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@ Julien Pebrel

[ 21 avril 2011 ] Imprimer

Juriste au sein d'une association

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Après les professions d'avocat, de magistrat ou de notaire, Dalloz Actu Étudiant s'est penché sur celle de juriste, exerçant dans un domaine social. Accueillie dans la structure associative du « Kiosque » Emmaüs-France Terre d’Asile (FTDA) dans le xe arrondissement de Paris, la rédaction a rencontré la juriste Mélina Micouleau au cours d’une journée de travail ordinaire auprès des demandeurs d'asile.

Pourquoi avoir décidé de vous spécialiser dans le droit d'asile ?

Il m'intéresse plus particulièrement car j'aime vulgariser l'information et rendre les individus acteurs de leurs droits. Très tôt je me suis dirigée vers le droit international. En licence, j'ai travaillé à Toulouse comme bénévole pour Amnesty International où j'ai suivi des demandeurs d'asile et rédigé quelques récits. Les parcours de vie, le contact humain et l'aspect géopolitique m'ont plu et c'est là que j'ai décidé de me lancer dans cette voie. Après mon master en Droits de l'homme, j'ai travaillé au 115 géré par le SAMU social de Paris qui régule le dispositif d’hébergement d’urgence parisien, évalue, informe et oriente les personnes sans-abri. Je voulais m'ouvrir à ces problématiques pour mieux revenir à ma profession car les étrangers en demande d'asile sont souvent en situation de précarité sociale et médicale.

Quel est l'intérêt d'un partenariat FTDA-Emmaüs ?

Beaucoup d'associations proposent du conseil juridique mais avec seulement une ou deux permanences par semaine. Le partenariat mis en place au Kiosque est inédit car il mêle expertise juridique et assistance sociale. Or la situation administrative des usagers conditionne bien souvent l'ouverture de leurs droits au niveau social : hébergement, accès aux soins, cours de français…

La structure est très récente et tout reste à construire. Chacun des membres de l'équipe est acteur et observateur de l'évolution des pratiques administratives et jurisprudentielles. Avant la création du Kiosque, les demandeurs d'asile en procédure « Dublin », et en particulier les Afghans, étaient noyés dans la masse. Grâce au centre, les irrégularités commises dans l'application de la procédure sont dénoncées, notamment par du contentieux, devant les tribunaux. Aujourd'hui la préfecture a évolué dans sa pratique, elle fait plus attention. La difficulté pour nous est de ne pas pouvoir contester la loi en elle-même.

Dans quelle mesure le règlement « Dublin II » qui renvoie les demandeurs d’asile dans le pays membre responsable de leur demande d'asile leur est-il défavorable ?

Au départ, ce texte a été créé pour empêcher les migrants de choisir le pays dans lequel ils demandent l'asile et éviter qu’ils déposent plusieurs demandes au sein de l’espace Schengen. Le problème est que les rédacteurs sont partis du principe que le droit d'asile était traité également partout. En réalité, le taux de reconnaissance du statut de réfugié et le respect des droits sociaux ne sont pas les mêmes dans tous les pays. En Grèce, les rares personnes enregistrées en tant que demandeurs d'asile n'accèdent jamais au statut de réfugié, aucun droit social ne leur est ouvert, les migrants sont expulsés illégalement et subissent des violences policières.

 

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d'étudiant ? Ou le pire ?

Mon pire souvenir d’étudiante se situe en première ou deuxième année de faculté de droit. Des manifestations étudiantes avaient lieu et des étudiants d’autres facultés (la faculté de droit était excentrée) étaient venus présenter leurs revendications dans l’amphithéâtre, où nous attendions notre professeur.

Ils se sont fait siffler et huer par la grande majorité des étudiants. J’ai eu honte, car je me retrouvais entourée de personnes qui ne partageaient pas mes idées et mes idéaux. Mais le pire je crois, était que de jeunes adultes en âge de voter soient capables de siffler d’autres adultes venus leur présenter leur projet sans même prendre le temps de les écouter, bafouant leur liberté d’expression.

Mes meilleurs souvenirs d’étudiante, je les ai connus en dehors du cadre de la faculté, en tant que militante au sein de l’Antenne Jeunes d’Amnesty International et en tant que bénévole au sein du service réfugiés de cette ONG, puis auprès d’une avocate du Centre d’action sociale protestant (CASP) ; et également grâce aux quelques merveilleuses rencontres que j’ai pu faire durant cette période.

Quel est votre héros de fiction préféré ? Pourquoi ?

Je ne vois spontanément aucun personnage de fiction qui pourrait représenter mon héros préféré. Mais j’ai en tête des personnes bien réelles qui représentent des héros, chacun à leur échelle, par leur courage et leur engagement. Ces personnes qui en France ou à l’étranger s’élèvent, à leur niveau, pour soutenir leurs idéaux sont pour moi des héros et des exemples à suivre. Je crois que nous ne pouvons jamais être sûrs que dans une situation de crise donnée, face à un choix qui nous engage (en terme de survie, de liberté ou ne serait-ce qu’en terme de carrière), nous serions prêts à faire le bon choix, de suivre notre idéal jusqu’au bout. Je rencontre au quotidien des personnes qui ont su faire ce genre de choix difficiles dans leur pays, souvent au risque de leur vie ou de leur liberté et qui aujourd’hui se battent pour survivre en France.

Les autorités ont bien souvent tendance à les désigner comme des indésirables, alors qu’ils sont pour moi des héros avec leurs faiblesses, leurs limites : tout ce qui fait leur humanité.

Quel est votre droit de l'homme préféré ? Pourquoi ?

Je suppose le droit d’asile puisque c’est celui que j’ai choisi de défendre au quotidien. « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ».

Les gouvernements successifs cherchent à désigner le droit d’asile comme « une immigration subie », tachant de nous faire oublier par là ce droit fondamental reconnu tant par le droit constitutionnel français, que par le droit européen et international. Les raisons qui poussent ces demandeurs d’asile à fuir leur pays peuvent être multiples mais ne doivent pas nous faire oublier que tant qu’il y aura des guerres, des dictatures, tant que les droits de l’homme ne seront pas appliqués dans leur pays, ces personnes n’auront d’autres choix que de venir demander une protection dans d’autres pays.

En tant qu’Européen, on n’accepterait pas qu’un pays nous refuse l’entrée sur son territoire et pourtant nous dressons des forteresses pour empêcher ces victimes de persécutions d’entrer sur notre territoire et d’y déposer une demande légitime. Pourtant la reconnaissance et la protection de nombreux droits fondamentaux découlent du respect du droit d’asile. Son respect devrait faire la fierté de notre société et non sonner comme une promesse vaine.

Carte d'identité du juriste au sein d’association

Le métier de juriste recouvre un champ très large d'activités : salarié d'entreprise ou d'association, juriste consultant, spécialité sociale, immobilière ou de droit des affaires… Mélina Micouleau a choisi la forme associative pour défendre le droit d'asile de jeunes migrants en France.

■ Les chiffres

– 1,8 millions de salariés dans les 155 000 associations employeurs en France en 2006 selon le Conseil national de la vie associative (CNVA) ;

– 52 762 demandes d'asile déposées en France en 2010 selon les chiffres de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), soit 48 512 avis rendus, et 10 340 obtentions de statut de réfugié.

■ La formation et les conditions d'accès

L'article 26 de la loi n°90-1259 du 31 décembre 1990 pose quelques conditions à l'exercice de la profession. Il exige notamment l'obtention d'un diplôme de Licence de droit. Mais aujourd'hui, les futurs juristes poursuivent le plus souvent leurs études jusqu'au Master afin de se spécialiser dans l'un des nombreux domaines dans lequel ils souhaitent exercer.

■ Les domaines d'intervention

Le juriste au sein d’une association doit être pluridisciplinaire et est amené à jongler avec le droit social, droit international, droit de la famille, droit bancaire et financier, droit des affaires, droit immobilier, droit européen, etc.

■ Le salaire

Il est très variable selon l'activité et le lieu d'exercice. Pour les débutants, il avoisine les 1 900 euros bruts mensuels pour un juriste d'association (les 2 200 euros bruts pour un juriste d'entreprise).

■ Les qualités requises

Capacité d’écoute, d'analyse, de conseil, diligence, discernement, discrétion, probité, loyauté, technicité, connaissances approfondies et actualisées, capacité de recherche, rigueur et patience.

■ Les règles professionnelles

Secret professionnel, confidentialité, bonne foi, éthique professionnelle et respect de la loi.

■ Les sites

Association France Terre d'Asile : www.france-terre-asile.org.

Conseil national de la vie associative (CNVA) : www.associations.gouv.fr/112-le-conseil-national-de-la-vie

Fédération des juristes de France (FEDJF) : www.juristesdefrance.tv

 

Références

■ Asile politique

« Statut accordé à un étranger persécuté dans son État national lui permettant de séjourner dans un pays d’accueil. Les conditions d’octroi et les droits attachés à ce statut relèvent de la législation du pays d’accueil. »

Schengen (Accords de -)

« Accords qui suppriment les contrôles de personnes à l’intérieur des États membres. Un premier accord signé le 14 juin 1985 à Schengen (Luxembourg) liait le Benelux, l’Allemagne et la France. Il a été complété par une convention d’application signée le 19 juin 1990. Sont aujourd’hui concernés tous les États appartenant à l’Union européenne (sauf Chypre à cause du problème de partition de l’Île, la Bulgarie et la Roumanie entrés dans l’Union seulement le 1er janv. 2007, l’Irlande comme le Royaume-Uni qui n’ont pas voulu adhérer) plus l’Islande, la Norvège et la Suisse. Le transfert des contrôles aux frontières extérieures a entraîné l’adoption de règles communes sur les visas, l’asile et les modalités mêmes du contrôle aux frontières. »

Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Sur le règlement (CE) no343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, dit « règlement Dubin II » : http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/free_movement_of_persons_asylum_immigration/l33153_fr.htm

 

 

Auteur :A. C.


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