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La codification
Nous savons que d'importantes réformes sur le fond du droit sont en cours (réformes pénale, des collectivités territoriales ou des obligations). Mais qu’en est-il sur la forme du droit ? Dalloz Actu Étudiant a souhaité interroger Mattias Guyomar. Conseiller d'État et professeur associé à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), coauteur d'un manuel de Contentieux administratif, il est également le rapporteur général de la Commission supérieure de codification, créée par le décret du 10 mai 1948. Spécialiste en « codistique », il nous dévoile l’important travail de légistique réalisé, dans le cadre de l’élaboration du futur code relatif aux relations entre le public et les administrations. Il nous éclaire aussi sur l’objectif poursuivi par les juridictions administratives dans leur choix d’adopter de nouveaux modes de rédaction des décisions.
Quels sont les enjeux de la codification aujourd'hui ?
Depuis la relance du processus en 1989, la codification a contribué au respect de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité du droit. Le recueil organisé de l’ensemble des règles propres à une matière permet de mieux connaître et comprendre le droit applicable et donc de le respecter plus pleinement.
C’est un exercice utile tant pour les producteurs de normes qui rationalisent ainsi l’ordonnancement juridique à la manière d’un « jardin à la française » que pour les usagers du droit qui en saisissent de la sorte plus facilement à la fois l’économie générale et les différentes implications.
Après celle des grands codes tels le Code général des collectivités territoriales ou encore le Code général de la propriété des personnes publiques, l’heure est aujourd'hui aux codes au périmètre plus restreint. De tels codes de dimension modeste, tel le Code du cinéma et de l’image animée, sont centrés sur un corpus homogène composé des seuls textes véritablement pertinents au regard de la matière codifiée. Dans tous les cas, la Commission supérieure de codification, placée auprès du Premier ministre et dont le vice-président est Daniel Labetoulle, intervient aux côtés du ministère porteur afin de lui apporter son expertise en maître de « codistique ».
Quels sont les codes en cours ?
En 2013, ont été publiées certaines parties réglementaires du Code des transports, du Code de l'éducation et du Code de sécurité intérieure.
Dans le cadre du travail mené depuis la publication de la partie législative du Code des transports, la Commission a poursuivi l'examen de la partie réglementaire de ce code (livres III et VII de la Ve partie). A également été examinée la partie réglementaire relative à l'outre-mer du Code du patrimoine, achevant ainsi un travail de longue haleine. Deux séances plénières ont été consacrées à l'examen de la partie réglementaire du Code de sécurité intérieure. À l’exception des dispositions sur l'outre-mer relatives à la législation des armes, celui-ci est désormais achevé.
Mais l’actualité de la codification se nourrit principalement du projet de code des relations entre le public et les administrations.
L'article 3 de la loi du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens, qui a été adopté à l'unanimité des deux chambres du Parlement, a en effet mis en œuvre l'un des grands projets au programme de la circulaire du premier ministre en date du 27 mars 2013 relative au programme de codification de textes législatifs et règlementaires et de refonte de codes.
Le gouvernement est habilité, dans un délai de deux ans, à adopter, par voie d'ordonnances, la partie législative d'un code relatif aux relations entre le public et les administrations. Il faut souligner l'économie particulière de l'article d'habilitation : le champ du code y est clairement défini et distingue l'habilitation à droit constant et celle qui autorise le gouvernement à réformer le droit existant. Le parti a été retenu d'en préparer, dans le même temps, la partie réglementaire afin que l'ensemble puisse être publié d'un seul mouvement.
Ce nouveau code — qui a vocation à regrouper et organiser les règles générales relatives aux procédures administratives non contentieuses régissant les relations entre le public et les administrations de l'État et des collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes chargés d'une mission de service public — est préparé sous la responsabilité du secrétariat général du Gouvernement qui joue le rôle habituellement dévolu à la mission de codification du ministère qui pilote un projet de code.
Les spécificités du travail de légistique ainsi engagé, s'agissant en particulier de la codification des règles jurisprudentielles, expliquent que la Commission supérieure ait été associée très en amont à l'élaboration de ce code. Les responsables de la mission viennent régulièrement présenter le fruit de leur travail à la commission plénière. Il s'agit, d'une part, de tenir la Commission supérieure informée de l'état d'avancement du code et, d'autre part, de recueillir ses observations sur des choix de méthode ainsi que sur les arbitrages à rendre sur le périmètre et le plan. La méthode retenue se caractérise en outre par la mise en place d'un « cercle des experts ». Ce groupe associe des hauts fonctionnaires, des membres de la juridiction administrative et des universitaires qui sont invités à participer, au moyen d'échanges sur un forum participatif, à l'élaboration du code.
Un certain nombre des projets figurant dans l'annexe de la circulaire de 2013 ont en outre été entrepris telle la refonte du Code des pensions militaires et d’invalidité et des victimes de la guerre. Par ailleurs, l'article 5 de la loi du 12 novembre 2013 a autorisé le gouvernement à procéder par ordonnances à la modification du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dans un délai de douze mois. Le travail est engagé et sera mené à terme dans les délais.
2014 a débuté avec deux nouvelles habilitations législatives.
L'article 161 de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation autorise le gouvernement à procéder par voie d'ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois, à une nouvelle rédaction de la partie législative du Code de la consommation afin d'en aménager le plan et de l'adapter aux évolutions législatives intervenues depuis sa publication ainsi que d'y inclure des dispositions non codifiées relevant du domaine de la loi et entrant dans son champ d'application.
L'article 171 de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové autorise le gouvernement à procéder par voie d'ordonnance, dans un délai de dix-huit mois, à une nouvelle rédaction du livre Ier du Code de l'urbanisme afin d'en clarifier la rédaction et le plan.
Les chantiers ne manquent donc pas pour les années qui viennent.
Que pouvez-vous nous dire de l'expérimentation d'une nouvelle structure des arrêts du Conseil d'État ?
À la suite de rapport remis par le groupe de travail présidé par Philippe Martin, un certain nombre de modifications des modes de rédaction des décisions du Conseil d’État sont intervenues. Elles poursuivent toutes l'objectif d’une meilleure lisibilité des décisions et d’un enrichissement de la motivation.
Tout d’abord, il a été décidé de numéroter les considérants ce qui facilite la lecture des arrêts. Quatre sous-sections de la section du contentieux ont, ensuite, accepté de mener une expérimentation. À l’issue de la première phase de cette expérimentation, un consensus a été trouvé s’agissant de la rédaction des visas des décisions. Les changements affectent tant leur structure qui a été simplifiée que leur contenu. L’expérimentation se poursuit s’agissant des motifs afin d’apprécier les avantages et les inconvénients d’un passage au style dit direct qui est retenu pour la rédaction des avis contentieux.
Indépendamment de ces expériences qui vont prochainement être également menées dans certains tribunaux et cours, il faut souligner l'effort constant qui est porté sur le degré d’explications fournies par les décisions. L’audibilité du juge implique toujours plus de pédagogie de sa part.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d'étudiant ? Ou le pire ?
Les deux meilleurs sont mes cours de français en 4e et 3e avec une professeur absolument fabuleuse et le séminaire de Pierre Rosanvallon que j’ai suivi en auditeur libre à l’école pratique.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Bouvard, Pécuchet et Goldorak.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
La dignité.
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