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©Roland Bourguet pour AMF
La fusion de communes
Alors que le nombre de communes françaises représente 30,16 % du nombre total de communes de l’Union européenne, un panorama des communes nouvelles sur le territoire français vient d’être mis en ligne en mars 2017 sur le site de l’Association des maires de France. Vincent Aubelle, professeur associé à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, auteur de cet ouvrage qui dresse un état des lieux d’une transformation territoriale attendue, répond à nos questions.
Qu’est ce qu’une commune nouvelle ?
Introduite dans la législation en 2010, la commune nouvelle se fonde sur une organisation qui remonte à 1795, lorsque la constitution de l’an III a opéré une dissociation des communes et des municipalités. Ce furent les municipalités de canton : tout en maintenant chacune des communes, l’établissement de la municipalité ne pouvait intervenir qu’à partir d’un seuil de 5 000 habitants. Cette construction inspira l’organisation retenue en 1982 pour Paris, Lyon et Marseille. Le schéma de la commune nouvelle épouse ce cadre : sauf choix contraire des élus, certains des éléments essentiels des communes fondatrices sont maintenus (le numéro Insee, les limites territoriales, le nom, la mairie, des élus). La commune nouvelle, qui dispose de la clause générale de compétences, peut déléguer à celles-ci certaines parties de compétences. Deux domaines sont concernés : les parties de compétences pour lesquelles une réactivité importante est attendue ; ou bien encore celles qui correspondent au maintien du lien social (tissu associatif, fêtes).
Quel a été le rôle de l’accompagnement financier dans l’amplification des communes nouvelles ?
Contrairement à une idée développée, la création des communes nouvelles ne saurait être confondue avec les encouragements financiers qui ont été proposés jusqu’au 1er janvier 2017. D’une part, parce que plusieurs des communes nouvelles créées ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier de ces avantages. D’autre part, parce que les projets de création de communes nouvelles en 2017 ne s’arrêtent pas, bien au contraire. Sans nier son importance, l’accompagnement financier a joué pour l’essentiel le rôle d’un catalyseur.
Alors, quelles sont les causes de cette amplification ?
L’amplification résulte de plusieurs facteurs, sans qu’il n’existe de hiérarchie. Nous pouvons en distinguer quatre.
La création de la commune nouvelle est la consécration juridique d’un état de fait au niveau des populations qui résulte de l’intrication des habitudes de vie. Ceci explique bon nombre des communes nouvelles composées d’un nombre réduit de communes : en 2015 et 2016, 55 % des communes nouvelles comprennent deux communes, 83 % d’entre elles comprennent au maximum quatre communes fondatrices.
Symétrique du point précédent, la commune nouvelle est aussi l’aboutissement de la coopération intercommunale à fiscalité propre. Les transferts de charges, la répartition du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), ou bien encore les schémas de mutualisation sont des équations impossibles à résoudre dès lors qu’il existe plus de paramètres que d’équations. Il faudrait aussi inclure dans ce raisonnement le coût de cette complexité, en intégrant le recours à des prestataires extérieurs, la valorisation des heures de travail des fonctionnaires et des élus. Créer une commune nouvelle sur la totalité du périmètre intercommunal permet de dépasser ces difficultés : en 2015 et 2016, 26 communes nouvelles se sont engagées dans cette voie.
Le troisième facteur relève d’une interrogation sur le devenir de la commune au sein du modèle intégratif de l’intercommunalité développé depuis 2010, et plus encore, 2014. L’extension des transferts de compétences obligatoires, la reconnaissance de l’intérêt communautaire au seul niveau intercommunal ou bien encore les assemblées intercommunales devenues pléthoriques qui interdisent de facto une délibération, constituent autant de sujets d’interrogations sur le devenir de la commune.
Enfin, dernier facteur, le gouvernement par les nombres. Il faut bien mesurer la tension qui résulte entre l’affirmation réitérée de l’importance de la commune et l’étranglement financier, qui, de fait, conduit à effriter sans cesse cette fondation de la décentralisation.
Et, sous forme conclusive, et c’est peut-être l’essentiel : les dispositions relatives à la commune nouvelle sont les premières qui permettent de dépasser le droit unitaire qui, dans sa vision hétéronome d’embrasser la totalité du réel, est devenu un droit des exceptions. Les variations sur les seuils de population des communautés d’agglomération, de la communauté urbaine ou bien encore les conditions d’accès pour accéder à une métropole illustrent les errements d’un droit qui balbutie sa géographie.
À l’inverse, les communes nouvelles s’inscrivent dans un cadre, ce qui satisfait au principe d’un droit unitaire, à l’intérieur duquel les élus disposent de plusieurs solutions, qui de surcroît peuvent évoluer dans le temps. L’organisation décentralisée de la République requiert de la souplesse.
Quelles propositions pour modifier davantage le territoire ?
Depuis l’échec du référendum tenu en 1969, l’organisation territoriale relève d’un entre soit. Sa conception se fonde sur les structures, et… les pouvoirs qui s’y rattachent : par un curieux effet de renversement de l’histoire, c’est aux hommes et aux choses de s’adapter à l’administration. L’exemple des régions est révélateur de cette pratique. L’appariement des habitants notamment du sud de l’Oise et de l’Aisne, dont les flux de déplacements sont orientés vers la région Île-de-France, avec la région Hauts-de-France reste à démontrer. L’ensemble des réformes, qu’il s’agisse des métropoles, des régions, ou de l’intégration sans cesse étendue des compétences intercommunales, relève de cette logique : celle d’un bricolage des structures, aussi sophistiqué, mais illisible.
En matière de propositions, revenons à l’architecture, et à l’un de ses principes essentiels : la solidité des fondations ou pour le dire autrement, des communes fortes et vivantes, est essentielle. À partir de celles-ci (et sous réserve qu’elles disposent d’une certaine population), il est possible d’imaginer une intercommunalité nouvelle. Une intercommunalité, qui dans le cadre des régions aux périmètres et compétences étendus doit sortir de la logique palliative dans laquelle elle a été enfermée et revenir à une vision stratège : entre autres exemples, aménagement de l’espace, économie, transport, santé) et les compétences d’économies d’échelles.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Mon premier cours à l’université lorsque notre professeur d’économie nous expliqua ce qu’était la finalité de cet enseignement : fatiguer les concepts et les certitudes.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Le garçon de café de L’Être et le néant [Jean-Paul Sartre, 1943].
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La libre communication des pensées et des opinions.
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