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[ 9 avril 2020 ] Imprimer

Coronavirus versus Droit : le nouveau d’aujourd’hui et l’inconnu de demain

Nous espérons que vous et vos proches vous portez bien dans cette période de crise sanitaire due au Covid19. C’est Olivier Duhamel, constitutionnaliste et politologue français, agrégé de droit public, professeur émérite des universités à Sciences Po, qui réagit sur ce terrible épisode historique.

En quoi cette crise sanitaire est un événement historique ?

Historique, en ceci que les pandémies atteignant tous les pays ont été et restent rares. Exceptionnellement historique, en ceci que nous n’avons quasi jamais vu 95 % des pays atteints, et jamais vu des milliards de personnes en confinement. 

Quelles sont les disciplines juridiques mises en œuvre pour lutter contre le virus ?

Quasiment toutes. Le droit constitutionnel, vu le contrôle du Conseil d’État et, un jour, le Conseil constitutionnel, notamment afin de vérifier la proportionnalité des atteintes aux libertés et droits fondamentaux. Vu aussi l’invention de nouvelles formes du contrôle parlementaire, comme les Questions Au Gouvernement (QAG) à effectifs restreints d’interpellateurs ou la Mission d’information créée à l’Assemblée nationale et qui a inauguré ses travaux le 1er avril avec trois heures d’auditions du Premier ministre et du ministre de la santé. Mais aussi, le droit du travail sur le droit de retrait ou le chômage partiel, le droit administratif sur les arrêtés municipaux et préfectoraux, notamment ceux instaurant des couvre-feux, le droit pénal avec les prolongations de détention préventive, le droit européen avec l’aménagement des règles du marché intérieur sur les aides d’État, le droit fiscal…. En vérité, toute l’économie, toute la société sont touchées. Donc toutes les branches du droit. 

Quels sont les impacts immédiats du coronavirus sur les institutions ?

Le plus visible : l’implication et l’intervention quasi quotidiennes des deux plus hautes autorités politiques, le Président de la République et le Premier ministre. Chacun dans son registre : le Président, incarnation et compassion, le Premier ministre, action et explication. 

Le plus important : la création d’un nouveau régime d’exception, « l’état d’urgence sanitaire », avec certes beaucoup de possibilités ouvertes de restriction des libertés, et d’abord une des premières, celle d’aller et venir, mais pas de mesures sécuritaires stricto sensu.

Le plus rassurant : le maintien d’une logique démocratique, en écartant les mesures extrêmes, type recours aux pleins pouvoirs présidentiels de l’article 16, en n’écartant pas totalement le Parlement par une utilisation extensive de la théorie des circonstances exceptionnelles, en passant par la loi pour l’état d’urgence sanitaire, en ayant écarté l’état d’urgence tout court, en maintenant un contrôle parlementaire, en rendant compte aussi directement devant les Français via les bilans quotidiens et les interventions fréquentes du Président et du Premier ministre. 

Quels sont les impacts futurs selon vous de cette crise sanitaire sur les institutions ?

Les juristes expliquent l’état du droit et, au mieux, les lacunes de l’État de droit. Les météorologues prévoient assez bien le temps à 24 ou 48 heures. Les politologues se contentent d’expliquer ce qui vient de se passer. Juriste et politologue, je ne peux répondre sérieusement à votre question. Si vous m’y obligiez sous la torture, je répondrais : « aucun effet » pour avoir le moins de risque de me tromper. 

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Lorsque j’ai répondu à un professeur m’interrogeant sur ce que je voulais faire plus tard, je lui ai répondu : « étudiant », ce qui l’a scandalisé. Et lorsque revenu professeur à l’université en question, Paris X-Nanterre, je l’ai croisé et lui ai dit : « Vous voyez, j’ai réussi. Étudiant à vie. »

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Cyrano et Antigone. 

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

La liberté, en pensant comme Malaparte que dans une démocratie, tout ce qui n’est pas interdit est autorisé et « dans un régime totalitaire, tout ce qui n’est pas interdit est obligatoire. »

 

Auteur :Marina Brillé-Champaux


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