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Du droit dans Game of Thrones
Incestes, crimes, torture, vengeances… N’est-ce pas a priori hors le droit que se nouent les intrigues de la fameuse série Game of Thrones ? Quentin Le Pluard et Péran Plouhinec, doctorants à l’Université de Bretagne occidentale (Lab-LEX), directeurs de l’ouvrage collectif Du droit dans Game of Thrones paru récemment chez mare & martin, ont bien voulu répondre en plusieurs points à cette question essentielle.
De quel contexte universitaire est issu cet ouvrage ?
Q. LP. : Il s’agit, à l’origine, de la Ve journée d’études des doctorants juristes des Université de Brest et de Vannes qui s’est tenue le 23 février 2018. Après avoir travaillé sur les fictions (Ire et IIe éditions), la barbarie et les bizarreries, le choix du sujet nous a semblé évident au vu de la retombée mondiale de la série et du vaste univers qui permet à chacun des intervenants d’y trouver son compte, malgré la disparité des domaines de recherche. La VIe journée a porté cette année sur Disney et le droit et l’année prochaine, le thème retenu est le suivant : « Droit, Mythes et Légendes : croyances passées, espoirs futurs ».
P. P. : Une fois la journée passée, nous avons cherché à en publier les actes, avec le soutien des laboratoires de recherche Lab-LEX et AMURE, et de notre faculté. L’ouvrage est donc la retranscription des contributions de la journée, enrichies de participations d’enseignants-chercheurs.
Quelles sont les trois parties de l’ouvrage ?
P. P. : La première est consacrée aux « contours juridiques de l’humain dans Game of Thrones ». Elle développe le traitement de la personne et tente une comparaison entre notre droit et la réalité de la société qui nous est décrite dans la série. Des aspects de bioéthiques, les relations entre l’homme et l’animal, le rapport que la personne entretient avec sa naissance et sa mort…
Q. LP. : La seconde : « Us et coutumes de Westeros » est un peu plus vaste et s’occupe de sujets tels que le contrat d’assassinat, le droit des femmes, l’inceste ou le handicap. L’idée est de brosser un portrait de la vie dans la série et de s’interroger sur ce qu’en pense notre droit.
P. P. : Enfin, la dernière partie, intitulée « Gouverner les Sept Couronnes », concerne l’organisation de la société ouestrienne. Du droit maritime à celui des relations internationales en passant par la question des frontières, les différentes contributions tentent de décrypter les modalités de gouvernement qui nous sont présentées.
Comment le droit est-il présent sur les territoires de Games of Thrones ?
P. P. : Vaste question! En réalité on perçoit dans Game of Thrones certaines des notions juridiques que nous retrouvons dans notre univers contemporain. Par exemple, il existe des contrats, des traités entre les différentes Maisons de Westeros, des règles maritimes, des frontières, un certain consensus en matière de bioéthique…
Toutefois, on remarque que l’application de ces règles est en pratique bien complexe, on s’en rend bien compte en regardant la série. Ceci est dû à l’absence de structure légitime qui s’assurerait du respect de ce droit et par le recours à des formes de justice antique ou médiévale, que notre droit actuel réprouve (duel, vengeance personnel, recours à la force armée…). La plupart des litiges que le droit aurait eu vocation en théorie à régler, se résolvent in fine à l’ombre du droit.
Comment la déraison des personnages, par exemple en bioéthique, entre-t-elle en conflit avec le droit ?
Q. LP. : Le récent droit de la bioéthique fait suite aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale et aux expériences qui furent menées en ce temps. L’analogie, en matière de bioéthique, est tout à fait faisable entre les médecins de l’époque et certains des personnages de la série. Ainsi, le personnage de Qyburn est un Maistre déchu pour avoir mené de telles expériences sur des sujets vivants au nom du progrès de la connaissance — comme l’on pourrait être radié de l’Ordre des médecins. Cela se voit particulièrement avec ses manipulations de Ser Gregor Clegane, dit « la Montagne » — à la limite de la science et de la nécromancie — qui finira par le tuer ; la créature tuant ainsi son créateur, la série reprenant à son compte le mythe du Golem.
L’une des phrases les plus intéressantes pour le juriste serait la suivante : « belief is so often the death of reason ». Raisonnable, Qyburn l’est. Il l’est peut-être d’ailleurs trop, lui qui place la lutte contre la maladie au-delà de tout autre but, de toute autre valeur, quitte à disséquer des hommes vivants pour cela. Il considère, « raisonnablement », que la fin justifie les moyens ; conception que le droit ne partage absolument pas, en matière de bioéthique à tout le moins.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Q. LP. : Probablement de participer (et de perdre) au concours national d’éloquence de l’ARES en fin de 3e année. Notamment, la dizaine d’heures de route pour aller jusqu’à Aix depuis nos contrées bretonnes et en revenir, avec le mélange cumulé de fatigue, d’appréhension, de doute et de fierté qui créé cette ambiance spéciale, propice aux fous rire sans vraie raison et aux chansons qui passent sur Nostalgie.
P. P. : Comme Quentin, la participation aux concours d’éloquence. À part cela, je pense au premier exposé que j’ai fait en première année en droit constitutionnel… Comme j’étais arrivé en droit un peu par hasard, c’est à ce moment que j’ai su que c’était bien cela que je voulais faire.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Q. LP. Peut-être la question la plus difficile… Côté héros, mon cœur balance entre le capitaine Nemo (notamment dans le film La ligue des Gentlemen extraordinaires) et Gimli, le nain du Seigneur des Anneaux qui refuse d’être lancé, sauf quand l’elfe ne regarde pas. Et côté héroïne, ce serait Sarah Connor [dans le film Terminator].
P. P. : Isidore Katzenberg des romans de Bernard Werber, et Tatie Danièle dans le film d’Etienne Chatiliez.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Q. LP. : Travaillant sur le transhumanisme, je me sens obligé de répondre le droit à la vie.
P. P. : Et bien pour prendre le contrepied de mon collège privatiste, et même s’il n’est pas reconnu comme un droit de l’homme, je dirais le droit à la mort.
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