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[ 29 septembre 2009 ] Imprimer

Antoine LYON-CAEN

Si elle réaffirme le principe du repos dominical, la loi promulguée le 10 août 2009 par le président de la République modifie le Code du travail pour étendre les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations. Antoine Lyon-Caen, professeur spécialisé en droit du travail à l’Université de Paris X-Nanterre et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, nous précise en trois points ces nouvelles dispositions législatives.

Le travail le dimanche, c’est une déclinaison du fameux « travailler plus pour gagner plus » ?

De tradition, le travail salarié est autorisé le dimanche lorsqu’il répond soit aux contraintes d’une activité — qui ne peut être interrompue — soit aux besoins avérés de la population (service de santé ou activités de sécurité par exemple). Rien à voir avec l’exaltation du travail et moins encore du gain. Au demeurant, ce travail du dimanche n’est pas, de tradition, mieux rémunéré.
Avec la nouvelle loi, un tournant est pris. Les besoins de la population qui justifient le travail du dimanche peuvent être de pures aspirations consuméristes. Travailler le dimanche pour que les autres dépensent plus. C’est pourquoi la nouvelle dérogation qui vise les grandes agglomérations urbaines s’accompagne au minimum d’une rémunération doublée et d’un repos compensatoire.

Un salarié peut-il refuser de travailler le dimanche ? Les activités des zones concernées par les dérogations relèvent-elles forcément du tourisme ?

Dans la logique traditionnelle, le salarié ne peut refuser de travailler le dimanche, même si le volontariat est largement diffusé. Le salarié sait que son emploi, par essence, ne permet pas l’arrêt général de l’activité. Cette logique est étendue par la loi nouvelle aux communes d’intérêt touristique. Cette extension intrigue à un double titre. Elle annonce des discussions savoureuses sur la notion juridique de tourisme. D’autre part l’extension couvre tous les commerces dans ces communes même s’ils n’ont aucun lien avec l’accueil des touristes, la détente et les loisirs.
La dérogation « consumériste » nouvelle ne peut être appliquée qu’avec des volontaires. Et il faut rendre hommage au Parlement. Il a conçu pour le recueil de l’assentiment du salarié des procédures d’une rare sophistication. À observer comme des perles rares.

Comme l’avait été la loi sur l’autonomie de l’Université, cette loi sur le travail dominical, dont l’importance symbolique n’est pas à démontrer, a été votée pendant les vacances estivales, presque à la sauvette. Que vous inspire cette stratégie législative ?

La nouvelle loi présente deux traits intéressants. Issue d’une apparente initiative parlementaire, elle a échappé à la procédure de consultation préalable des partenaires sociaux, obligatoire depuis la loi dite « Larcher » du 31 janvier 2007 (art. L. 1er et s. C. trav.).
Par ailleurs, après deux tentatives avortées, c’est dans la période d’évasion estivale qu’elle a été discutée, adoptée, puis promulguée, après un contrôle de constitutionnalité très succinct. C’est un exemple presque pur de loi pour l’édiction de laquelle la volonté de quelques-unes a eu raison des réticences du plus grand nombre.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d'étudiant ? Ou le pire ?
Mai 1968, période où j’ai pu accéder au toit de la faculté et être dispensé de l’étude du droit du travail.

 

Quel est votre héros de fiction préféré ? Pourquoi ?
Cette année, j’ai une tendresse particulière pour la Princesse de Clèves.

 

Quel est votre droit de l'homme préféré ? Pourquoi ?
Je suis sensible aux droits de l’homme en bloc. À l’expérience j’ai compris la richesse du droit du travail, ce droit qui a suscité la plus brillante des polémiques parlementaires entre Louis Blanc et Alexis de Tocqueville.

 


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