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[ 23 novembre 2012 ] Imprimer

Juriste à la CNIL

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat… Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Ce mois-ci, c'est à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) que la rédaction de Dalloz Actu Étudiant a été reçue. En particulier au sein du Service d'orientation et de renseignements du public (SORP), créé en 2006 dans le but d'absorber le flux des demandes du public. Nous y avons rencontré la chef de service Fatima Hamdi qui travaille en binôme avec Xavier Delporte, chef de service adjoint. Elle répond à nos questions.

Quelle expérience professionnelle aviez-vous en arrivant à la CNIL ?

Mon parcours est très simple : je suis un « dinosaure » de la CNIL ! Lorsque j'ai obtenu mon diplôme à la fac, je suis rentrée directement à la Direction des affaires juridiques de la CNIL en 1980 et j'en suis sortie en 2006 pour rejoindre le SORP qui venait d'être créé. J'avais suivi le vote de la loi de 1978 alors que je venais d'avoir ma maîtrise de droit public. Je connaissais le sénateur Jacques Thyraud, rapporteur au Sénat de la loi « Informatique et libertés » qui m'a proposé de rejoindre cette nouvelle autorité, et c'est ce que j'ai fait. Depuis j'ai été sollicitée par d'autres structures, notamment des cabinets d'avocats et j'ai failli quitter la CNIL à trois reprises. Mais je n'ai jamais pu m'y résigner car j'ai une grande affection pour la maison.

Vous qui avez suivi la CNIL depuis le commencement, comment percevez-vous son évolution ?

Je l'ai vue passer de l'ère artisanale à l'ère industrielle. Humainement, l'ambiance d'hier était très familiale, nous étions polyvalents, nous travaillions sur tous les sujets et étions aptes à réagir sur tout et n'importe quoi (ouverture du courrier, enregistrement des formulaires, réalisation des notes juridiques, réponses aux demandes…). Aujourd'hui ce n'est plus du tout la même ambiance. Nous sommes une autorité reconnue, nous avons une place dans le paysage français et par conséquent, l'institution s'est structurée, organisée, hiérarchisée. En dix ans, elle a beaucoup grossi avec le développement des nouvelles technologies. D'où l'importance de la transversalité entre les services, ce qui n'est pas toujours évident à faire vivre.

Quels sont les sujets qui reviennent le plus dans les demandes que vous recevez ?

Dans le secteur du travail, ce sont les salariés qui veulent connaître leurs droits avec tous les problèmes qui existent actuellement en matière de cybersurveillance, de vidéosurveillance et de géolocalisation. On nous sollicite également pour des problèmes d'utilisation d'adresse électronique à des fins publicitaires. Comme sujet d'actualité, il y a le droit d'accès indirect, l’utilisation d’Internet avec notamment la mise en place de téléservices dans les établissements scolaires par le ministère de l'Éducation nationale. Des avocats ou des grandes entreprises nous contactent également pour des problématiques liées aux transferts de données hors de l'Union européenne. Nous avons aussi des questions touchant au secteur de la santé. Mais 70 % des demandes concernent encore les déclarations de formalités préalables (mise en ligne d'un site Internet, enregistrement d'un nouveau dispositif de surveillance, etc.).

À titre personnel, qu'appréciez-vous dans votre travail de juriste, chef de service du SORP ?

Ce qui me plaît c'est qu'ici, au SORP, je suis autonome. Je signe tous mes courriers ou presque, le travail est très divers, nous touchons à tout. En arrivant ici, j'ai eu l'impression de commencer un nouveau métier. Je connais bien la maison et mon expertise juridique m'a beaucoup aidée. Aujourd'hui, je fais aussi de la communication, de la formation aux téléconseillers et de la vulgarisation juridique. Et puis j'adhère aux valeurs de la CNIL. D'ailleurs les gens ici sont motivés en général par cette loi, même si elle a été mal réécrite en 2004, instaurant des mécanismes plus complexes. Nous avons le sentiment d'être utiles, et même si nous n'aidons que quatre ou cinq personnes, ce sera toujours ça.

Quelles sont les ambitions actuelles de la CNIL ?

Nous nous engageons de plus en plus dans la voie de la vulgarisation et de la pédagogie avec la création de fiches pratiques diffusées sur notre site Internet. C'est un travail long et qui fait appel à tous les services. Cela nous permet de conseiller et d'accompagner les personnes à se mettre en conformité avec la loi. Nous observons que la loi « Informatique et libertés » est encore méconnue. Les grosses entreprises nous connaissent, elles ont bien compris que c'était une vitrine pour elles de dire qu'elles étaient en conformité avec la CNIL. Mais il faut que l’on développe la proximité avec les citoyens. Aujourd'hui, la balle est dans le camp du citoyen.

Les missions de la CNIL seront-elles différentes d'ici quelques années ?

Dans trois ou quatre ans, un projet de règlement européen en cours d'élaboration va modifier notre loi. Notre activité relative aux formalités préalables va évoluer. La CNIL développera sa mission de conseil, d’aide à la mise en conformité des citoyens et des entreprises avec la loi : les responsables de traitement ne déclareront plus tous leurs fichiers mais ils devront rester en conformité avec la loi, notamment par rapport à l'information du personnel sur leurs droits, au respect des mesures de sécurités et à la conservation des données de leurs salariés. À titre personnel, je pense que dans quelques années, la CNIL deviendra un organisme qui donnera des conseils de bonnes pratiques et d'éthique dans ce monde des nouvelles technologies. Je pense que nous serons encore davantage dans la prévention, la pédagogie et l’accompagnement plus que dans la sanction.

 

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur ou pire souvenir d'étudiante ?

J'ai beaucoup aimé la faculté, à l'Université de droit de Tours. J'avais en particulier un professeur de droit administratif formidable, je pense que c'est lui qui m'a amenée à faire du droit public. Il était passionnant, et ses cours très vivants. J'ai aussi eu de la chance parce qu'en maîtrise, nous n'étions que onze étudiants. Nous avions tous une grande proximité avec les professeurs et de manière générale, il régnait une bonne entente au sein du groupe.

Quel est votre personnage de fiction préféré ?

Je suis très polar et j'ai adoré les premiers romans de Mickaël Connely, notamment Le Poète. Il y a un personnage récurrent que j'aime beaucoup, c'est Harry Bosh [ndlr diminutif de Hieronymus Bosh, nom inspiré de celui d'un peintre hollandais], l'inspecteur qui mène les enquêtes. Lui aussi a des valeurs, il a des fêlures mais il résiste. C'est un personnage qui me touche.

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

J'ai été assez marquée par le vote de la loi sur l'abolition de la peine de mort. Je me souviens encore du discours de Badinter. C'était très fort et très courageux. J'y ajouterai le droit à la tolérance mais aussi la loi sur l'IVG de Simone Weill. Là aussi, cela a été très fort et très courageux. La régression qu'on constate en ce moment sur ces droits est inquiétante.

 

 

Carte d'identité du juriste de la CNIL

Hier organisme de juristes, la CNIL embauche désormais des ingénieurs pour travailler sur les outils de demain et leurs conséquences sur la protection de la vie privée. En dix ans, et avec le développement des nouvelles technologies, cette institution indépendante a vu son effectif salarial doubler, et de nouveaux services ont ouvert, à l'image du SORP ou de la DEIP (Service des études, de l'innovation et de la prospective). Depuis sa création en 1978, la CNIL a peu à peu gagné en visibilité, devenue une institution incontournable à l'ère du numérique.

 Les chiffres

– 170 personnes travaillent à la CNIL dont 62 % de femmes.

– La moyenne d'âge était d'environ 38 ans en 2011, contre 41 en 2004.

– 12 000 appels téléphoniques sont absorbés tous les mois par le SORP et 32 743 courriers numérisés ont été reçus en 2011.

– 5 700 réponses écrites ont été adressées par le SORP.

– sur les 82 343 dossiers de formalités préalables reçus par le SORP, 76 256 ont donné lieu à la délivrance d'un récépissé.

 La formation et les conditions d'accès

Certaines facultés de droit proposent aujourd'hui des formations spécifiques aux nouvelles technologies. C'est notamment le cas de l'Université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines avec son Master 2 professionnel intitulé Droit des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). De même, l'Université niçoise Sophia-Antipolis a créé un Master Droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies.

 Les domaines d'intervention

Toutes les dispositions de la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978, modifiée par la loi relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel du 6 août 2004.

 Le salaire

Il suit la grille de salaire des contractuels de la fonction publique, selon le niveau de responsabilités et l'ancienneté.

 Les qualités requises

Probité, rigueur, célérité, réactivité, transversalité, indépendance, engagement, autonomie, pédagogie, écoute, culture générale, patience.

 Les règles professionnelles

Secret professionnel, confidentialité, bonne foi, éthique professionnelle et respect de la loi.

 Le site Internet

www.cnil.fr

 

Auteur :A. C.


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