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La contestation de l’enfermement des enfants étrangers
Le 19 janvier 2012, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir, en 2007, maintenu pendant quinze jours deux très jeunes enfants et leurs parents dans un centre de rétention administrative. Jean-François Martini travaille au Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés/ici lien au site), une association indépendante qui, à partir de sa connaissance du droit des étrangers et de son expérience des pratiques juridiques défend les étrangers et participe au débat d’idées sur les politiques migratoires. Il répond à nos questions sur l'enfermement des mineurs étrangers et sur la condamnation de la France.
Pourquoi des enfants étrangers sont-ils enfermés en France ?
À leur arrivée à une frontière par voie aérienne, maritime ou ferroviaire, les enfants accompagnés de leurs parents ou voyageant seuls peuvent faire l'objet d'un refus d'entrée et être placés dans une zone d'attente. Il y a entre 500 et 1 000 mineurs isolés enfermés chaque année dans ces zones. On ne connaît pas le nombre de ceux qui accompagnent un membre de famille. Il y a aussi les enfants maintenus avec leurs parents dans les centres de rétention administrative parce que ces derniers sont considérés comme étant en situation irrégulière. Ils ont été 356 dans ce cas en 2010. C'est sur leur situation que la CEDH a été amenée à se prononcer.
En concluant à la violation des articles 3, 5 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la CEDH pose-t-elle une interdiction absolue de détenir des enfants en rétention administrative ?
Non, malheureusement. Mais la Cour pose un tel nombre d'exigences que l'on peut espérer que les pouvoirs publics finissent par y renoncer, au moins par pragmatisme à défaut de le faire par humanisme. Car pour continuer à recourir à l'enfermement des mineurs étrangers, la France devrait modifier sa législation de façon assez radicale. Jusqu'à présent les enfants étaient considérés comme accompagnant leurs parents sans faire eux-mêmes l'objet d’une mesure de rétention. La Cour considère qu'il s'agit là d'un « vide juridique ». Elle estime nécessaire qu'une décision de placement en rétention leur soit individuellement notifiée pour qu'ils — ou plus exactement leurs parents en leur nom — puissent la contester devant le juge des libertés et de la détention et les tribunaux administratifs. Par ailleurs, l'administration devrait systématiquement rechercher une alternative à l'enfermement. Si elle choisi cette dernière option, elle sera contrainte de motiver sa décision, notamment au regard des risques de fuite. Enfin, cette décision obligerait à réaménager tous les centres susceptibles de recevoir des familles.
Pourquoi la CEDH considère qu’il y a une atteinte à la vie familiale dans l’arrêt Popov ?
C'est une des innovations de cette décision. Jusqu'à présent la Cour considérait que si la famille n'était pas séparée, il n'y avait pas de violation de l'article 8 de la Convention. Cette fois-ci, elle a estimé que le placement en rétention constituait une ingérence disproportionnée dans la vie familiale des intéressés, compte tenu d'une part de l'importance de la durée de rétention (15 jours) et de l'absence de risque particulier de fuite d’autre part. La Cour se réfère en particulier aux récents développements jurisprudentiels concernant « l'intérêt de l'enfant » pour motiver sa décision.
Quelles peuvent être, selon vous, les conséquences concrètes de l’arrêt de la CEDH du 19 janvier 2011 ?
Dans l’immédiat, les pouvoirs publics ne semblent pas avoir renoncé à placer en rétention des familles. La juridiction administrative a d'ores et déjà prononcé des décisions d'annulation en se référant à cet arrêt. C'est pourquoi il faut continuer à exiger, comme le font le Réseau éducation sans frontières et les organisations membres de l'Observatoire de l'enfermement des étrangers, qu'on en finisse avec l'enfermement des enfants étrangers, y compris en zone d'attente. On peut toutefois craindre qu’à terme l'administration ait recours, comme la loi le lui permet désormais, à des mesures d'assignation à résidence avec bracelet électronique pour les parents, ce qui constitue encore une forme de privation de liberté et n'atténue en rien la violence des interpellations et des renvois forcés de familles entières.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
Il n'y a pas un souvenir en particulier qui se détache des autres. Je garde de cette période le souvenir d'une grande liberté, entrecoupée de quelques moments d'angoisse liés aux examens. Bref, rien de très original.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Je suis incapable de citer spontanément le héros de fiction que je préfère. J'en déduis que je n'en ai pas !
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
L'égalité, c'est ce qui me semble manquer le plus cruellement dans notre système social.
Références
■ http://www.gisti.org/index.php
■ http://www.educationsansfrontieres.org/
■ http://observatoireenfermement.blogspot.com/
■ CEDH 19 janv. 2012, Popov c. France, n°39472/07 et 39474/07, Dalloz actualité 30 janv. 2012.
■ Convention européenne des droits de l’homme
Article 3- Interdiction de la torture
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
Article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
a) s’il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ;
b) s’il a fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi ;
c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;
d) s’il s’agit de la détention régulière d’un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l’autorité compétente ;
e) s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ;
f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.
2) Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle.
3) Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l’intéressé à l’audience.
4) Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
5) Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. »
Article 8 - Droit au respect de la vie privée et familiale
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
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