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[ 5 mars 2020 ] Imprimer

La grève des avocats

Les avocats sont en grève depuis le mois de janvier 2020. Maître Corinne Bouffandeau, avocate au Barreau de Paris (Anciennement chez Clifford Chance et Gide Loyrette et Nouel), a bien voulu répondre à nos questions sur cette grève et ses raisons.

Quel est le statut juridique des avocats ?

La profession d’avocat est une profession libérale. L’avocat est un travailleur indépendant soumis à sa seule déontologie.

Quels sont les impacts, sur leur régime de retraites, de la réforme en cours ?

La réforme du régime de retraite des avocats, telle qu’elle est envisagée à l’heure actuelle, aboutirait à augmenter leurs cotisations, passant de 14 % à 28 %, et dans beaucoup de cas à diminuer leur retraite…

Le régime de retraite actuel a ses spécificités :

- il est autonome, géré par les avocats eux-mêmes ;

- il est bénéficiaire de 2 milliards, comptant actuellement un retraité pour 4 actifs ; 

- et, ce qui est peu connu, il participe à hauteur de 100 millions par an, au financement du régime général.

Un tel mouvement des avocats a-t-il déjà existé par le passé ?

La Constitution de 1958 reconnaît aux avocats le droit de grève. Les avocats ont déjà fait grève par le passé mais pas dans les mêmes proportions. Cette grève est différente par sa durée puisqu’elle entame une 7e semaine et par son étendue puisqu’elle touche les 164 barreaux et la quasi-totalité des 70 000 avocats de France et des 28 145 avocats parisiens.

Il prend en outre des formes nouvelles, les avocats jetant leur robe aux pieds de la garde des Sceaux ou, comme récemment, assurant une défense de masse en comparution immédiate c’est-à-dire que 3 ou 4 avocats se mettent ensemble pour assurer la défense du justiciable, sorte de grève perlée en quelque sorte.

Quelles seraient les conséquences sur l’accès au droit de la réforme des retraites en cours d’adoption devant le Parlement ?

La réforme, telle quelle est prévue à ce jour, a été élaborée à partir des paramètres suivants :

- Soit un avocat qui commence sa carrière à 24 ans avec un revenu moyen annuel de 40 000 euros. 

Le problème est que ces paramètres sont inexacts : selon leur bâtonnier, Me Olivier Cousi, les avocats commencent leur carrière à 29 ans en moyenne et la moitié des avocats français gagnent moins de 40 000 euros par an. Il faut donc en finir avec le mythe de l’avocat nanti.

Selon le bâtonnier, « même compensée par un abattement aléatoire de 30 % sur la CSG, les cotisations bondiraient de 40% ».

Quel serait l’impact de cette réforme si elle était adoptée telle quelle ? Les avocats qui assistent les plus démunis seront les premiers pénalisés. 

Rappelons au passage que l’aide juridictionnelle en France (500 millions d’euros) est faible par rapport à d’autres pays européens puisqu’elle est de 1,5 millions en Grande-Bretagne et de 800 millions en Allemagne. Les avocats qui assurent l’aide juridictionnelle- souvent des jeunes en début de carrière – et souvent des femmes – ne s’en sortiront pas financièrement, ce qui risque de diminuer leur nombre au détriment du justiciable. Cela rallongera également inévitablement les délais des procédures déjà anormalement longs puisque la Cour européenne des droits de l’Homme a déjà condamné la France 281 fois depuis 1959 pour non-respect de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme qui stipule que « toute personne a le droit à être entendue de façon équitable et dans un délai raisonnable ».

Espérons que la raison finisse par l’emporter.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Le grand oral du CAPA. Mon examinateur se trouve être Robert Badinter pour lequel j’avais déjà une grande admiration. Il interroge celui qui me précède sur Boris Vian. L’étudiant, qui visiblement ne l’avait pas lu, s’enlise devant un Badinter malicieux ; moi qui adorais Boris Vian… J’aurais tellement aimé être à sa place. Je médite sur l’injustice des examens…

Lorsqu’arrive mon tour, je tombe sur une question technique sur le divorce dont je me sors bien.

Puis vient une question, surprenante, de Badinter. « Pensez-vous qu’il devrait y avoir une épreuve de gymnastique au CAPA » ? Je pense que je ne peux pas me contenter d’une réponse banale genre mens sana in corpore sano… Puis l’inspiration me vient… Je réponds mais elle existe déjà !

Badinter me regarde surpris !!

À l’époque, il y avait une épreuve où l’on pouvait apporter les livres qu’on voulait qu’il était loisible de consulter pendant le temps de préparation… J’avais donc pris une valise remplie de livres que j’avais dû péniblement hisser le long des marches du Palais de Justice au risque de me démettre l’épaule.

Je lui fais remarquer que pour une faible jeune fille, c’est une vraie épreuve… Nous sourions tous les deux… Je n’ai jamais su si la bonne note que Badinter m’a accordée était pour la réponse technique sur le divorce ou pour le trait d’humour… peut-être les deux !

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Le Gavroche des Misérables de Victor Hugo (« c’est qu’il a dans l’âme une perle l’innocence, et les perles ne se dissolvent pas dans la boue ») et Marie Octobre dans le film de Duvivier où des résistants se réunissent pour démasquer le traitre…tous avaient une bonne raison de trahir…Marie Octobre démasque le coupable.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

La liberté… Parce que sans elle…

 

 

Auteur :Marina Brillé-Champaux


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