avec lui un échange privilégié. Je suis quelquefois sorti déçu par ma prestation, conscient de n’avoir pu par ma faute profiter de cette rencontre.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

J’éprouve beaucoup d’affection et d’admiration pour Monseigneur Bienvenu des Misérables, non seulement pour le secours fraternel qu’il porte à Jean Valjean mais aussi pour cette merveilleuse qualité que Victor Hugo lui attribue et que je lui envie : « il semblait que de toute sa personne il sortît de la joie ».

Quel est votre droit de l’homme préféré ? 

La liberté de pensée, de conscience et de religion car elle se place au cœur de la dignité humaine, de notre identité et du respect des autres jusque dans leurs convictions, tout particulièrement lorsqu’on ne les partage pas.

 

Auteur :M. B.


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