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Abandon de poste : présomption de démission bientôt applicable
Publiée au Journal officiel du 22 décembre 2022, la loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi modifie de manière importante le droit du travail. Delphine de Saint Remy, journaliste à la rédaction Droit social des Éditions Lefebvre Dalloz, a bien voulu nous répondre sur ce sujet.
Qu’est-ce qu’un abandon de poste en droit du travail ?
Le Code du travail ne donne pas de définition de l’abandon de poste. Selon la jurisprudence, il consiste, pour un salarié, à quitter son poste de travail sans autorisation de l'employeur ou à s'absenter de manière prolongée ou répétée sans justificatif pendant ses heures de travail (à moins que le salarié se soit absenté pour consulter un médecin lorsque cela est justifié par son état de santé, en cas de décès d'un proche ou encore pour exercer son droit de retrait). Lorsque le salarié quitte son poste ou ne se présente plus à son poste de travail, sans justification légitime, il ne perçoit pas de salaire. L'absence du salarié suspend le contrat de travail.
Que prévoit désormais la loi du 21 décembre 2022 en cas d’abandon de poste ?
Jusqu’à présent, face à un abandon de poste, l’employeur pouvait mettre en demeure le salarié de reprendre son poste et/ou de justifier son absence puis, s’il restait sans nouvelles du salarié, mettre en œuvre une procédure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. Mais il ne pouvait pas considérer que le salarié était démissionnaire.
La loi du 22 décembre 2022 change la donne. Elle crée une présomption de démission en cas d’abandon de poste (sauf pour raisons de santé, de sécurité ou pour faire grève). Désormais, l’employeur pourra mettre en demeure le salarié de justifier son absence et de reprendre son poste dans un certain délai, à l’issue duquel le salarié toujours absent sera présumé avoir démissionné. Ce dernier pourra contester la rupture devant le conseil de prud’hommes qui, en fonction des éléments apportés, pourra estimer que la rupture est en réalité imputable à l’employeur. Mais il pourra aussi ne pas retenir les arguments du salarié et « valider » la démission. Notons que cette procédure ne sera applicable qu’une fois le décret d’application publié.
Quels seront les nouveaux risques pour l’employeur et pour le salarié ?
Les conséquences de cette présomption de démission sont lourdes pour le salarié. En effet, s’il est considéré comme démissionnaire, il n’aura pas, aux yeux de la loi, « involontairement perdu son emploi » — ce qui est le cas dans l’hypothèse d’un licenciement pour abandon de poste — et ne bénéficiera d’aucune indemnisation chômage (à moins de pouvoir justifier d’un cas de démission reconnue légitime par l’assurance chômage).
Le recours à cette procédure n’est pas non plus sans risque pour l’employeur. Si les juges estiment que la présomption de démission ne peut pas être retenue, la rupture devrait logiquement être requalifiée en licenciement abusif, avec les conséquences financières que cela induira pour l’employeur. Avant d’utiliser cette nouvelle procédure, ce dernier devra se demander s’il n’est pas préférable d’avoir recours à un licenciement pour abandon de poste.
Quelles autres dispositions de la loi faut-il retenir selon vous ?
L’autre grande mesure de la loi à retenir est sans nul doute ce qu’on appelle « la contracyclicité » de l’assurance chômage. Concrètement, le gouvernement a institué un système qui rend les conditions d’accès à l’assurance chômage plus strictes si la situation de l’emploi est favorable et plus souples dans le cas contraire. Désormais, en cas de situation de l’emploi favorable, la durée d’indemnisation sera minorée de 25 % : elle passera, pour les demandeurs d’emploi de moins de 53 ans, de 24 à 18 mois. Plus généralement, le gouvernement a fait passer d’autres mesures destinées à réduire les dépenses de l’Unédic. À titre d’exemple, les salariés en intérim ou en contrat à durée déterminée (CDD) qui refuseraient deux offres de contrat à durée indéterminée (CDI) seront désormais privés, sauf cas particuliers, d’allocations de chômage.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Sans aucun doute les longues heures passées, lorsque le temps le permettait, sur les grandes pelouses de l’Université de Paris X-Nanterre entre deux cours en amphithéâtre (ou, parfois, il faut bien l’avouer, pendant les cours), avec toute une bande de copains.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Edmond Dantès, le personnage principal du Comte de Monte-Cristo, d’Alexandre Dumas, est pour moi le héros par excellence. Petit marin sans envergure et sans instruction, trompé puis emprisonné, il deviendra Comte, homme d'affaires érudit et endossera le rôle de justicier. J’ai aussi beaucoup d’admiration pour Jane Eyre, de Charlotte Brontë, qui ose s’affirmer dans un univers où les femmes sont priées de se taire et d’obéir. C’est l’une des premières héroïnes de la fiction moderne à revendiquer l’égalité entre les sexes.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Question difficile… Probablement l’égalité qui, aujourd’hui, semble toujours si compliquée à mettre en œuvre et à faire respecter dans notre pays. Nous avons encore des progrès à faire en la matière. L’égalité des chances, l’égalité devant la loi, devant le service public, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’égalité de traitement, l’égalité d’accès aux soins, la lutte contre les discriminations… Les pouvoirs publics s’emparent régulièrement de ces sujets mais, malgré les réelles bonnes intentions du législateur, les avancées en la matière restent encore trop limitées.
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