Actualité > Focus sur...

Focus sur...

[ 15 octobre 2020 ] Imprimer

Association « Biodiversité sous nos pieds »

 

Le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a suspendu, le 28 septembre 2020, un arrêté́ préfectoral autorisant, par dérogation à la conservation des espèces protégées, l’extension et le renouvellement de lexploitation dune carrière. Pour nous expliquer les enjeux de cette décision, Lucas Vincent, étudiant en Master 1 à Sciences Po Grenoble en « Transitions écologiques » et en Licence 3 à lUniversité Panthéon-Sorbonne, co-fondateur et co-président de lassociation, a bien voulu nous répondre.


 

Pourquoi contester spécifiquement les dérogations à la conservation des espèces protégées ? 

Outre la sensibilisation, l’outil principal de notre association est le fait d’ester en justice, en particulier pour contester ces dérogations. À l’occasion du mémoire de recherche que j’ai rédigé avec Stefano Di Panfilo, également co-fondateur et co-Président de BSNP, pour clôturer le séminaire en droit de l’environnement précité, et portant sur la conciliation entre la protection de la biodiversité et les intérêts économiques dans les contentieux administratifs liés aux opérations daménagement en zone de montagne, nous avons constaté que les administrations accordent quasiment systématiquement ces dérogations pour permettre la réalisation de divers projets d’aménagement, sans se soucier des conditions imposées par le Code de l’environnement, conduisant ainsi à de nombreuses suspensions ou annulations devant le juge administratif. Les associations de protection de lenvironnement sont alors le seul rempart pour faire cesser les illégalités et donc protéger la biodiversité. 

Que demande larticle L. 411-2 du Code de lenvironnement ?

Cet article est l’exception à la règle qu’est l’article L. 411-1 du Code de l’environnement. Tous deux sont une transposition dans le droit interne de la directive Habitats. L’article L. 411-2 prévoit la délivrance préfectorale ou ministérielle de dérogations aux interdictions posées par l’article L. 411-1 de destruction des espèces animales et végétales protégées par ladite directive. Cette dérogation est en principe accordée sous réserve de la réunion de trois critères : l’absence d’autre solution satisfaisante ; la non-nuisance au maintien dans un état de conservation favorable des espèces protégées concernées ; quant à la troisième condition, cinq cas sont possibles, mais celui qui nous intéresse en l’espèce est l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur (RIIPM) puisque c’est lui qui permet la réalisation de projets d’aménagement. 

Sur quel fondement avez-vous demandé la suspension de larrêté préfectoral ? 

Conformément à l’article L. 521-1 du CJA sur le référé-suspension, nous avons d’abord évoqué l’urgence, liée à la réalisation imminente des travaux permettant la réalisation du projet, c’est-à-dire l’extension de la carrière, travaux conduisant alors à la destruction par nature irréversible de 19 espèces animales protégées, ce qui portait un préjudice grave et immédiat aux intérêts défendus par notre association. Nous avons ensuite invoqué plusieurs moyens constituant autant de doutes sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse, notamment l’insuffisance de motivation, l’insuffisance des mesures dites « ERC », et le fait que le projet ne pouvait répondre à des RIIPM de nature sociale ou économique. 

Quel moyen avez-vous invoqué devant le tribunal ?

Lors de ma plaidoirie, j’ai surtout insisté sur l’absence de RIIPM. Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’une notion qui fait particulièrement l’objet d’approches casuistiques par les juges. J’ai alors estimé, au vu des jurisprudences du Conseil d’État et de la CJUE, que si le projet d’extension de cette carrière révélait un intérêt économique privé voire un intérêt public local, il était impossible, compte tenu de son envergure, de le comparer aux très grands projets d’aménagement de portée nationale voire européenne qui avaient été considérés comme répondant à des RIIPM par les hautes juridictions. C’est d’ailleurs ce moyen qui a été retenu par le juge des référés. J’ai également rappelé que certaines espèces considérablement menacées ne bénéficiaient d’aucune mesure compensatoire. 

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir détudiant ?

Mettre le droit en pratique avec réussite, et ce à plusieurs reprises. 

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Je dirais Henry Hill dans GoodFellas, notamment pour son illustre réplique finale, et Patricia Conley, « Pat », dans Ubik

Quel est votre droit de lhomme préféré ?

Le droit au recours effectif, sans lequel « Biodiversité sous nos pieds » n’aurait pas lieu d’être. 

 

Auteur :Marina Brillé-Champaux


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr