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Directrice des services de greffe judiciaire
S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.
Jusqu'à l'année dernière, ils étaient connus sous le nom de greffiers en chef. Mais avec les réformes des greffes et greffiers en chef d'octobre 2015, ils sont devenus les directeurs des services de greffe judiciaire, un nouveau nom pour un statut renforcé. Mais en quoi consistent précisément leurs missions ? Si le greffier travaille en étroite collaboration avec le magistrat, ce n'est pas le cas de son supérieur hiérarchique. Ex greffière, Virginie Delfolie a décidé voilà trois ans de passer les concours de directrice des services de greffe judiciaire, poste qu'elle exerce aujourd'hui en tant que fonctionnaire placée. Voici son témoignage.
Pouvez-vous nous détailler votre parcours ?
Je suis la preuve qu'on peut réussir au ministère de la justice sans avoir fait de droit car j'ai commencé par une licence de langues étrangères appliquées à l'Université de Lille. Ensuite j'ai rejoint l'institut de préparation à l'administration générale pour faire une licence et une maîtrise d'administration publique. Puis j'ai préparé pendant un an le concours de commissaire de police. Finalement, j'ai repris en 2005 un Master 2 en droit de la Défense et de la sécurité à la faculté de droit de Lille 2.
J'ai découvert le droit, notamment commercial, dans le cadre de mon cursus en langues étrangères appliquées. J'avais toujours voulu travailler au sein de la fonction publique et de fil en aiguille, j'ai découvert d'autres aspects comme le droit privé et le droit public. Et ça m'a beaucoup plu.
J'ai d'abord travaillé un peu dans le privé, tout en préparant divers concours de la fonction publique dont celui de greffier des services judiciaires que j'avais passé pour m'entraîner et que j'ai réussi en 2008. J'ai donc intégré l'École nationale des greffes située à Dijon en qualité de greffier stagiaire pour y suivre une formation de 18 mois.
J'ai d'abord été greffier placé sur la Cour d'appel de Douai, de 2009, date de ma titularisation, à août 2012. En septembre 2012, j'ai rejoint le TGI d'Avignon où j'ai exercé au service des procédures collectives et auprès du juge de la procédure d'expropriation du Vaucluse. J'y suis restée un an car j'ai obtenu le concours de greffier en chef en décembre 2013. J'ai retrouvé l'école de Dijon pour la formation de greffier en chef. A l'issue de la scolarité, j'ai pu choisir mon poste à Aix-en-Provence où je suis arrivée en juin 2015.
Globalement, en quoi consiste le métier de directeur des services de greffe judiciaire ? Et pourquoi vous êtes-vous orientée sur cette profession après avoir travaillé en tant que greffière ?
Le cœur de métier c'est l'encadrement, la gestion des équipes. Notre mission est d'assurer le bon fonctionnement des services dont nous avons la charge. Cela nécessite de la réflexion, d'étudier et d'analyser ce qu'il se passe pour proposer des solutions, tirer des conséquences, adapter à chaque fois l'organisation du service aux besoins, à l'évolution de l'activité, aux départs, vacances de postes, aux besoins des magistrats. Par ailleurs, le service est composé de greffiers sur lesquels le directeur des services de greffe judiciaire a autorité, et comme les magistrats travaillent en étroite collaboration avec les greffiers, nous devons travailler de concert avec eux. Nos contacts sont donc très réguliers. En revanche, les tâches juridictionnelles qui nous sont dévolues deviennent de plus en plus résiduelles. Il s'agit par exemple de la vérification des comptes de gestion pour les personnes majeures sous protection judiciaire ou pour les mineurs qui n'ont plus qu'un seul parent, nous devons attester d'une gestion conforme aux intérêts de la personne protégée.
En ce qui me concerne, l'envie de devenir directrice des services de greffe judiciaire est venue petit à petit. J'aimais beaucoup mon métier de greffier mais il ne m'offrait que peu de débouchés. Que vous exerciez dans une petite ou grande juridiction, la seule évolution possible c'est l'avancement classique, à l'ancienneté. J'ai voulu voir autre chose et je m'étais intéressée petit à petit aux fonctions des directeurs de services de greffe judiciaires, au contact de chefs de service et directeurs de greffe. Je me suis rendue compte que ça correspondait plus à ce que je souhaitais faire, c'est à dire un travail plus administratif, de réflexion et d'organisation.
Quelles sont vos activités au quotidien ?
Elles sont assez variées, c'est ce qui fait tout l'intérêt du métier. Je peux être interrogée sur des questions purement techniques, procédurales par les greffiers ou adjoints administratifs de mon service. Je peux chercher un remplaçant en cas d'absence. Il y a aussi tout un travail de statistiques à établir, analyser et faire remonter aux chefs de juridiction. Nous sommes nous-mêmes placés sous l'autorité des chefs de juridiction, nous devons donc toujours rendre compte de notre activité. Il faut aussi être à l'écoute, parfois désamorcer certains conflits entre fonctionnaires. Je fais de la gestion de ressources humaines un peu tous les jours entre les difficultés rencontrées par certains agents avec leur magistrat ou avec d'autres agents, les congés et les arrêts maladie à gérer. Le travail de rédaction et d'analyse est également important. Par exemple, dans mes services, un cabinet rencontre des difficultés de fonctionnement. Je vais donc adresser un rapport au directeur de greffe qui sera communiqué aux chefs de juridiction. Il doit être circonstancié et basé sur des évènements factuels précis ; cela demande du temps, comme la rédaction d'un compte-rendu de réunion lorsqu'on en a organisé une.
L'enjeu de notre métier c'est aussi de savoir déterminer les compétences, les appétences des personnels du service, en tenir compte et essayer de les positionner là où ils seront le plus efficace, où leur travail sera le plus en adéquation avec leurs capacités. On peut également travailler sur des choses très concrètes. Par exemple, je m'occupe de la gestion et de la bonne conservation des archives de la juridiction ce qui implique de faire les versements aux archives départementales ou des destructions.
Enfin, les relations avec la hiérarchie et les collègues chefs de services sont primordiales. Les services sont assez interdépendants, il faut qu'il y ait un lien entre les différents chefs de service pour répercuter l'information et que tout fonctionne en harmonie.
Qu'est-ce qui vous plaît dans ce métier ?
La variété des missions et la richesse du management même si c'est parfois difficile, que ça demande des remises en question. On apprend sur les autres mais aussi beaucoup sur soi en gérant des personnes et c'est très enrichissant. Je ne m'ennuie pas parce que mon travail n'est jamais le même. Je ne sais pas le matin ce que je vais faire de ma journée. Je peux avoir prévu un planning et ne pas en faire la moitié parce que j'aurais été sollicitée par un agent, un collègue, un directeur de greffe ou un magistrat pour avoir telle ou telle information urgente. Je ne vois pas le temps passer.
En plus, j'ai choisi d'être directrice des services de greffe placée si bien que j'effectue des missions de quelques mois. Depuis septembre je suis au TGI de Marseille pour une mission bien spécifique sur le traitement des archives qui avaient été externalisées auprès d'un prestataire extérieur et pour lequel le contrat s'arrête fin juin. En même temps j'assure le remplacement d'une collègue en congés maternité sur le service de l'application des peines.
En tant que fonctionnaire placée, je suis passée de la direction d'un tribunal d'instance de petite envergure qui nécessitait des compétences spécifiques (gestion du bâtiment, sécurité, budget de la juridiction, etc…) et où je gérais tout, seule, à une très grosse structure, assez hiérarchisée, où les tâches de chacun sont bien définies. Le fait d'être placée me permet d'être toujours en apprentissage. Ca me plaît et ça me correspond bien parce que j'ai très vite peur de m'ennuyer et j'aime le contact, rencontrer de nouvelles personnes.
Comment percevez-vous l'évolution de votre métier ?
L'évolution récente essentielle porte sur la modification des statuts des greffiers et des anciens greffiers en chef par la réforme d'octobre 2015. Cela a recentré le directeur des services de greffe judiciaire sur un rôle d'encadrement, de management au sein de grandes structures. Dans notre nouveau statut, l'assistance du magistrat a disparu alors qu'auparavant nous avions la possibilité d'assister aux audiences. Aujourd'hui ce n'est plus possible. Le lien avec les justiciables on ne l'a presque plus non plus à part pour certaines procédures résiduelles, comme par exemple l'application des règlements européens pour l'exécution de décisions françaises à l'étranger ou inversement. Cette réforme s'inscrit dans le projet de réforme plus large sur la justice du XXIème siècle porté par Mme Taubira.
Je pense que la profession évoluera encore. Il a été question un moment de nous intégrer au corps des attachés et cette volonté de recentrer la direction des services judiciaires sur des fonctions de management, de gestion des RH a, je pense, vocation à généraliser, élargir nos missions. Celles-ci sont aussi moins juridictionnelle et tout cela devrait nous conduire à pouvoir exercer ailleurs, rejoindre d'autres corps de catégorie A qui sont inter-ministériels. C'est mon avis. On a en tout cas dépassé cette image de « super-greffier » qu'avaient parfois de nous les agents. Nous ne sommes pas des techniciens de la procédure, ce n'est pas notre mission.
Questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur/pire souvenir d'étudiant ?
C'est mon année en tant qu'Erasmus en Belgique où je suis allée apprendre le Néerlandais. J'ai rencontré des étudiants de diverses nationalités, énormément d'européens mais aussi d'Amérique latine, de Russie et c'était vraiment enrichissant.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Je ne suis pas très attachée à ce terme de « héros », « modèle » mais si je devais répondre, je dirais James Bond parce que j'aimerais bien parfois avoir ses gadgets pour résoudre tous les problèmes.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
L'accès à l'éducation et à la culture. Et de manière générale, les droits des enfants parce qu'il me paraît primordial de s'occuper des futurs citoyens d'un pays. Une nation qui n'est pas capable de s'occuper de ses propres enfants court à sa perte. De ce droit à l'éducation découlent beaucoup de choses : la capacité à réfléchir, avoir une pensée libre, des croyances propres. En somme, faire des citoyens responsables.
Les valeurs de la justice aussi sont essentielles. Ce n'est pas anodin si je travaille pour le ministère de la justice car pour moi ces valeurs sont fondamentales à l'existence d'une démocratie.
Carte d'identité du directeur des services de greffe judiciaire
Le directeur des services de greffe judiciaire est un fonctionnaire de catégorie A du Ministère de la Justice, au même titre qu'un directeur pénitentiaire d'insertion et de probation ou d'un magistrat, lui recruté à Bac+5. S'il a toujours été un gestionnaire de service, de budget, un manageur d'une équipe et un administrateur, la réforme d'octobre 2015 a recentré ses missions et confirmé l'abandon des prérogatives juridictionnelles et des liens avec le justiciable.Au 30 juin 2014, les effectifs réels des greffiers en chef étaient de 1 792 et ceux des greffiers des services judiciaires de 9 311. Les deux corps sont fortement féminisés : celui des greffiers en chef compte 78,4 % de femmes et celui des greffiers 87,6 %
■ Les chiffres
- 1792 directeurs des services de greffe judiciaire au 30 juin 2014.
- 78,4% de femmes à ce poste.
■ La formation
Le recrutement se réalise à Bac+3 même si, dans les faits, les candidats sont plutôt titulaires d'un Bac+5. La formation de dix-huit mois à l'école nationale des greffes de Dijon est accessible sur concours externe à tous les candidats à partir de Bac+3 ou sur concours interne aux agents publics justifiant de quatre ans d'exercice dans le service public.
■ Les domaines d'intervention
Le directeur des services de greffe judiciaire est chargé de l’affectation des personnels dans son/ses services, participe à l’élaboration du budget et en assure l’exécution. Il gère les moyens matériels, locaux et équipements.
Il est dépositaire des minutes et archives de la juridiction dont il assure la conservation. Il appose les scellés, assure la délivrance de certificats de nationalité, la certification de certains frais de justice et la surveillance du bon déroulement des opérations de saisie des rémunérations.
Enfin, il gère les dossiers contentieux et suit les procédures.
■ Le salaire
A partir de 1800 euros en début de carrière jusqu'à 4500 euros en fin de carrière.
■ Les qualités requises
Écoute, réactivité, confidentialité, aptitude au dialogue, flexibilité, aptitude à diriger, concilier, capacité d'organisation, bon rédacteur, sens de l'analyse.
■ Les règles professionnelles
Selon l'article 22 du Décret n° 2015-1273 du 13 octobre 2015 portant statut particulier du corps des directeurs des services de greffe judiciaires, les directeurs des services de greffe judiciaires prêtent, devant le tribunal de grande instance, le serment suivant :
« Je jure de bien et loyalement remplir mes fonctions et de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à l'occasion de leur exercice. »
Selon l'article 25 du même décret, ils ne peuvent être affectés dans une juridiction dans le ressort de laquelle leur conjoint, partenaire d'un pacte civil de solidarité, parent ou allié jusqu'au troisième degré inclusivement exerce soit des fonctions d'officier public ou ministériel, soit la profession d'avocat, sauf dispense accordée par le garde des sceaux, ministre de la justice, après avis des chefs de cour.
Enfin, selon l'article 28, les directeurs des services de greffe font l'objet d'une évaluation annuelle de leur valeur professionnelle.
■ Le site Internet :
- École nationale des greffes : http://www.eng.justice.fr/
- Syndicat des greffiers de France : http://lesgreffiers.com/
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