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Droit d’entrée et de séjour des étrangers
Malgré des parcours périlleux, les migrants continuent d’affluer vers l’Europe occidentale, fuyant les conflits et la répression en Syrie, en Afghanistan et ailleurs. Pour nous éclairer sur le droit de l’entrée et du séjour des étrangers, Nicole Guimezanes, professeur émérite de l’Université Paris Est Créteil (UPEC), spécialisé en droit international privé et droit des étrangers, doyen honoraire de la Faculté de droit, a bien voulu répondre à nos questions.
Quels sont les fondements du droit d’entrée et de séjour des étrangers ?
L'étranger est la personne qui n'a pas la nationalité française soit qu'il ait une nationalité étrangère, soit qu'il n'en ait pas (apatride). La question de l’entrée et du séjour des étrangers en France ne s’est posée réellement que depuis la Première guerre mondiale. C’est à cette époque que l’idée d’établir un contrôle aux frontières apparaît en France et en Europe. Il est d’abord fondé sur des raisons de sécurité, puis il est utilisé pour réguler la situation de l’emploi et assurer la reconstruction (conventions internationales organisant l’arrivée de travailleurs étrangers européens en France). Celle-ci assurée, la crise économique de 1929 et le chômage qu’elle entraîne provoquent une réaction inverse. L’objectif est de préserver le marché du travail au profit des travailleurs nationaux et donc de limiter l’arrivée des étrangers. La question se posera à nouveau après les « Trente Glorieuses », c’est-à-dire dans les années 1970.
Quelle évolution a connu ce droit dans l’histoire ?
Au cours de l’histoire, le statut juridique de l'étranger a oscillé entre deux positions extrêmes : le rejet ou l’accueil. Dans les sociétés naissantes et les sociétés primitives l’étranger était complètement rejeté par la société, l'étranger ne faisait pas partie du groupe : Il était donc l'objet d'un sentiment de méfiance, considéré comme un ennemi et sa personnalité même était niée ce qui se traduisait le plus souvent par une franche hostilité conduisant à son élimination physique ou à son asservissement. Une telle position est actuellement unanimement condamnée. Au contraire les enseignements du christianisme et l’esprit des droits de l’homme qui en découle conduisent à assimiler l'étranger au national. Ainsi dans le cadre de l’Union européenne les discriminations fondées sur la nationalité ont été écartées notamment en matière de libre circulation des personnes et d’accès au travail. Toutefois cette assimilation n’est pas totale même si une citoyenneté européenne limitée a été créée par le Traité de Maastricht en 1992. Seule la nationalité permet de participer à l’exercice de la souveraineté par le droit de vote à toutes les élections « politiques ».
Quelles sont les principales différences dans les conditions d’immigration aux États-Unis par exemple et en Europe ?
Le droit de l’Union européenne a unifié les conditions d’entrée sur le territoire européen mais l’immigration (séjour de plus de trois mois) continue à être régie par les politiques et les droits nationaux. En France, l’étranger qui souhaite venir s’installer pour y travailler doit obtenir une autorisation donnée par la Préfecture, avant l'entrée sur le territoire. Si l'étranger est déjà sur le territoire, il peut demander la régularisation de sa situation mais elle n'est accordée qu'exceptionnellement. C’est normalement l’employeur qui sollicite la venue de travailleurs étrangers mais à condition de ne pas avoir trouvé en France de personnes en mesure d’accomplir le travail proposé. Parmi les critères retenus par l’administration pour donner une autorisation figure essentiellement la situation de l’emploi dans l’activité sollicitée. Les conditions proposées par le contrat de travail doivent être les mêmes que pour le national. En cas d’accord il est délivré une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an renouvelable dans les mêmes conditions que pour son attribution. Lorsque l’étranger a été titulaire de cette carte pendant cinq ans, il peut solliciter la délivrance d’une carte de résident d’une durée de validité de dix ans.
La carte bleue européenne est délivrée à l'étranger titulaire d'un contrat de travail qui peut être supérieur à un an dont la rémunération annuelle brute est au moins égale à une fois et demie le salaire moyen annuel de référence, et qui est titulaire d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures délivré par un établissement d'enseignement supérieur reconnu par l'État dans lequel cet établissement se situe ou qui justifie d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi.
Aux États-Unis, la procédure est très précise et très détaillée et pour tout dire compliquée ! La législation envisage un grand nombre de situations. Pour s’en tenir à l’essentiel nous citerons trois cas :
Les personnes qui souhaitent visiter, travailler ou étudier de façon temporaire aux États-Unis doivent avoir un visa de séjour temporaire.
Les personnes qui souhaitent se rendre aux États-Unis afin d’y résider définitivement doivent solliciter un visa d’immigration, qu’elles envisagent ou non de rechercher un emploi aux États-Unis. Dans ce cas le ressortissant étranger doit être parrainé par un citoyen américain ou par un américain résident permanent régulier ou par un employeur éventuel, qui doit engager la procédure auprès des services de l’immigration (délivrance d’une carte de séjour permanent ou carte de résident permanent).
Le dépôt d’une demande de visa d’immigration est également l’étape initiale requise pour l’obtention d’une carte de séjour permanente (Programme de Visa d’Immigration de Diversité) également connue sous le terme de « green card » ou carte verte dont l’obtention est subordonnée à un tirage au sort.
Les demandes de visas (parents directs, famille, emploi et cartes vertes) doivent être présentées auprès de l’U.S. Citizenship and Immigration Services (USCIS) aux États-Unis.
Le Code de l’Immigration et de la Nationalité américain (INA) assimile toute personne sollicitant son admission sur le territoire américain à un immigrant potentiel. Pour pouvoir prétendre à un visa de ces catégories « il appartient à chaque demandeur, lors de l’entretien avec un officier consulaire, de réfuter toute présomption d’immigration en justifiant personnellement de solides attaches avec son pays de résidence et de ses obligations de retour » (INA, art. 214(b)).
Quels sont les textes applicables aux étrangers en France ?
C’est à l’issue de la Seconde Guerre mondiale que l’ordonnance du 2 novembre 1945 traitait pour la première fois d’une façon globale de l’entrée et du séjour des étrangers en France. Mais le développement de l’immigration et l’inflation des textes (lois, décrets, circulaires) ont conduit à regrouper les dispositions relatives aux étrangers dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), entré en vigueur le 1er mars 2005 pour sa partie législative et le 14 novembre 2006 pour la partie réglementaire.
Il faut ajouter les textes européens (règlements, directives) qui ont souvent été transposés en droit interne et la convention de Schengen régissant la libre circulation dans l’Union européenne. Certains traités tels que la Convention européenne des droits de l’Homme du 4 novembre 1950, ou les conventions élaborées sous l’égide de l’ONU comme la convention de Genève relative aux réfugiés (28 juill. 1951) et la convention de New York relative aux apatrides (28 sept. 1954) constituent également une source importante de droit applicable aux étrangers.
La période actuelle est-elle historique par les réponses apportées aux flux des migrants ?
L’Europe a connu de nombreux flux migratoires depuis les années 1980 notamment l’Allemagne, puis, dans une mesure moindre la France. Ces flux de migrants sont composés principalement de demandeurs d’asile et de migrants économiques. Les demandes sont examinées individuellement et aboutissent soit à la reconnaissance du statut de réfugié si les critères de ce statut sont remplis, soit, dans le cas contraire, au rejet de la demande et à la reconduite à la frontière, en principe vers leur pays d’origine sauf si ces personnes risquent de subir des traitements inhumains et dégradants contraires à la Convention européenne des droits de l’Homme. L’éloignement du territoire n’est pas toujours mis en œuvre.
Le récent afflux de migrants dans des proportions encore jamais atteintes résulte à la fois de la situation de guerre dans de nombreux États mais aussi d’un développement de l’activité des passeurs qui exploitent la misère humaine et d’une certaine imprévision, nous n’étions pas préparés à cela !
Cette situation oblige à une meilleure cohérence européenne difficile à atteindre. La coopération obtenue et le développement des aides apportées aux migrants constituent certainement une étape importante dans l’histoire des migrations vers l’Europe.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiante ? ou le pire ?
Mes meilleurs souvenirs d’étudiante sont mes séjours, en été, à la Faculté internationale de droit comparé. Des sessions sur la comparaison de diverses branches du droit et dans diverses villes européennes permettaient de rencontrer des étudiants étrangers et notamment quelques étudiants qui, à l’époque, venaient des pays de l’Est. La découverte des uns et des autres était très intéressante et très formatrice. C’était l’ancêtre des programmes Erasmus.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
C’est Astérix. Ses discours, ses jeux de mots, son comportement me semblent très représentatifs de la psychologie nationale.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Celui qui est visé à l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Ce sont là des éléments fondamentaux dont découlent tous les autres droits et en permettent l’exercice.
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