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Intégrité corporelle, consentement et santé
L’intégrité corporelle de pair avec le consentement peut être une préoccupation intime, un sujet de réflexion intellectuelle ou un débat de société. Sophie Paricard est professeure de droit à l'Institut National Universitaire d'Albi, Institut de droit privé, Université Toulouse 1-Capitole. Elle a bien voulu éclairer pour nous ces relations de l’intégrité corporelle avec le consentement.
Qu’est-ce que l’intégrité corporelle ?
L’intégrité corporelle est un concept relativement récent en droit civil bien qu’il fasse écho au fameux adage « noli me tangere », ne me touchez pas.
La personne a en effet pendant longtemps été perçue comme une seule volonté et le droit ne s’est que tardivement saisi de son corps. Ce sont notamment les horreurs perpétrées par les nazis pendant la Seconde guerre mondiale qui ont provoqué à cet égard une prise de conscience et participé à l’affirmation du principe de dignité de la personne humaine qui en est indissociable.
Depuis, prolongeant cette réflexion à l’égard des progrès scientifiques, la loi dite « bioéthique » du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain a introduit un chapitre au sein du Code civil relatif au « respect du corps humain » (art. 16 à 16-9). Le corps humain est désormais protégé en ce qu’il est le substratum de la personne. L’intégrité corporelle se trouve évidemment au cœur de ces dispositions en ce qu’il s’agit de protéger le corps des atteintes subies par autrui, à ériger une sorte de bulle de protection autour du corps de la personne. L’article 16-1 affirme en ce sens que « le corps humain est inviolable ».
Comment définir le consentement en droit civil par rapport au droit pénal ?
Le consentement n’est pas fondamentalement différent en droit civil et en droit pénal. Il désigne dans les deux cas l’adhésion d’une volonté libre et consciente. Mais tandis que le droit pénal interroge depuis longtemps le consentement de la victime au travers de certaines infractions constituant une atteinte au corps comme le viol, le consentement en droit civil est resté une seule condition de validité de l’acte juridique sans qu’il ne s’impose à l’égard des actes médicaux en raison d’un certain impérialisme médical.
Depuis un arrêt de 1942 et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients, le consentement, composante majeure de la dignité de la personne, est devenu la clé de voûte de la relation médecin-patient et la légitimation première de l’acte médical. Comme le précise l’article L. 1111-4 du Code de la santé publique : « Aucun acte médical ou aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne. » Le caractère éclairé du consentement est particulièrement important en ce que le patient dispose d’un droit à une « information loyale, claire et appropriée ».
Le consentement autorise-t-il des limitations à l’intégrité corporelle ?
Le consentement autorise des limitations à l’intégrité corporelle dès lors que ces limitations sont légitimes. L’article 16-3 al. 1er du Code civil précise ainsi qu’« il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui ».
Au-delà de cette dernière hypothèse relative au prélèvement d’organes, l’intervention doit donc répondre à une nécessité médicale pour la personne. Cela recouvre évidemment tous les actes médicaux dits thérapeutiques répondant à une finalité préventive, diagnostique ou curative. Mais le consentement peut également permettre des actes médicaux qui n’ont pas de telles finalités. Cependant, la loi doit en principe les avoir autorisés pour que ces atteintes soient légitimes. C’est le cas de la chirurgie esthétique, de l’IVG, de la stérilisation ou de l’AMP.
Le consentement ne peut donc à lui seul légitimer toute atteinte au corps de la personne. La gestation pour autrui et l’euthanasie active restent ainsi interdites par la loi. Le consentement de la personne est à cet égard indifférent.
De manière générale, quelles peuvent être les limitations à l’intégrité corporelle ?
Les limitations à l’intégrité corporelle se trouvent donc principalement dans le consentement de la personne. L’article 16-3 al. 2 du Code civil précise ainsi que « le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir ». Hormis ce cas particulier, toute personne peut donc exiger qu’aucune atteinte ne soit portée à son corps et refuser en conséquence des soins.
Mais l’intérêt général peut également participer à limiter l’intégrité corporelle. Des vaccins peuvent ainsi être déclarés obligatoires. Des prélèvements, par exemple en vue d’identifier la personne par ses empreintes génétiques, peuvent être ordonnés dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Cependant, dans tous les cas, ces actes ne seront jamais imposés à la personne : ils sont toujours subordonnés à son consentement. Mais en cas de refus, le juge est susceptible d’en tirer toutes les conséquences tandis que le législateur peut priver la personne non vaccinée de l’accès à certaines professions ou collectivités. Cette même logique se retrouve aujourd’hui à l’égard du vaccin contre la covid 19, qui n’est pourtant obligatoire que pour les soignants.
Seuls des soins psychiatriques, dans des conditions déterminées par la loi, peuvent être pratiqués sans le consentement de la personne.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Lorsque je remontais la rue Soufflot jusqu’à la Place du Panthéon pour me rendre à mes cours de DEA à Paris II. Un moment magique pour la provinciale que j’étais.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Mon héros préféré est Laurence Emmanuel James Alia incarné merveilleusement par Melvil Poupaud dans l’un des premiers films de Xavier Dolan, « Laurence Anyways ». Il s’agit d’un homme qui décide d’accepter son identité et de changer de sexe. Xavier Dolan filme de façon bouleversante le combat intime de ce personnage, sa quête d’amour, les violences sociales auxquelles il s’expose ainsi que les profondes fragilités de chacun qu’il réveille. Un vrai héros des temps modernes !
Mes héroïnes préférées : Christine Angot et Camille Kouchner pour avoir fait entrer l’inceste dans la littérature en racontant leur propre histoire.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Je choisirai plutôt le droit des femmes à l’IVG, conquis de haute lutte, et malheureusement toujours fragile. Il est le marqueur principal du respect des droits fondamentaux me semble-t-il, car sa régression s’accompagne bien souvent du recul de l’ensemble de ces droits.
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