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La clinique juridique de la faculté de droit de l’Université Paris Descartes
Le professeur Nicolas Mathey, responsable de la clinique juridique de la faculté de droit de l’Université Paris Descartes à Malakoff, répond à nos questions sur une nouvelle approche de l’enseignement du droit.
Pourquoi une clinique juridique ?
La création de la clinique juridique répond principalement à un besoin de renouvellement de la pédagogie : c’est avant tout un projet pédagogique innovant destiné à compléter la formation de nos étudiants. Au-delà de la technique juridique, qui est la base de l’enseignement traditionnel en France, l’enseignement clinique permet aux étudiants de rencontrer des personnes qui sont confrontées à une difficulté d’ordre juridique afin de leur fournir une information précise et utile pour surmonter cette difficulté. J’entends souvent dire que l’enseignement à l’Université est trop théorique ; en réalité, il est surtout très technique. La clinique juridique permet tout à la fois de confronter les étudiants à la complexité des faits du monde réel et de percevoir les forces sociales en œuvre dans ce qu’on appelle la vraie vie. Il ne s’agit pas seulement, ni même principalement, d’appliquer des règles de droit à des cas réels mais aussi de découvrir l’importance des faits et des enjeux concrets qui se cachent derrière la technique. Cette approche permet souvent d’allier pratique et théorie en dépassant la pure technique juridique, toujours nécessaire mais parfois un peu aride.
L’enseignement clinique du droit répond également à un objectif social. En fournissant une information juridique circonstanciée aux personnes qui viennent à la clinique, les étudiants contribuent à l’accès au droit. Ils prennent conscience du rôle social du juriste et découvrent qu’ils peuvent déjà rendre service à la communauté !
Comment fonctionne-t-elle ?
Il faut tout d’abord rappeler que la clinique juridique de la Faculté de droit de l’Université Paris Descartes fonctionne sur le mode de la saisine directe comme quelques autres cliniques françaises mais à la différence de la majorité d’entre elles. Cela signifie que les personnes, particuliers ou entrepreneurs, qui rencontrent une difficulté d’ordre juridique nous soumettent directement leurs questions.
Concrètement, les personnes prennent rendez-vous, par téléphone ou courriel, auprès de la clinique et sont reçues par un binôme d’étudiants (de L3 au M2, voire doctorat) supervisé par un avocat (ou un notaire pour certains rendez-vous portant sur le droit patrimonial) en lien avec des enseignants de la faculté. Le premier rendez-vous dure environ une demi-heure et permet d’écouter la personne exposer sa situation et de lui poser les questions nécessaires à une bonne compréhension de la difficulté juridique. Les étudiants ont alors une semaine pour élaborer, en lien avec l’avocat ou le notaire superviseur, un projet de réponse destiné à informer la personne qu’ils ont reçue lors du second rendez-vous.
Pour mener à bien ces rendez-vous et pour en tirer ensuite des leçons pertinentes pour la formation de nos étudiants, ces derniers suivent des formations d’initiation (recherche documentaire, gestion d’entretien, mise en situation, écriture juridique) et des conférences d’enseignement clinique (atelier pratique, retour d’expérience, réflexion critique). Depuis le début de l’année 2016, nous mettons en place progressivement des activités complémentaires telles que la rédaction de fiches d’information. C’est donc une formation diversifiée à la fois professionnalisante et critique qui est ainsi mise en place.
Quelles sont les disciplines traitées ?
La clinique de Paris Descartes est une clinique généraliste. Nous recevons des particuliers ou des entrepreneurs qui rencontrent des difficultés dans tous les domaines du droit : droit de la famille, droit patrimonial, droit de la santé, droit locatif, droit bancaire… Une partie importante relève du droit privé mais il n’est pas rare que le droit public ait une influence sur la situation de la personne. Nous conserverons sans doute cette démarche mais nous organiserons certainement des rendez-vous spécialisés notamment en droit de la santé en lien avec le centre de santé universitaire de la rue des Saints Pères et en droit patrimonial avec le concours du notariat.
Quelles sont les frontières entre les réponses apportées par les étudiants au sein de l’atelier et la consultation juridique professionnelle ?
La consultation juridique professionnelle est le monopole des professions réglementées et notamment de la profession d’avocat. Malgré le partenariat que nous avons noué avec le Barreau des Hauts-de-Seine et avec le notariat, et la présence d’un professionnel du droit lors des rendez-vous au sein de la clinique, nous ne proposons bien évidemment pas un service de conseil juridique. D’abord, l’atelier de clinique juridique a avant tout une finalité pédagogique ce qui est clairement annoncé notamment aux personnes que les étudiants rencontrent. Leur activité est supervisée par des avocats ou des notaires ainsi que par des enseignants de la faculté de droit. Aucune rémunération directe ou indirecte ne peut être perçue à cette occasion. Ensuite, et surtout, les étudiants ne délivrent pas de conseils mais une information juridique circonstanciée : ils fournissent une analyse juridique de la difficulté rencontrée par la personne afin que celle-ci comprenne mieux sa situation et prenne ses propres décisions en connaissance de cause. En aucun cas, les étudiants n’orientent ce choix. Aucun document écrit n’est remis, l’information étant délivrée de manière exclusivement orale : il s’agit essentiellement de permettre à la personne de mieux comprendre sa situation au regard du droit, l’environnement juridique qui est le sien. Cela pourrait paraître frustrant mais en réalité cela constitue également un facteur important d’autonomie : à la différence d’une approche prescriptive ou paternaliste, cette façon de faire, non seulement respecte le monopole des professions réglementées mais elle permet à la personne de mieux prendre en charge, de mieux se réapproprier, sa situation personnelle. Enfin, si l’information délivrée permet d’envisager des voies amiables et négociées, il est assez fréquent que, à l’issue du second rendez-vous, les étudiants orientent la personne vers un professionnel du droit (avocat ou notaire en particulier). Nous n’intervenons donc pas dans le domaine de la consultation juridique professionnelle : nous sommes complémentaires et permettons, dans le cadre d’un projet pédagogique innovant, d’améliorer l’accès au droit de personnes qui seraient sans doute restées au seuil du monde juridique. Il s’agit d’un projet pédagogique au service de l’accès au droit.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
J’ai beaucoup aimé mes années d’étude juridique. Je n’ai quasiment que des bons souvenirs ! Pour ne pas parler de mes notes de l’époque, je dirai que j’ai aimé surprendre certains de mes enseignants : une ou deux fois j’ai assez bien réussi mon coup et cela reste des souvenirs marquants !
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Après une petite hésitation, je dirai Batman ! J’aime beaucoup ce superhéros sans superpouvoir qui dépasse sa peur pour se mettre au service de sa cité.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Sans hésitation cette fois, je dirai la liberté de conscience. Comme le dit le philosophe Spaeman, ou comme l’a montré Orwell, prétendre contraindre une personne à faire, voire à penser, autre chose que ce que sa conscience lui dicte est un acte profondément inhumain.
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