[ 23 novembre 2023 ]

Enseignement de l’équitation ou enseignement du droit : même combat !

Pouvez-vous nous décrire le tableau de Géricault ?

Le tableau, Cheval sortant de l’écurie, de Théodore Géricault, représente un pur-sang noir, en filet et couverture, qui est amené par un palefrenier à l’extérieur des boxes certainement pour le panser et le préparer à être monté. Cette œuvre met donc en valeur tout le rituel de soin de l’équidé qui est mené en amont de son entraînement. C’est une certaine intimité qui est saisie.

Quels affrontements connaissent l’enseignement du droit et celui de l’équitation au xix^e siècle ?

Au xix^e siècle, au lendemain des guerres napoléoniennes, il est nécessaire, pour remplacer les pertes, de former en masse des écuyers et des équidés pour maintenir la paix extérieure. Ce savoir sera dispensé par le directeur de l’École de Saumur sous la tutelle du ministère de la Guerre. Deux grands écuyers s’opposent. D’une part, le Vicomte d’Aure, partisan de l’enseignement classique de l’art équestre, se montre favorable à un dressage des chevaux en extérieur, à travers de grandes galopades, afin d’imiter les conditions du champ de bataille et de développer le courage et l’instinct du cavalier. D’autre part, Baucher propose un nouvel enseignement raisonné de l’équitation, qui se base sur une gymnastique rigoureuse et technique imposée au cheval. Il faut former le cavalier, dans un manège, à soumettre le cheval par des exercices de flexions et d’assouplissements. Il y a le clan des d’auriste et celui des bauchéristes.

Concernant le droit, le xix^e siècle est marqué par l’adoption du Code civil mais aussi par l’exigence d’un nouvel enseignement du droit qui est littéral et raisonné. Seul le Code doit désormais être enseigné aux étudiants article par article, sans aucune possibilité pour le professeur de donner son avis ou d’étudier la jurisprudence. Face à cet enseignement officiel des voix se sont élevées pour renouer avec la tradition plus ouverte de l’Ancien régime qui consistait à accorder une place au droit romain, à la doctrine et à la jurisprudence.

Le conflit entre juristes sera-t-il aussi violent que celui connu par les sciences équestres ?

Le conflit entre juristes est extrêmement calfeutré et limité à l’Université. En revanche, le conflit équestre divise le tout-Paris et revêt une rare violence : des injures ad hominem sont publiées.

Quelles sont les traces de ces débats doctrinaux dans l’enseignement du droit aujourd’hui ?

La conciliation de ces deux courants permet aujourd’hui d’étudier le droit civil dans le texte et au-delà du texte. En effet, la diversification des matières enseignées — droit comparé, droit et littérature, philosophie du droit… — montre bien cette volonté de ne pas enfermer les étudiants dans un « prêt-à-penser ».