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[ 7 février 2019 ] Imprimer

Business developer

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter régulièrement les spécificités d'un métier en rapport avec le droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Métier né aux États-Unis, le business development s’est développé depuis une dizaine d’années dans les cabinets d’avocats français. Leur rôle : faire connaître et valoriser les compétences de ces derniers auprès de clients et prospects. Originaire des États-Unis, Sariah Choucair est devenue business developer au sein du cabinet Altana voilà deux ans et demi. Elle nous explique son parcours, cette profession et ses enjeux. 

Quel a été votre parcours avant de devenir Business developer chez Altana ?

Américaine, j’ai obtenu en Utah mon bachelor (niveau Bac+4 en France, ndlr) en littérature anglaise et en Arabe. C’était en 2002 et j’ai ensuite été acceptée dans plusieurs facultés de droit mais aux États-Unis, les frais d’Université sont très chers et vous pouvez facilement finir vos études endetté de 200.000 $. Je trouvais le droit très intéressant mais je n’étais pas certaine de ma vocation donc je suis allée à New York où j’avais été acceptée et j’ai décidé de travailler, dans une structure liée aux assurances. Pendant deux ans, j’étais en charge du marketing et de la communication puis j’ai été en poste dans un hedge fund (des fonds qui utilisent des techniques de gestion non conventionnelles, ndlr) au sein de l’équipe compliance, un domaine qui commençait à croître. Ensuite, j’ai rejoint une entreprise de private equity (capital-investissement, ndlr) où je suis restée six ans. J’ai parallèlement validé un MBA en gestion de ressources humaines. Finalement, j’ai profité du rachat de l’entreprise pour m’accorder une année en France car j’avais toujours voulu vivre à l’étranger. 

A Paris, j’ai été professeur d’anglais car je ne parlais pas la langue. Puis j’ai pensé que pour évoluer en français, il serait intéressant d’avoir une expérience en entreprise. Je suis arrivée chez Altana trois ans plus tard et là tout a changé pour le mieux ! Je faisais des traductions au départ puis je suis devenue business developer, community manager et chargée de communication voilà deux ans et demi. Aujourd’hui que je travaille avec des avocats, je trouve intéressant de penser que j’ai hésité pendant mes études à prendre cette voie.

Comment cette transition chez Altana s’est-elle passée ? Votre culture américaine a-t-elle été un atout ?

En France, les orientations professionnelles sont plus encadrées et quand j’ai cherché un poste en ressources humaines dans le domaine des affaires, on me demandait toujours un diplôme français. J’ai arrêté de chercher car je pensais que le plus important était de travailler avec les Français pour mieux apprendre la culture. Mais j’ai quand même gardé l’état d’esprit américain : si mes compétences peuvent être utiles dans un autre domaine, je n’ai pas de difficultés à proposer mes services. Et ce que je ne sais pas encore faire, je l’apprendrai. Il faut penser que personne ne va venir nous proposer le poste de nos rêves. Il faut donc être force de proposition au lieu d’attendre que quelque chose arrive. En l’occurrence chez Altana, les associés sont très ouverts aux propositions, ils ne travaillent pas de manière cloisonnée. Je suis arrivée à une époque où le cabinet était déjà en forte croissance. Je travaillais quotidiennement avec les avocats et l’agence de communication du cabinet, je constatais ainsi leurs besoins croissants. Quand j’ai proposé aux associés de créer ce poste je leur ai dit que je souhaitais évoluer ici, m’impliquer car je m’y sentais bien, mais que je comprendrais très bien que ce ne soit pas possible. Ils ont accepté. C’était le bon moment aussi, avec un cabinet de 75 avocats désormais, 108 personnes en tout dans une structure qui a commencé avec 27 avocats. 

En quoi consiste le business development ?

Il faut avoir une vision complète de l’environnement et de la stratégie du cabinet, et de la manière dont chaque équipe et associé s’y intègre. Il faut aussi connaître les clients existants ou secteurs en développement. Et bien sûr les associés, leurs personnalités et leurs manières de communiquer. 

Il s’agit aussi de repérer les autres besoins potentiels du client. Il faut savoir présenter le cabinet au client existant afin qu’il connaisse nos autres compétences. Et c’est mon rôle d’identifier tout cela, en lien avec l’associé, ainsi que de réaliser des pitchs, un petit déjeuner, une rencontre par exemple. Quant aux prospects, il faut vérifier si nous avons déjà eu des contacts avec eux puis réfléchir à ceux que nous pourrions avoir. Et le business development rejoint le marketing, la communication, l’évènementiel, parce que ce sont eux qui l’alimentent et il faut que le tout soit cohérent. Ce sont nos outils pour rappeler aux prospects et aux clients nos compétences. 

Comment se déroulent vos journées ? Quelles sont vos activités au quotidien ?

Aucune journée ne ressemble à une autre et il y a des périodes avec des enjeux particuliers. En janvier par exemple, nous travaillons à fournir des documents d’information sur nos activités aux guides internationaux qui proposent des classements de cabinets. En dehors de cela, il s’agit beaucoup de s’organiser avec nos partenaires pour des évènements, préparer des outils marketing comme les plaquettes, mettre à jour notre site Web et animer les réseaux sociaux. Les besoins peuvent également varier en fonction des demandes des associés.

D’un point de vue administratif, la gestion du budget demeure assez importante avec la communication interne car le cabinet doit être suffisamment informé des actions et dossiers des uns et des autres. Le meilleur commercial du cabinet reste l’avocat. Nous organisons au moins un petit déjeuner par mois de même que nous faisons intervenir un associé dans une conférence, un atelier, une fois par mois également. Enfin, nous faisons des grands évènements clients une à deux fois par an. Cette année, nous fêterons les dix ans d’Altana.

Vous utilisez le mot « vendre ». En France le mot n’est pas toujours bien perçu par la profession. Est-ce différent aux États-Unis ?

Tout-à-fait. Aux États-Unis les publicités pour les avocats fleurissent partout. L’avocat vend des services, il est un prestataire de service. Et cela n’est pas du tout péjoratif. L’idée est que si nous ne nous vendons pas, personne ne saura que nous sommes les meilleurs. En France, la mentalité est plutôt que cela se sait ou se saura, que ce soit par le bouche-à-oreille ou par autre chose. Je ne pense pas que le système américain soit mieux que le français. Ce sont simplement des systèmes venant de deux cultures différentes.

Pensez-vous que le business development est un secteur d’avenir en France ?

Je pense en effet qu’une évolution est en cours et que d’ici cinq ans, nous aurons de plus en plus de business developers dans les cabinets d’avocats. Non seulement dans les structures anglaises et américaines mais aussi dans les françaises, y compris des structures de taille réduite.

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur/pire souvenir d'étudiant ?

Quand j’ai passé un de mes examens finaux à l’Université, je n’avais pas dormi les deux dernières nuits. Un bâtiment, le testing center, était dédié aux examens. Il y avait trois salles, je suis entrée dans l’une d’elles et une fois assise, en ouvrant l’examen, je n’ai rien compris, cela me semblait très difficile. J’ai fini par comprendre que je m’étais trompée de salle. J’étais terriblement énervée contre moi d’avoir perdu autant de temps. Il a fallu que j’explique ça à l’instructeur en rentrant dans la bonne salle. C’était un grand moment de solitude.

Mon meilleur souvenir était aussi à l’Université. Il y avait un cinéma international. Après avoir passé une journée à étudier, nous pouvions nous y rendre et c’était génial, une sorte d’échappatoire grâce auquel j’ai découvert plein de films de pays différents que je ne serais pas forcément allée voir dans un cinéma. 

Quel est votre héros de fiction préféré ?

J’adore lire depuis toute petite. Un de mes livres préférés est Little Women (Les quatre filles du Dr March en Français, ndlr) de Louisa May Alcott. L’histoire d’une famille aux États-Unis pendant la guerre civile. La mère et ses quatre filles doivent s’entraider alors que le père est sur le front. Leur situation est difficile, il n’y a pas beaucoup de travail. La deuxième fille, Jo, est un personnage génial. Elle n’est pas très girly. Elle écrit des pièces de théâtre. Et part travailler et se marie plus tard. Elle n’a pas essayé d’être autre chose qu’elle-même. J’ai toujours été très inspirée par sa façon d’être, sa force de caractère.

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

La liberté d’expression me questionne beaucoup en ce moment. Nous sommes à une époque où nous n’avons jamais eu autant de possibilités de partager des idées, des articles. Et nous percevons à travers la façon dont les journalistes sont traités que, dans cette société, nous sommes moins prêts à accorder la liberté d’expression à ceux qui ne partagent pas notre avis. On peut vivre tous ensemble sans être d’accord.

Carte d'identité du business developer

Les business developers étaient encore rarissimes en France voilà dix ans. Le recours à ces professionnels du développement de clientèle des cabinets s’est élargi au moment de la crise, quand les cabinets ont pris conscience de l’importance des démarches pro-actives à destination de prospects. Aujourd’hui, les cabinets d’avocats recrutent et les grandes écoles créent des formations dédiées.

■ Les chiffres 

Il n’existe pas vraiment de chiffres sur la profession à l’heure actuelle en France car la profession n’a pas de représentants associatifs ou syndicaux mais de plus en plus de cabinets créent des postes de business developers devant la nécessité de se distinguer.

■ La formation et les conditions d'accès

Beaucoup de business developers sont d’anciens avocats ou juristes mais il existe désormais des formations spécifiques proposées par des grandes écoles comme Audencia, Edhec, Em-Lyon business school, Essec, Grenoble école de management, ICN Business school, Montpellier Business school, Neoma ou Skema. Leur intitulé : mastère spécialisé business development ou spécialisé Entreprendre ou Entrepreneurship & Innovation, Project, global MBA, etc.

■ Les domaines d'intervention

Communication, marketing, évènementiel, développement économique du cabinet.

■ Le salaire

Les premiers salaires démarrent autour de 40 k€ et s’élèvent jusqu’à 80 k€ après dix ans d’exercice. 

■ Les qualités requises

Ethique, rigueur, probité, réactivité, capacité d'écoute, ouverture, esprit de synthèse, facilité de communication, relationnel, inventivité, souplesse, diplomatie.

■ Les règles professionnelles

Ce sont celles qui s’appliquent généralement au secteur du droit : respect des règles, des normes morales et de sa hiérarchie, indépendance, veiller aux éventuels conflits d’intérêts, loyauté, diligence vis-à-vis des clients, secret professionnel, honneur, dignité…

■ Le site Internet : 

Altana

 

Auteur :Anaïs Coignac


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