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Conseil en Propriété Industrielle
S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Etudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.
C’est une profession au cœur d'un monde juridique des plus immatériels, entre protection des marques, des créations, des noms de domaine et des inventions. Il s’agit des conseils en propriété industrielle, profession à laquelle appartient le conseil que nous avons pu interroger, membre d’un cabinet parisien depuis cinq ans. Il en est aujourd’hui l’un des associés sur la soixantaine de personnes que compte sa structure entre la France et la Chine. Pour des raisons professionnelles, l’identité de la personne interviewée ne sera pas révélée.
Pouvez-vous nous détailler votre parcours ?
Comme beaucoup, je suis arrivé dans la profession par hasard. J’ai d’abord fait un doctorat de génétique humaine avec l’ambition de devenir chercheur. Mais, ne trouvant pas de poste et me rendant compte que certains aspects de ce métier ne m’intéressaient pas autant que ce que je pensais, j’ai décidé de changer de voie. J’ai entendu parler du métier de conseil en propriété industrielle (CPI) par des amis.
Il faut bien distinguer deux catégories de professionnels. D’un côté il y a les juristes de formation qui gèrent notamment les marques, les dessins et modèles et le droit d’auteur. De l’autre, se trouvent les ingénieurs brevets, comme moi, qui gèrent les brevets d’invention. Pour cette seconde catégorie, acquérir une compétence juridique spécifique est capitale car chaque CPI intervient dans l’acquisition des droits (obtention des titres de propriété industrielle) mais également dans leur défense (nullité, opposition, contrefaçon...).
En 2007, j’ai été recruté dans un premier cabinet parisien pour mes compétences scientifiques. Au bout de deux ans comme ingénieur brevet en formation, j’ai suivi un diplôme universitaire en alternance au Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle (CEIPI), à Strasbourg, à raison d’une semaine par mois pendant un an. Cette formation est indispensable pour les futurs CPI scientifiques, mais pas nécessairement pour les juristes. En revanche, ce n’est pas une formation qualifiante, c’est-à-dire que vous n’obtenez pas de titre.
Pour devenir CPI, il faut encore passer l’examen de qualification français (EQF) pour être inscrit sur la liste des personnes qualifiées en matière de propriété industrielle. Si vous exercez en libéral, au sein d’un cabinet de conseil, vous êtes alors inscrit sur la liste des conseils en propriété industrielle et vous devenez CPI. Vous pouvez alors représenter vos clients devant l’INPI (Institut national de la propriété industrielle, ndlr) pour toutes les procédures en France et devant l’EUIPO (office européen de la propriété intellectuelle) pour les juristes marques et dessins et modèles.
En matière de brevets, il existe également un examen de qualification européen (EQE). Je l’ai passé en 2012, avant l’EQF, comme la plupart des CPI scientifiques, simplement car il est plus complexe. Il permet de représenter les clients devant l’office européen des brevets (OEB). Aujourd’hui, je suis associé du cabinet où j’exerce depuis cinq ans.
Qu'est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
Ce que je préfère c’est la très grande diversité des tâches que nous pouvons réaliser. Pour les personnes curieuses, ce métier est extraordinaire. Vous ne faîtes jamais la même chose, et vous découvrez l’esprit innovant des entrepreneurs. En réalité vous avez accès à la pointe de l’innovation avant tout le monde.
Parmi les sujets passionnants que j’ai pu aborder, il y a les vaccins contre la leucose féline qui est une maladie connue comme une forme de SIDA chez les chats. Récemment, j’ai rédigé une demande de brevet sur les travaux d’un inventeur ayant identifié les cellules réservoirs du VIH, des cellules qui maintiennent latent le virus quand une trithérapie est lancée. Mais quand le traitement s’arrête, on observe un rebond viral. Il faut alors cibler ces cellules réservoir pour se débarrasser de la maladie. L’identification de ces cellules réservoirs est donc une avancée majeure dans le traitement du SIDA si ces cellules une fois infectées peuvent être éradiquées spécifiquement.
Je travaille aussi beaucoup sur des inventions dans le domaine du diagnostic des maladies, la biologie moléculaire, mais mon champ d’activité est très vaste, de l’agro-alimentaire à la chimie médicinale.
Globalement, en quoi consistent vos missions au quotidien ?
Nos plannings n’arrêtent pas de changer d’un jour à l’autre du fait de la grande diversité de nos tâches. Ils sont également bouleversés par des demandes particulières qu’il faut traiter souvent en urgence. Cela peut concerner un client qui nous appelle pour un litige, parce qu’il veut attaquer en contrefaçon un tiers et dans ce cas nous devons l’assister pour constituer son dossier, l’aider à collecter les preuves de la contrefaçon …
Souvent également un client nous demande de réaliser un dépôt de demande brevet en urgence car son invention va être divulguée dans un salon, et cela pourra l’empêcher d’obtenir son titre (l’invention ne sera alors plus nouvelle et donc non brevetable), ou alors quelqu’un qui a oublié de renouveler sa marque. Il faut savoir qu’une constante dans la propriété industrielle ce sont les délais à respecter. Il s’agit de l’aspect le plus contraignant de notre métier et nous avons tous eu à réaliser des dépôts en urgence.
Et comment fonctionne votre cabinet en interne ?
Nous sommes un cabinet de taille moyenne. Sur la soixantaine de membres, une douzaine travaille sur la partie marques, le reste sur les brevets sachant qu’il y a des collaborateurs qualifiés et des chargés de support administratif. Parmi les CPI brevets, certains sont spécialisés en mécanique et nous sommes trois spécialisés en biologie/chimie, mais nous sommes en mesure de traiter tous les types de brevets. Nous travaillons pour des clients français essentiellement mais aussi pour des étrangers (Québec ou les Etats-Unis). Et nous développons nos relations avec l’Asie notamment à travers la Chine où nous avons depuis dix ans un bureau à Pékin, et depuis peu un à Shanghai. Notre siège est à Paris mais nous avons également des bureaux en région. Quant à notre organisation en interne, nous fonctionnons sur plusieurs niveaux. Pour chaque dossier, un associé supervise le travail qui se déroule avec un collaborateur ainsi qu’un personnel administratif pour les formalités. Ensuite, nous sommes organisés par équipe c’est-à-dire que chaque associé encadre plusieurs collaborateurs. Et nous instaurons des rencontres tous les deux mois pour des points sur les évolutions législatives en matière juridique et scientifique notamment.
Quelles ont été les dernières grandes évolutions de votre métier ?
En matière de marques et brevets, l’impression 3D a également redéfini les codes de la propriété industrielle parce qu’il existe la possibilité de reproduire les produits en 3D. C’est une avancée majeure, une réadaptation de notre métier à ces nouvelles technologies.
Par ailleurs, nous voyons de plus en plus apparaître des sociétés qui développent des parties de notre activité administrative comme la traduction de brevets, les grands panels de démarchage administratif. Aujourd’hui, nous nous recentrons sur notre cœur de métier où nous avons peu de concurrence. Nous travaillons en collaboration avec des avocats spécialisés qui ont le monopole de la représentation des clients en cas de litige.
La dernière évolution législative concerne les sociétés pluri-professionnelles. Il est désormais possible d’exercer dans une même structure avec les avocats. C’est une évolution qui est susceptible de changer l’organisation des cabinets provinciaux. Les structures auront ainsi en charge l’acquisition des droits et les litiges à plaider au tribunal.
Y en a-t-il d’autres à venir ?
Oui, la prochaine évolution de notre métier concerne le brevet unitaire et cela devrait entraîner des changements considérables. Il n’est pas encore entré en vigueur mais, dans les textes, cela existe depuis 1973.
Actuellement le brevet européen une fois délivré a valeur dans les différents États où il prend effet comme un brevet national. Les litiges sont traités ainsi indépendamment par les tribunaux de chaque État. Avec le brevet unitaire, un seul brevet sera délivré pour l’ensemble des États membres de l’Union Européenne, et les litiges seront centralisés au sein d’une nouvelle juridiction : la Juridiction unifiée en matière de brevet. Financièrement, cela devrait être avantageux pour les clients. Quelques questions se posent toutefois avec le Brexit du Royaume-Uni et l’Allemagne qui n’a pas encore ratifié l’accord.
Questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur/pire souvenir d'étudiant ?
J’ai un mauvais souvenir universitaire de ma première formation, le jour où j’ai été interrogé, en cours de géologie, sur une pierre et que j’étais incapable de la déterminer alors que c’était de la craie. J’ai compris ce jour-là que je n’étais pas fait pour la géologie.
Mon meilleur souvenir remonte aux oraux du CEIPI. J’ai tiré au sort sur les deux papiers restants le sujet sur le droit de priorité. La personne après moi a pris le dernier qui était ma seule impasse à l’examen, à savoir le sujet sur la brevetabilité des programmes d’ordinateur. Ce jour-là j’ai eu beaucoup de chance, et surtout une bonne note.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
C’est Alicia Florick dans la série « The good wife. » L’histoire d’une avocate qui, après avoir mis entre parenthèse sa carrière pour élever ses enfants, retrouve son métier après que son mari a été accusé de corruption et d’adultère avec des prostitués. Son approche de la profession du droit est très humaine et démontre contrairement à certaines idées reçues que le monde juridique n’a pas pour simple finalité de faire de l’argent, Elle cherche à aider ses clients à comprendre les droits et leurs droits en particulier, ce que nous faisons en tant que CPI. C’est une série que j’ai adorée qui s’est arrêtée au bout de sept saisons, à mon grand désespoir.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
Je dirais le respect de la personne et de la vie privée. C’est fondamental à mon sens. Nous vivons dans une société où nous avons tendance à dévoiler trop de nous sans prendre conscience de l’importance de la sphère personnelle. A titre personnel, j’ai subi une atteinte à ma vie privée qui m’a mené au tribunal. C’est là que j’ai compris l’importance de ce droit. Depuis, j’ai verrouillé mon image sur les réseaux sociaux. Même en pensant maîtriser son image, ses propos, on se rend compte que parfois, certaines choses nous échappent. Quant au respect de la personne, c’est fondamental à mes yeux. J’ai du mal à considérer qu’une personne puisse enlever la dignité d’une autre.
Carte d'identité du conseil en propriété industrielle
Qu’ils soient spécialisés en brevets ou en marques, dessins et modèles, les Conseils en propriété industrielle appartiennent à une même organisation qui les fédère : la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI). Le but de celle-ci est de faire connaître la profession, défendre ses intérêts, vérifier le respect des règles déontologiques, et assurer sa représentation devant les instances gouvernementales et l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) lequel est chargé de recevoir les dépôts de brevets, marques, dessins et modèles.
■ Les chiffres
- 1001 conseils en propriété industrielle dont 37 % des cabinets en Ile de France représentant 56% des CPI.
- 434 établissements pour 263 cabinets.
- 55% des CPI sont des hommes.
- 52% gèrent les brevets, 35% gèrent les marques et modèles et 13% les brevets
■ La formation
- Master 1 en droit privé minimum pour les CPI spécialisés dans les marques, dessins et modèles (Master 1 scientifique ou diplôme d'ingénieur pour les CPI spécialisés dans les brevets).
- Diplôme du Centre d'études internationales de la propriété industrielle (CEIPI) géré par l'Université de droit de Strasbourg après une formation d'un an, ou Master 2 équivalent en droit.
- Examen de qualification professionnelle après trois ans d'exercice, organisé par l'INPI.
■ Les domaines d'intervention
Brevets, marques, droit d'auteur, noms de domaine, dessins et modèles, logiciels, bases de données, nouvelles technologies, droit de l’Internet, contrat, contentieux, valorisation, données personnelles
■ Le salaire
Le salaire de départ dépend de la spécialisation juristes ou ingénieurs, et pour ces derniers, de la spécialité. Les évolutions dépendent notamment de l’obtention des examens et de l’ancienneté. La CNCPI ne souhaite pas communiquer sur les chiffres plus précisément.
■ Les qualités requises
Rigueur, patience, sens du contact, pragmatisme, anticipation, transparence, actualisation des connaissances, qualité de négociation et de conseil, sens de l'écoute, diplomatie, sens de l'organisation.
■ Les règles professionnelles
Les CPI forment une profession réglementée soumis à un code de déontologie. Les CPI doivent notamment respecter le secret professionnel et la confidentialité, agissent en toute indépendance, et s’interdisent tout conflit d’intérêt.
Ces règles sont fixées par le code de la propriété industrielle et le règlement intérieur de la CNCPI.
Sites internet :
La CNCPI : www.cncpi.fr
Annuaire de la profession : https://www.cncpi.fr/REC1--Annuaire.htm
Office d’enregistrement national : L'INPI : https://www.inpi.fr/fr
Enseignement pour la profession de CPI : Le CEIPI (Strasbourg) : http://www.ceipi.edu/
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