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[ 18 janvier 2024 ] Imprimer

Justice et paix mondiale

Il y a mille raisons pour lesquelles des personnes de 17 ans choisissent de faire des études de droit. Pour beaucoup d’entre elles, le moteur principal est sans doute la recherche de la paix dans un monde en débats, voire en conflits. Plus tard, en troisième année, puis en master, certaines choisiront le droit international public ou le droit pénal international pour répondre à cette quête passionnante. À elles bien sûr, encore étudiantes mais aussi à celles aujourd’hui devenues des professionnelles du droit et d’ailleurs, je recommande la lecture du dernier opus de la collection « Tiré à part », intitulé La justice pénale internationale au service de la paix mondiale, dans lequel Muriel Ubéda-Saillard, professeure agrégée de droit public à l’Université de Lille, commente un texte du juriste et diplomate roumain, Vespasien V. Pella, membre éminent du mouvement doctrinal des Précurseurs qui militaient, dès l’entre-deux-guerres, pour la création d’une juridiction pénale internationale. (Vous pouvez aussi écouter ce podcast)

Quel est le contexte de l’article publié en 1947 par la Revue générale de droit international public ?

L’article commenté paraît un an après le second ouvrage-phare de Vespasien V. Pella, intitulé La guerre-crime et les criminels de guerre. Réflexions sur la justice pénale internationale, ce qu’elle est et ce qu’elle devrait être. Il en résume les principaux arguments et s’inscrit dans la réflexion entamée dès les années 1920 par ce brillant professeur de droit pénal et diplomate roumain sur la manière dont le droit pénal pourrait participer à la fabrique de la paix entre États, au même titre qu’il garantit l’ordre public au sein de chaque pays. 

La période de l’immédiat après-guerre conforte Pella dans le bien-fondé de ses analyses. Les Alliés ont en effet créé les Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo, afin de juger les principaux responsables des puissances de l’Axe, et l’internationalisation du droit pénal est en marche, comme Pella le pressentait dès 1924 en soutenant la création de l’Association internationale de droit pénal. La Charte des Nations Unies, entrée en vigueur en 1945, consacre au demeurant, dans son article 2§4, l’interdiction du recours à la force en tant que principe cardinal et clé de voûte du système de sécurité collective. 

Que promeut alors son auteur Vespasien V. Pella ?

Il y a chez Pella un positionnement avant-gardiste et une pensée visionnaire parfaitement assumés, qui le conduisent à sortir du carcan qu’il juge trop étroit et décevant de la lex lata — le droit positif — pour imaginer comment, dans une analyse prospective - de lege ferenda, la fonction pacificatrice du droit pénal pourrait être mise au service d’une meilleure effectivité du droit international et du maintien de la paix mondiale. 

Il imagine ainsi ce que pourrait être la nouvelle branche du droit international qu’il nomme « droit pénal international » et comment elle serait mise en œuvre par une juridiction pénale internationale pour sanctionner les exactions commises par les États et leurs dirigeants, et les dissuader de persévérer à l’avenir dans leurs comportements criminels.

Pourquoi commenter cet article aujourd’hui ?

La Cour pénale internationale — qui est la première juridiction pénale internationale permanente à vocation universelle — exerce sa compétence depuis plus de vingt ans, et elle essuie de nombreuses contestations de la part des États, parties ou non à son Statut. Sa création n’a pas eu, pour l’instant du moins, l’effet dissuasif escompté sur la commission des crimes les plus graves, notamment pendant les conflits armés. Finalement, la mobilisation du droit pénal pour inscrire l’éthique au cœur des relations internationales montre ses limites et il m’a semblé utile de chercher à en comprendre les causes, en analysant la littérature originelle en faveur d’une transposition du droit pénal dans l’ordre international. J’ai choisi un texte de Pella, car son œuvre pour la justice pénale internationale a été quelque peu négligée, selon moi. 

Quelle espérance pour un monde en paix y puisez-vous ?

En s’engageant dans la voie de la justice pénale internationale, la communauté internationale tente de s’élever au-delà de la répétition historique et de créer les conditions d’une paix durable, car il n’y a pas de paix sans justice, ni sans une politique nationale responsable et résolue, entièrement dédiée à la réconciliation de la société dévastée par les crimes. C’est un immense défi que d’amener anciens bourreaux et victimes non seulement à coexister, mais aussi à reconstruire ensemble une communauté nationale tournée vers l’avenir, et la justice contribue à le relever, car elle permet de réaffirmer les interdits fondateurs et, plus largement, de rétablir les valeurs dans le bon ordre.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

J’ai eu la chance de suivre les cours de plusieurs professeurs qui étaient non seulement érudits, mais aussi charismatiques. Je me souviens notamment de cours passionnants d’histoire du droit pendant lesquels nous étions transportés au cœur de la guerre des Gaules et des batailles des légionnaires romains !

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Un héros de fiction, mais largement autobiographique : le narrateur de La promesse de l’aube, le grand roman de Romain Gary. Pour l’héroïne, je dirais que la nature rebelle d’Elisabeth Bennet, dans Orgueil et préjugés, de Jane Austen, m’a beaucoup inspirée pendant l’adolescence — et sans doute aujourd’hui encore !

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

C’est difficile de choisir (et d’ailleurs, les droits de l’homme sont indivisibles). Mais je crois qu’aujourd’hui le droit à l’éducation des filles comme des garçons — cela devrait aller sans dire — est fondamental pour apprendre à penser par soi-même, à percevoir la complexité du monde et à exercer le cas échéant son esprit critique. 

 

Auteur :MBC


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