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La Charte sociale européenne et le travail des détenus
En mars 2023, faisant suite à des observations déposées par l’Observatoire international des prisons sur le 21e rapport national soumis par la France, le Comité européen des droits sociaux a conclu à la non-conformité de la rémunération du travail des détenus dans les prisons françaises avec les dispositions de la Charte sociale européenne garantissant une rémunération équitable. Dalloz actu étudiant se tourne vers Bérénice Bauduin, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, pour saisir tout l’intérêt de ces conclusions.
Qu’est-ce que la Charte sociale européenne ?
Parmi les textes dont le Conseil de l’Europe a permis l’avènement, c’est sans doute la fameuse Convention européenne des droits de l’homme que les étudiants connaissent le mieux. Pourtant, la Charte sociale européenne possède une importance réelle. Signée à Turin le 18 octobre 1961 et révisée à Strasbourg, le 3 mai 1996, elle consacre des droits économiques et sociaux de premier plan tels que le droit au travail (art. 1), le droit à des conditions de travail équitable (art. 2), le droit à la sécurité et à l’hygiène dans le travail (art. 3), le droit à une rémunération équitable (art. 4), le droit syndical (art. 5) ou encore le droit de négociation collective (art. 6). Il s’agit d’une vraie convention internationale qui crée des obligations à la charge des États l’ayant ratifiée. Pendant plusieurs décennies, cette charte a toutefois souffert d’un cruel manque d’effectivité, faute de prévoir un procédé satisfaisant de contrôle. C’est la raison pour laquelle un protocole additionnel, adopté le 9 novembre 1995, a mis en place un système de réclamations collectives dont l’examen est confié au Comité européen des droits sociaux.
Qu’est-ce que le Comité européen des droits sociaux ?
Le Comité européen des droits sociaux (CEDS) est composé d'experts indépendants (professeurs de droit, avocats, magistrats de diverses nationalités) qui examinent le respect de la Charte en vertu de deux procédures distinctes : celle des rapports nationaux et celle des réclamations collectives. Dans le cadre du système des rapports nationaux, le CEDS étudie les rapports présentés par les États parties et rédige des conclusions faisant apparaître les éventuelles défaillances de ces derniers. Lorsqu’il est saisi de réclamations collectives (introduites par les ONG ou les partenaires sociaux), il statue sur celles-ci par une décision et peut conclure, le cas échéant, à l'existence de violations de la Charte par l'État mis en cause. Le CEDS n'est pas, formellement, une juridiction et ses conclusions et décisions ne sont pas exécutoires dans les ordres juridiques nationaux même si elles constituent un signal fort.
Que faisait valoir la section française de l’observatoire international des prisons devant le CEDS ?
Faisant suite au dépôt par la France du 21e rapport sur la mise en œuvre de la Charte sociale européenne, la section française de l’OIP a formulé des observations à destination du Comité européen des droits sociaux afin d’attirer l’attention de ce dernier sur la situation des travailleurs détenus. En préambule l’OIP regrettait que, « dans son 21e rapport national, le gouvernement français n’évoque pas le travail en prison ». À cet égard, tout en reconnaissant les avancées consécutives à la création d’un nouveau cadre du travail en détention par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 (Titre III), l’OIP faisait valoir plusieurs contrariétés avec la Charte sociale européenne : Incompatibilité de l’extrême flexibilité du contrat d’emploi pénitentiaire avec l’article 2 ; incompatibilité des conditions de rémunération avec l’article 4 ; Incompatibilité de la privation des droits collectifs avec les articles 5 et 6…
Quel était l’argument de la France pour exclure le travail des détenus du champ de la Charte ?
Dans sa réponse aux observations de l’OIP, tout en mettant en avant la progression des droits des détenus consécutive à la loi du 22 décembre 2021, le ministère de la Justice soutenait que la charte n’était pas applicable au travail pénitentiaire en raison de la spécificité du contexte carcéral. Ainsi, s’agissant de la rémunération, le ministère faisait valoir que le travail pénitentiaire a « avant tout une visée d’insertion et de lutte contre la récidive pour des personnes majoritairement très éloignées de l’emploi » pour expliquer la particularité du régime auquel sont soumis les travailleurs détenus.
Que rappelle le Comité ?
Dans ses conclusions dévoilées en mars 2023, le CEDS considère tout d’abord, que la Charte sociale européenne garantit une rémunération équitable à tous les travailleurs, y compris aux travailleurs détenus. Ce faisant, il confirme l’applicabilité de cette charte au travail effectué en milieu carcéral. Il estime ensuite que les États parties doivent prendre des mesures pour contrôler si les détenus sont rémunérés sur la base du temps de travail effectif et si le salaire horaire établi pour les prisons est respecté. Or, le CEDS note qu’en France la rémunération horaire des détenus est bien inférieure au niveau établi, principalement en raison de la pratique de la rémunération à la pièce. Il en déduit une contrariété avec le droit à une rémunération équitable garanti à l’article 4 de la Charte sociale européenne. C’est donc le non-respect du niveau de rémunération applicable aux travailleurs détenus qui est ici épinglé et non le fait que ce niveau soit inférieur au SMIC.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Le cours de droit constitutionnel que j’ai suivi quand j’étais en première année de licence. J’étais fascinée par ce professeur arrivant en amphithéâtre avec pour seul support son plan sur une feuille de papier et qui était capable de nous tenir en haleine le samedi matin.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
En tant que grande lectrice de romans et amatrice de séries TV, le choix est délicat. S’agissant de l’héroïne, je dirais Brienne de Torth, (de la série Game of thrones ou de la saga A Song of Ice and Fire pour les puristes) en raison de sa droiture et de son côté non-conventionnel. Quant au héros, j’apprécie particulièrement Sherlock Holmes (avec une prédilection pour son incarnation par Benedict Cumberbatch) pour sa brillante étrangeté et son intelligence décalée.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La liberté d’aller et venir, dont nous avons tous pu mesurer l’importance quand nous en avons été collectivement privés pour soulager les hôpitaux confrontés à l’émergence du SARS-CoV-2.
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