Actualité > Focus sur...

Focus sur...

[ 7 novembre 2019 ] Imprimer

Avocat collaborateur

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter régulièrement les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Le métier d'avocat continue à attirer des générations de juristes. Mais derrière les grandes figures et grands cabinets de la profession, les carrières se construisent pas à pas, avec labeur, constance et patience. Jeune collaborateur du cabinet parisien Bredin Prat, Edouard Chaney a accepté de nous parler de ses premiers pas en tant qu'avocat au sein du département contentieux.

Quel parcours avez-vous suivi jusqu'à cette première collaboration ?

Un parcours traditionnel : j'ai suivi une licence et un Master de Droit privé à la faculté de droit de Versailles, d'où je suis originaire. Je me suis ensuite spécialisé en droit des affaires avec un premier Master 2 à l’Université Paris-Dauphine puis un second Master 2 de contentieux et arbitrage à l'université Panthéon-Assas. Après un stage final de six mois au sein du cabinet Bredin Prat, de janvier à juin 2017, j’ai intégré ce même cabinet en tant que collaborateur « contentieux » au second semestre 2017. J’ai prêté serment le 30 janvier 2018. Ma spécialité aujourd'hui est le contentieux des affaires, la résolution de litiges entre sociétés commerciales. Ces litiges sont très variés et peuvent notamment porter sur des cas de concurrence déloyale, de rupture brutale de relations commerciales ou de contentieux contractuels au sens large. 

Où avez-vous effectué votre stage de projet pédagogique individuel (PPI) ?

J'ai fait six mois de stage PPI au sein du parquet général de la cour d'appel de Paris. J'étais l’assistant d’un avocat général, M. Marc Brisset-Foucault. Mon souhait était de me spécialiser en contentieux des affaires et Jean-Daniel Bretzner, mon futur maître de stage chez Bredin Prat, m'avait indiqué qu'un stage en juridiction serait la meilleure voie. Ce que je retiens de ce stage, c'est l'importance de faire court, d'aller à l'essentiel, de retrancher tout ce qui peut l'être. Cela m'a permis de connaître les conditions de travail des magistrats et de mieux comprendre le fonctionnement global de l'institution judiciaire. Par exemple, j'ai mesuré le décalage entre magistrats et avocats, les premiers étant souvent peu nombreux et peu assistés tandis que les seconds peuvent travailler en équipe et avec des moyens importants. J'ai également beaucoup rédigé, appris sur les usages entre magistrats et avocats, les conversations que nous pouvons avoir et celles que nous ne pouvons pas avoir, la manière de se présenter, de dire certaines choses. Cette expérience m’a été très utile.

Comment avez-vous été recruté chez Bredin Prat ?

J'ai postulé très tôt auprès du cabinet, juste après les résultats du CRFPA, pour un stage qui devait avoir lieu plus d’un an plus tard. Les lignes « contentieuses » que j'ai indiquées sur mon CV ont intéressé les associés qui m’ont reçu, en l’occurrence Jean-Daniel Bretzner et Sylvie Morabia. C'était en décembre 2016. Mes recruteurs m'ont demandé de me présenter, d'expliquer mes aspirations pour la suite. Ils m'ont posé des questions au sujet de mon CV, des mémoires que j’avais rédigés pendant mes études, puis m'ont interrogé sur ma personnalité, et ont observé ma façon de réagir à leurs questions.

Je pense que les associés recherchent en priorité à constituer une équipe harmonieuse, avec des personnalités qui fonctionnent bien ensemble. Dans mon équipe, les profils sont à la fois divers, car nous n'avons pas fait les mêmes études ni ne venons des mêmes villes, et homogènes parce que nos caractères sont compatibles. D'un point de vue compétences, le tri se fait essentiellement avant l'entretien, par le CV. C'est ensuite la personnalité qui joue le plus pour le recrutement des stagiaires. En réalité, les cabinets posent à peu près les mêmes questions à chaque entretien. J'avais eu l’occasion d'en passer d'autres avant celui-ci, ce qui m'a permis de m'entraîner et d'être plus à l'aise.

Aviez-vous un réseau avant d'arriver dans ce cabinet prestigieux ? Quels conseils donneriez-vous à de jeunes élèves avocats ?

Dans ma famille, ma sœur aînée et son mari sont avocats. Cependant au moment où je me suis lancé dans les études de droit, je n'avais pas de réseau. Et c'est le cas de beaucoup d'avocats chez Bredin Prat. Le cabinet accueille des collaborateurs de toute la France, sans compter les avocats étrangers, et par conséquent, les associés viennent également de toute la France. On peut donc parfaitement réussir à intégrer ce type de cabinet sans réseau. Simplement, il peut être utile de garder certaines choses à l'esprit comme de bien choisir son ou ses Master 2, de se renseigner sur les partenariats entre le Master et tels ou tels cabinets ou entreprises. Pour ma part, je savais que mon Master 2 de droit des affaires à Paris Dauphine avait un partenariat avec la société Thalès. J'ai donc candidaté auprès de cette entreprise et j'ai effectué mon stage de Master 2 au sein de sa direction générale. Ensuite, un premier stage en appelle d'autres, cela devient plus facile. 

Un point important est de réfléchir à ce que l'on souhaite faire, dans quel domaine on souhaite se spécialiser et une fois que c'est défini, il est utile de mettre en avant sur son CV les points saillants qui reflètent ce domaine. A titre d'exemple, je savais que l’un des associés du département contentieux travaillait sur la question des ruptures brutales de relations commerciales établies et j'ai donc mis en avant sur mon CV le fait que j'avais rédigé un mémoire sur ce sujet. Ensuite, il faut postuler tôt si l'on souhaite aller dans une structure de taille importante, environ un an à l'avance, car les plannings sont faits très en amont. 

Quelles étaient vos missions en tant qu'avocat stagiaire chez Bredin Prat ? Et qu'est-ce qui a concrètement changé depuis que vous êtes collaborateur ?

Lors de mon stage final, nous étions quatre stagiaires au sein du département contentieux. Nos missions consistaient à faire des recherches juridiques pour compléter une note ou des conclusions. Nous aidions également les avocats de l’équipe à préparer des dossiers de plaidoirie à l’attention des magistrats. Au fur et à mesure du stage, nous avons été amenés à rédiger des notes sur des points précis de droit, à participer à la rédaction de conclusions. Nous assistions en outre progressivement à des réunions clients, à des conférences téléphoniques et aux audiences. Nous avions une assez grande liberté pour nous organiser et gérer les priorités en fonction des urgences de chacun. Le stage s'est bien terminé. Nous étions quatre (deux filles et deux garçons) et trois d'entre nous sont restés. Le dernier a trouvé un stage très rapidement dans un autre cabinet d'avocats. 

Le changement de statut a été assez important car d'un coup nous avons été considérés comme des collaborateurs à part entière du cabinet et non plus comme des étudiants en cours de formation. Les contacts avec les clients deviennent quotidiens, que ce soit par des échanges téléphoniques, des emails ou des réunions. C'est un apprentissage de tous les jours. L'équipe contentieux du cabinet est supervisée par trois associés, en l’occurrence Jean-Daniel Bretzner, Florian Bouaziz et Eve Duminy, et nous pouvons être amenés à travailler pour chacun d’entre eux. Nous travaillons également avec les associés d’autres départements qui peuvent naturellement nous demander de les aider sur des questions qui relèvent de notre spécialité. L’encadrement est important au début de la collaboration, puis il s’assouplit au fur et à mesure que la confiance s'installe et que l'on maîtrise les habitudes de travail de tel ou tel associé, chacun ayant des attentes particulières. Concrètement, une large part de mon travail consiste à rédiger des projets d'écritures, de notes ou de courriers sur la base des échanges que nous avons avec les clients et l’associé en charge du dossier. Ces projets sont ensuite revus et finalisés par ce même associé. Tout au long du processus de traitement du dossier, nous faisons naturellement des points avec nos associés et échangeons avec eux au sujet de la stratégie contentieuse.

Comment se déroulent les journées d'un jeune collaborateur ?

Une journée commence vers 9h00-9h30. Une des premières choses à faire consiste à traiter les emails. Puis vient le traitement du fond des dossiers qui passe par l'analyse de documents communiqués par les clients, l'analyse des écritures adverses et les recherches juridiques. Tout au long de la journée nous avons des conférences téléphoniques avec les clients, des points avec les associés sur les dossiers en cours. Et les journées sont riches de beaucoup d'imprévus jusqu'au soir. 

Nous sommes deux collaborateurs par bureau. Certaines équipes acceptent le télétravail. D'autres, non. Pour ma part je ne télé-travaille pas. J'effectue quelques déplacements dans des villes de province, en juridiction, notamment Aix-en-Provence, Lyon, Versailles. Il y a également des déplacements dans Paris, dans le cadre d'expertises en particulier. Je suis par ailleurs amené à travailler régulièrement avec d'autres équipes comme le département fiscal et corporate, pour des questions liées au droit civil ou commercial. L'idée est d'apporter le meilleur service au client et ces équipes complémentaires constituent l'un des grands atouts du cabinet. C'est précieux, en particulier quand on commence, car cela permet de s'ouvrir à d'autres domaines, de ne pas s'installer directement dans le « confort » du spécialiste. Je suis aujourd’hui dans une phase où j'apprends énormément chaque jour, encadré par de grands professionnels. J’ai conscience de cette chance.

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d'étudiant ?

La rencontre avec mon ancien maître de stage, Marc Brisset-Foucault. C'était à l'occasion de mon stage PPI au sein du parquet général de la cour d'appel de Paris. Il finissait sa carrière alors que j'allais commencer la mienne. C'est un bel exemple de transmission. Ce magistrat, qui a commencé comme juge d’instruction, a eu à cœur de m’apprendre mille choses tout au long de mon stage. C’est également lui qui a présenté les « réquisitions » du ministère public le jour de ma prestation de serment.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand, pour son indépendance, son sens du combat et de la camaraderie, sa poésie, sa sensibilité. J'ai beaucoup aimé la pièce Edmond d'Alexis Michalik sur Cyrano de Bergerac. Ce metteur en scène a énormément de talent. Petite anecdote : j'ai reçu ce livre de mon père qui lui-même l'avait reçu de son père. C'est un beau livre ancien relié de cuir brun. C’est un symbole que je garde toujours.

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

Les libertés d’opinion et d'expression.

Carte d'identité de l'avocat

En France, la profession d’avocat a nettement évolué ces dernières années notamment avec les réformes de la loi Macron et de la justice du XXIème siècle. Plus ouverte, plus moderne, elle est censée être plus accessible au justiciable, en partie grâce au numérique. Selon une récente étude de l’Observatoire du Conseil national des barreaux, 54% d’entre eux sont optimistes sur l’avenir de leur profession et 83% pensent qu’il sera important que les avocats soient accessibles partout pour tous.

■ les chiffres (statistiques du ministère de la justice)

- Au 1er janvier 2018,65958 avocats ont été recensés sur l’ensemble du territoire national contre 48461 dix ans plus tôt (+38%). Avec 28145 avocats, le barreau de Paris concentre à lui seul 42% de l’effectif total.

- En 2009, la proportion de femmes dépasse pour la première fois celle des hommes. Elle atteint en 2018, 55,6% contre 49,9% dix ans auparavant.

- En 2018, plus d’un tiers des avocats exercent à titre individuel (36%). 59% se partagent de manière égale entre ceux exerçant en qualité d’associé et ceux exerçant en qualité de collaborateur. Les salariés représentent 4,4%. Le profil du barreau de Paris est différent puisque de nombreux avocats exercent en qualité de collaborateurs (40%). Dans les autres barreaux, cette proportion n’atteint que 21,8% en moyenne.

- 30% quitte la profession avant dix ans d’exercice.

Au 1er janvier 2018, 2333 avocats étrangers sont inscrits à un barreau français, dont plus des trois-quarts à celui de Paris (1800). Avec 3,3% des avocats étrangers, le barreau des Hauts-de-Seine arrive en seconde position.

Parmi les 2333 avocats étrangers recensés en 2018, 1153 sont originaires d’un pays de l’Union européenne (49,4%), pour la plus grande part d’Allemagne (9%) et du Royaume-Uni (8,7%). Hors Union européenne, les avocats sont principalement originaires d’un pays d’Afrique (28,5%) et d’Amérique du Nord (8%). Et 2731 avocats sont inscrits à la fois à un barreau français et à un barreau étranger. La quasi-totalité d’entre eux sont inscrits au barreau de Paris (94%).

- Le nombre de bureaux secondaires ouverts dans le ressort des barreaux par des avocats non-inscrits à ces barreaux a augmenté de 48% entre 2008 et 2018, passant de 861 à 1277.

■ la formation et les conditions d'accès

Le futur avocat doit se préparer dans l'un des centres régionaux de formation professionnelle pour avocat (CRFPA). Il en existe une douzaine. Pour y entrer, il faut avoir un niveau Master 1 (généralement M2 en pratique) ou un diplôme de Sciences Po. Il est possible de préparer l'examen d'entrée au concours via les instituts d'études judiciaires (IEJ) ou une prépa privée. La formation dure 18 mois et est sanctionnée par l’obtention du certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). L’avocat prête ensuite serment avant de s'inscrire au barreau de son choix. 

■ les domaines d'intervention

Toutes les matières du droit.

■ le salaire

Il existe de grandes disparités de revenus au sein du métier d’avocat. Selon le CNB, le revenu annuel moyen d'un avocat est de 77468 €, et le salaire annuel médian de 43035 €.

■ les qualités requises

Réactivité, éthique, probité, rigueur, capacité d'écoute, intuition, mémoire, pragmatisme, pluridisciplinarité, engagement, pédagogie.

■ les règles professionnelles

Elles sont identiques pour tous les avocats. Il s'agit en particulier des principes d'indépendance, de loyauté, de confidentialité, du secret professionnel, du devoir d'information et des devoirs de conseil et de diligence.

■ sites Internet 

Conseil national des barreaux 

Bredin Prat 

 

Auteur :Anaïs Coignac


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr