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[ 1 décembre 2022 ] Imprimer

Circulez, y’a tout à lire !

Vélos, trottinettes, motocyclettes, automobiles, camions, bus, tram, métro, etc. autant de moyens qui nous transportent d’un lieu à un autre avec plus ou moins de bonheurs, d’énervements et de retards. Laurent Desessard, professeur à la Faculté de droit et de sciences sociales de l’Université de Poitiers, rédacteur du Code de la route Dalloz, a bien voulu répondre à nos questions sur le thème de la circulation sur la voie publique.

La liberté de circuler est-elle une liberté fondamentale ?

Plusieurs instruments relatifs aux droits de l’homme reconnaissent à chaque individu le droit de circuler librement sur le territoire d’un État (art. 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 2 du Protocole n° 4 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme). C’est donc, incontestablement, une liberté fondamentale. Mais, comme toute liberté, la liberté de circuler peut être conditionnée et limitée. Le Code de la route, en réglementant la circulation routière, conditionne d’ailleurs cette liberté (il faut être titulaire d’un permis de conduire pour pouvoir conduire certains véhicules) et la limite (il n’est pas possible de circuler au-delà de certaines vitesses ou bien de circuler sous l’influence de l’alcool ou après avoir consommé des stupéfiants).

Cette liberté est, ce faisant, souvent invoquée pour contester certaines règles de circulation routière. Le port de la ceinture de sécurité a ainsi été longtemps critiqué, notamment au nom de la liberté de circulation. Plus récemment, ce sont les dispositions du Code de la route permettant de limiter voire interdire la circulation des véhicules les plus polluants dans certaines zones (les fameuses zones à faible émission, ZFE) qui ont été contestées, conduisant plusieurs députés à déposer une proposition de loi « visant à rétablir la liberté de circulation des automobilistes »…

Le Code de la route a – t-il autant changé ces dernières années que la circulation ressentie ?

Je commente le Code de la route Dalloz depuis presque vingt ans et je peux vous garantir que ce Code a été souvent modifié au cours de cette période, ou bien pour réglementer de nouveaux modes de circulation, ou bien pour les faire évoluer. Ces modifications peuvent être considérées, par certains, comme insuffisantes ou imparfaites, mais elles existent ! On peut penser ici, par exemple, aux dispositions sur les zones de rencontre créées en 2008, sur le double sens cyclable formulées en 2015, ou encore sur la circulation des engins de déplacements personnels motorisés, c’est-à-dire des trottinettes électriques et autres engins comparables, intégrées dans le Code de la route en 2019 (art. R. 412-43-1 s.). Il arrive même parfois que les pouvoirs publics anticipent les modes de circulation de demain, comme le montre l’insertion dans le Code de la route par une ordonnance du 14 avril 2021 de dispositions consacrées à la circulation des véhicules à délégation conduite, appelés bien souvent véhicules autonomes (art. L. 123-1 s.).  

Quelles différentes compétences s’exercent sur la voirie ?

Sur cette question, il faut surtout se référer aux dispositions du Code général des collectivités territoriales consacrées à la police de la circulation et du stationnement, même si l’on trouve certaines de ces dispositions dans le Code de la route (art. L. 411-1 s. et R. 411-1 s.). C’est, en principe, le maire qui est compétent pour réglementer la circulation et le stationnement sur les différentes voies de circulation se trouvant sur le territoire communal. Cette compétence peut toutefois être partagée avec d’autres autorités dans certaines communes (par exemple, avec le préfet de police, à Paris) ou pour certaines voies (les routes à grande circulation). Par ailleurs, depuis la création de ce que l’on appelle les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), la compétence « voirie » peut être transférée (communautés de communes et communautés d’agglomération) ou est transférée (communautés urbaines et métropoles) à l’EPCI. Or, dans un tel cas, ce n’est plus le maire qui est compétent pour réglementer la circulation et le stationnement, mais le président de l’EPCI.

Qu’est-ce qu’une vélorue ? Qui peut en créer une ?

Une vélorue est une rue que l’on transforme plus ou moins en piste cyclable, si ce n’est qu’une telle rue n’est pas réservée à la circulation des cycles et des trottinettes électroniques. La circulation des autres véhicules y est donc autorisée, mais sous certaines conditions : vitesse limitée, interdiction de doubler les cyclistes ou, pour le moins, incitation à rester derrière eux, sens unique, accès limité aux riverains ou aux livraisons….  

Ce type de voie n’est pas réglementé par le Code de la route, mais le maire d’une commune (ou le président d’un EPCI) peut parfaitement en créer une, en exerçant sa compétence en matière de police de la circulation et du stationnement. Cette compétence lui permet en effet de fixer dans son agglomération une vitesse maximale autorisée inférieure à celle prévue par le Code de la route, d’interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies à certains véhicules ou encore d’instaurer un sens unique. Autant de règles qui peuvent permettre de transformer des rues en vélorues. De nombreux maires en ont d’ailleurs créées ces derniers mois, avec toutefois de nombreuses variantes. Ce qui conduit certains à souhaiter leur introduction dans le Code de la route, afin d’harmoniser les pratiques en ce domaine.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Je me suis inscrit en droit un peu par hasard, étant issu d’une famille qui n’avait pas fait d’études universitaires et dans laquelle il n’y avait aucun juriste. Or j’ai gardé de très bons souvenirs de cette période, avec des cours remarquables (j’ai encore les notes de certains de mes cours en droit pénal) et des professeurs inoubliables. Comme beaucoup d’universitaires, celui qui m’a le plus marqué est mon directeur de thèse, Michel Danti-Juan, et ce dès ma première année de droit, puisque c’est lui qui assurait le cours d’introduction au droit pénal et aux sciences criminelles et c’est donc avec lui que j’ai découvert la discipline que j’enseigne aujourd’hui. 

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Je lis ou regarde de nombreuses fictions, avec une prédilection pour les fictions policières. Sherlock Holmes et Hercule Poirot, ne sont peut-être pas des héros, mais ils font partie de mes personnages préférés. Je peux ainsi revoir la série Sherlock jouée par Benedict Cumberbach ou celle d’Hercule Poirot interprétée par David Suchet, sans me lasser. 

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

La liberté de circulation, bien évidemment !

 

Auteur :Marina Brillié


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