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GAJA Ouvre-toi !
Vous êtes en deuxième année de Droit. Vous suivez le cours de Droit administratif. Vous vous apprêtez à étudier le « GAJA ». Vous ne l’oublierez jamais. Ses auteurs, Pierre Delvolvé, professeur émérite de l’Université Paris II – Assas, et Bruno Genevois, Président de Section honoraire au Conseil d’État, nous font l’honneur de nous faire part de quelques secrets de fabrication de cette fameuse sélection d’arrêts commentés.
Quel est l’historique des grands arrêts ?
L’idée de l’ouvrage revient à René Cassin qui fut professeur de droit privé avant de rejoindre le général de Gaulle à Londres et de devenir, à la Libération, vice-président du Conseil d’État. René Cassin souhaitait qu'existât pour le droit administratif un ouvrage comparable aux « grands arrêts de la jurisprudence civile » d’Henri Capitant, dont la première édition remonte à 1934. Fut obtenu l’accord et le soutien de Marcel Waline, alors professeur à la Faculté de droit de Paris. Dès 1952, deux auteurs furent choisis : Marceau Long et Prosper Weil, majors respectivement de l’École nationale d’administration et de l’agrégation de droit public. En raison de l’ampleur de la tâche, leur fut ultérieurement adjoint Guy Braibant, à l’époque auditeur au Conseil d’État. La première édition vit le jour en 1956.
Depuis la neuvième édition parue en 1990, ont été associés à l’ouvrage deux auteurs, l’un appartenant à l’Université, Pierre Delvolvé, l’autre au Conseil d’État, Bruno Genevois. Le livre a été réédité suivant une périodicité triennale puis biennale. La 23e édition, à jour au 30 juillet 2021, est parue en septembre 2021.
Doit être soulignée l’association étroite de l’Université et du Conseil d’État.
Comment procédez-vous au choix des arrêts ?
Le choix des « grands arrêts » à retenir a toujours été effectué de façon consensuelle. Les auteurs historiques nous ont hélas successivement quittés. Guy Braibant avait gardé le souvenir de discussions « parfois longues et tendues » sur ce choix. En réalité l’accord se réalise par la conjonction de deux critères : l’apport objectif d’une jurisprudence nouvelle au droit administratif ; le retentissement sur le plan doctrinal d’une telle jurisprudence. C’est davantage la suppression corrélative, dans un souci d’équilibre, de grands arrêts préexistants qui a pu prêter à débat.
Nous avons le sentiment de nous inscrire dans une telle orientation en introduisant dans la dernière édition deux grands arrêts nouveaux, l’un relatif à la responsabilité de l’État du fait d’une loi inconstitutionnelle, l’autre à l’extension très sensible des actes et documents susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir
Que devient un grand arrêt supprimé ?
La suppression d’un arrêt qui faisait l’objet d’une présentation dans les éditions précédentes est justifiée par deux motifs :
- l’un tient à ce qu’un arrêt nouveau change complètement la jurisprudence qu’avait établie l’arrêt ancien : c’est le cas par exemple de l’arrêt Ternon (2001) qui vient changer la jurisprudence Dame Cachet (1922) sur le retrait et l’arrêt Mme Duvignères (2002) qui refonde la jurisprudence sur les circulaires issue de l’arrêt Notre-Dame du Kreisker (1954) ; mais l’arrêt ancien qui est supprimé se retrouve dans le commentaire de l’arrêt nouveau ;
- l’autre motif tient à ce qu’un arrêt qui avait une certaine importance dans les circonstances de l’époque où il a été rendu n’apparaît plus essentiel et peut être facilement intégré dans les commentaires d’un autre arrêt : c’est ainsi que, dans la 23e édition, l’arrêt Comité de défense des libertés professionnelles des experts comptables (1950) est cité dans le commentaire de l’arrêt Bouguen (1943) relatif aux ordres professionnels et dans celui de l’arrêt Société des concerts du conservatoire (1951) à propos des principes généraux de droit ; de même l’arrêt Frampar (1960), relatif au détournement de procédure, est repris dans le commentaire de l’arrêt Pariset (1875), qui porte sur le détournement de pouvoir. Ils ne sont pas perdus et trouvent une place adéquate.
Ainsi il n’y a pas véritablement suppression d’un « grand arrêt » : il s’agit seulement d’un déplacement d’une place principale à une place seconde.
Quels sont vos objectifs pédagogiques ?
Nous voulons faire connaître les arrêts qui structurent le droit administratif (et même, plus généralement, certaines parties du droit public).
Nous partons d’une espèce, jugée principalement par le Conseil d’État ou le Tribunal des conflits et le cas échéant par le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l’homme, qui constitue le point central d’une jurisprudence dans une matière donnée (par ex. compétence, contrats, responsabilité, contrôle du juge), pour exposer et expliquer non seulement la solution de l’arrêt mais aussi comment le droit a évolué depuis lors pour aboutir aux solutions actuelles.
Notre objectif principal est de faire apparaître l’essentiel et de le faire comprendre.
Mais tout autant, nous voulons permettre à ceux qui, non seulement s’intéressent au droit administratif, mais aussi en font application dans l’exercice de fonctions diverses, de trouver les indications précises leur permettant de régler une question.
Cela entraîne une certaine tension entre l’exigence d’une clarté faisant apparaître les idées dominantes et celle d’une précision donnant connaissance de leur mise en œuvre : il faut que le lecteur voie toujours le principal et ne soit noyé par l’accessoire. Il n’est pas toujours facile d’y arriver : par exemple la subtilité de la jurisprudence sur le retrait et l’abrogation (Ternon) oblige à des distinctions dans lesquelles il faut essayer de ne pas perdre le lecteur.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
P. D. Sans doute le cours de droit constitutionnel du Doyen Vedel à la Faculté de droit et la conférence de méthodes de Guy Braibant à Sciences Po.
B. G. Ma scolarité en année préparatoire à l’Institut d’études politiques de Paris, où j’ai eu la chance, d’une part, de suivre des cours magistraux dispensés par Georges Vedel pour les Institutions politiques et par René Rémond en « Histoire politique générale » et, d’autre part, de bénéficier en conférences de méthodes des conseils éclairés d’Alain Dutheillet de Lamothe, alors maître des requêtes au Conseil d’État, et de Philippe Vigier, historien.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
P. D. Rodrigue, Andromaque, l’un et l’autre en raison de la tension qui les étreint (sans parler de la beauté du texte par lequel ils s’expriment).
B. G. Côté héros, je privilégie des personnages qui, dans le cadre de romans s’inscrivant dans l’Histoire, font preuve de courage et de lucidité ; tel est le cas plus spécialement d’Antoine Thibault dans l’œuvre de Roger Martin du Gard. S’agissant des héroïnes, je ne suis pas insensible au personnage d’Eve Kendall, interprété par Eva Marie-Saint dans « La mort aux trousses », le film d’Alfred Hitchcock que je préfère.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
P. D. La liberté de conscience (elle porte sur l’essentiel et domine tous autres droits et libertés).
B. G. Le droit à la liberté d’expression, « inscrit en lettres de feu » dans la Déclaration de 1789, comme le disait le Doyen Vedel et dont la portée est définie en termes très heureux par un arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis de 1949, Terminiello v. Chicago, cité par Élisabeth Zoller dans le livre de la collection « À savoir » consacré à cette liberté.
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