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[ 26 avril 2013 ] Imprimer

Commissaire des Armées

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat… Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Ce mois-ci, l'état-major de la marine a ouvert ses portes à Dalloz Actu Étudiant. À la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, à Cherbourg, face à ce que d'aucuns appellent « l'autoroute de la mer », la rédaction a pu rencontrer le commissaire en chef Theillier, chef de la division de « l’action de l’État en mer ». Il travaille sous l’autorité de l’amiral préfet maritime, compétent en mer de la frontière belge au Mont St Michel.

Quel parcours avez-vous suivi avant d'arriver à Cherbourg ?

Après une maîtrise de droit public à Assas, j'ai intégré en 1994 l'École du commissariat de la marine. C'est un concours de type ENA, commun pour les trois armées. Mais on s’engage au titre d’une armée et le choix de l’armée se fait avant l’admission. J'ai eu la chance d’obtenir mon premier choix et je suis donc entré dans la marine. Comme dans un rêve. Aujourd'hui, tous les commissaires ont été réunis dans un seul corps d’officier et je suis donc commissaire des Armées, ancrage marine. Concrètement, cela ne change pas grand-chose en début de carrière, mais ensuite les affectations en milieu interarmé deviennent plus fréquentes et c’est très bien ainsi. Mais la culture du milieu reste fondamentale et ici, à la préfecture maritime, il est inenvisageable que mon poste soit tenu par un commissaire qui ne soit pas « marin ». L'amiral refuserait !

Notre carrière débute par une période « d’embarquement », c’est-à-dire, à bord des bâtiments de guerre, pour une durée moyenne de 4 ans. Puis, j’ai essentiellement servi dans le domaine de l’action de l’État en mer. Avant Cherbourg, j'ai eu différents postes en Nouvelle-Calédonie, au Secrétariat général de la mer, à Paris, ou encore à La Réunion. J’ai déménagé 10 fois… On voit du pays, même si je ne fais malheureusement plus d’escales !

Comment définiriez-vous votre métier ?

Je me sens vraiment officier et marin. Mon moteur c'est la mer mais je suis également militaire à part entière. Je ne suis pas un civil en uniforme. Servir en préfecture maritime, c'est administrer la mer, au sens noble du terme, mais c’est également être et agir en « opérationnel ». Ce n’est pas à proprement parler un métier de juriste, même s’il faut maîtriser le droit et très bien connaître le fonctionnement de l’État : c'est un métier dans l’action, qui nécessite d’agir et de réagir en marin. Pour ce qui est du droit, je traite des aspects juridiques des opérations maritimes comme l'emploi de la force en mer ou la police administrative et judiciaire. Je suis également responsable des actes réglementaires pris par le préfet maritime : arrêtés réglementant la circulation maritime ou interdisant temporairement l’accès à certaines zones en raison des dangers, mise en demeure d’un armateur, réquisitions de moyens, etc. Ma division peut également être amenée à traiter du contentieux maritime.

Mais il y a différentes dominantes de carrière dans le commissariat des armées, à côté de la filière juridique, ayant trait aux finances, aux ressources humaines, ou à la logistique. Les métiers du commissariat sont extrêmement variés et intéressants et c’est pour cela que je m’y sens bien.

Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans ce métier ?

Ce que j'aime, c'est diriger une équipe, en l'occurrence 10 officiers et cadres A. C’est aussi, la diversité des dossiers. Le fait d'avoir navigué me permet de comprendre ce qui se passe en mer, ce qui est nécessaire lorsqu’on gère une opération compliquée. Tout est vite compliqué en mer ! C'est un métier d'une grande ouverture. On ne vit pas dans un milieu confiné. Je peux travailler sur des affaires de sûreté maritime avec des sujets confidentiels-défense puis passer à des problématiques d'environnement marin où il faudra s'adresser à des associations de protection de la nature.

Nous travaillons avec des personnes très différentes : des plaisanciers, des pêcheurs, des marins du commerce, mais également des environnementalistes, des scientifiques, des industriels, sans parler, évidemment, de toutes les administrations « en uniforme » qui sont les partenaires de la Marine nationale comme les douanes, les affaires maritimes, la gendarmerie, etc.

C'est très enrichissant parce qu'on apprend beaucoup. Les missions du préfet maritime peuvent aussi avoir une forte sensibilité politique. Nous sommes souvent en interface avec les préfets, mais également avec les élus. La mer est un espace de plus en plus convoité en même temps que protégé et ce qui s’y passe est de plus en plus médiatique. D’autant que l’action du préfet maritime ne se cantonne plus à la police en mer, mais traite de la mise en œuvre des politiques publiques en mer. Cela touche donc, in fine, au développement économique. C’est un véritable préfet. Un préfet de la mer.

Quels sont les problèmes auxquels vous êtes le plus régulièrement confronté ici à Cherbourg ?

Parmi les dossiers « chauds », l’urgence opérationnelle, ce sont les accidents maritimes, de bateaux de pêche notamment, qui sont les plus délicats. Quand on contribue à la sauvegarde de la vie humaine en mer, ou à prévenir une pollution maritime, on se sent immédiatement utile. C’est concret. De mon côté, je suis chargé de planifier et préparer le secours maritime de grande ampleur. Depuis quelques années, sous l'effet d’une certaine baisse du trafic maritime et des mesures pénales prises contre les manquements aux obligations de sécurité, on constate une baisse des accidents maritimes et des pollutions. Tant mieux. Mais il se passe toujours quelque chose. En juillet et août derniers, c’était un porte-conteneurs, le MSC FLAMNIA, qui a eu un violent incendie en mer en Atlantique et que l’on a fait transiter par le détroit du Pas-de-Calais pour rallier l’Allemagne.

Pour ce qui est des dossiers « froids », c’est assurément les projets d’installation en mer de champs éoliens offshore et de fermes hydroliennes qui constituent mon quotidien. Le préfet maritime copilote avec le préfet de région ces projets — à plusieurs milliards d’euros pièce — qui impactent la sécurité maritime, la pêche et l’environnement marin. Avec cela, nous avons un plan de charge assuré pour plus de 10 ans !

 

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre pire ou meilleur souvenir d'étudiant ?

Je suis résilient et je ne garde que les bons souvenirs ! Il y a en a beaucoup mais pour se concentrer sur les études, je garderai un souvenir très fort d’un certain nombre de professeurs de faculté, qui m’ont impressionné et surtout, enchanté. Je pense au professeur Pierre Delvolvé, en droit administratif ou encore au professeur Philippe Malaurie, en droit civil. Dans des styles différents, deux hommes de théâtre, en interaction permanente avec l’amphi qui buvait leurs paroles.

Au-delà de ça, mon meilleur souvenir, c’est un état : je me rappelle le bonheur que j’avais, à 22 ans, à peine sorti de cours sans autre contrainte matérielle que les examens, à me retrouver au Luco (jardin du Luxembourg), par une belle journée de début d’été, insouciant mais avec des rêves plein la tête.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Le capitaine Haddock. Il est touchant, malgré ses défauts ! Je ne lui ressemble pas, mais il me fait rire à chaque fois.

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

Le droit à la vie.

Carte d'identité du commissaire des Armées

À la tête de la préfecture maritime, se trouve un amiral qui est à la fois préfet maritime et commandant maritime militaire. Cette particularité très française est celle d'un modèle d'organisation interministérielle. Cela signifie que l'Amiral assure des missions préfectorales donc civiles comme la police en mer (lutte contre les stupéfiants, contre l'immigration illégale...), mais également des missions de commandement militaire. Il s'agira alors d'opérations comme l'Harmattan, réalisée en Libye en 2011 dans le cadre de la guerre civile qui y faisait rage.

▪ Les chiffres

– 37 500 marins dont 3 000 civils et 5 000 marins interarmées exercent dans la Marine nationale.

– 13 % sont des femmes et 13 % sont des cadres.

– 3 000 jeunes Français sont recrutés chaque année.

▪ La formation et les conditions d'accès

Les commissaires, corps désormais interarmées, sont eux formés à l’École des commissaires des armées (ECA) à Salon-de-Provence où ils suivent une formation militaire et d’administrateur. Cette formation d’une durée de deux ans inclut une formation spécifique liée à l’ancrage (Terre, Marine, Air, Service de Santé, Direction générale pour l’armement) choisi lors du concours.

▪ Les domaines d'intervention

Opérations de sauvetage en mer avec l'aide du Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) qui gère le secours en mer ; opérations de police en mer avec accords internationaux et bilatéraux pour mener des actions conjointes ; actions purement militaires (droit des conflits armés, droit de la guerre navale…) et actions de management et de coordination de l'équipe.

▪ Le salaire

Selon des chiffres de 2008, en moyenne et en salaire net, selon chaque catégorie professionnelle : 7 504 euros pour un général ou amiral, 5 975 euros pour un colonel ou capitaine de vaisseau, 4 594 euros pour un lieutenant-colonel ou capitaine de frégate, 3 898 euros pour un commandant ou capitaine de corvette, 3 338 euros pour un capitaine ou lieutenant de vaisseau, 2 718 euros pour un lieutenant ou enseigne de vaisseau de 1re classe, 1 940 euros pour un sous-lieutenant ou enseigne de vaisseau de 2e, 2 848 euros pour un major, etc.

▪ Les qualités requises

Éthique, rigueur, probité, sang-froid, bravoure, réactivité, capacité à diriger une équipe, sens du devoir, respect de la hiérarchie, sens des responsabilités, vision à long terme.

▪ Les règles professionnelles

Les militaires sont soumis au Code de la défense. En particulier, l'article L. 4111-1, alinéa 2, souligne que « l'état militaire exige en toutes circonstances esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu'il comporte et les sujétions qu'il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation ».

▪ Les sites Internet

– Marine nationale : http://www.defense.gouv.fr/marine

– École des commissaires des armées (ECA) : http://www.commissairesdanslesarmees.defense.gouv.fr/ECA/

– École du commissariat de la marine (EOCM) : http://www.eocm.fr/

 

Auteur :A. C.


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