Actualité > Focus sur...

Focus sur...

photo : ©Eric Allouche

[ 9 juin 2022 ] Imprimer

La légitime défense à la française

Alors que l’autorisation du port d’armes aux États-Unis est de nouveau questionnée à la suite de la fusillade dans une école primaire du Texas, ses défenseurs arguent de la nécessité d’assurer la protection de sa famille. En France le contrat social de Rousseau interdit de se faire justice à soi-même sauf en cas de légitime défense. Alain Bauer est professeur de criminologie au Conservatoire national des arts et métiers, à New York et Shangaï. Il a notamment été membre de la Commission nationale consultative des droits de l'homme et de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ainsi que conseiller de la police de New-York. Il est coauteur avec Christophe Soullez d'un ouvrage aux Editions First (La criminologie pour les nuls, 2021) et a bien voulu répondre à nos questions sur ce thème.

Comment le contrat social de Rousseau interdit-il de se faire justice à soi-même ?

Je ne suis ni philosophe, ni moraliste, et pas vraiment Rousseauiste. Les complexités et subtilités des évolutions de la pensée de Jean-Jacques Rousseau (vrais contrats, faux contrats, réalité de l’état de nature plus ou moins idéalisée, …) nécessiteraient sans doute une thèse pour répondre à votre question qui, par ailleurs, est assez éloignée de votre sujet. Se défendre ou se faire justice ne s’équivalent pas et ne sont pas synonymes.

Quelles sont les conditions d’une riposte légitime ?

Celles définies par la loi, elle-même évolutive selon les époques et les territoires. Et la riposte légitime n’est pas non plus une légitime défense, ce concept pouvant être élargi aux relations interétatiques ou entre États et groupes rebelles ou irrédentistes commettant des actions armées parfois qualifiées de terroristes. Ainsi, la notion de riposte légitime n’est pas traitée dans le Code pénal.

Quelle est la particularité de la preuve en matière de légitime défense ?

Les articles L. 122-5 à L. 122-7 du Code pénal prévoient que : N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.

N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction.

N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace.

Des éléments probatoires sont également introduits par le code (art. L. 122-6) :

Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte :

1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;

2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.

C'est la justice qui vérifie si la riposte, utilisée pour se défendre, est un cas de légitime défense.

Pour que la légitime défense existe, cinq conditions suivantes doivent être réunies :

- L'attaque doit être injustifiée, c'est-à-dire sans motif valable ;

- La défense doit se faire pour soi ou pour une autre personne ;

- La défense doit être immédiate ;

- La défense doit être nécessaire à sa protection, c'est-à-dire que la seule solution est la riposte ;

- La défense doit être proportionnelle, c'est-à-dire égale à la gravité de l'attaque.

Il existe une condition supplémentaire sur la défense d'un bien, car elle ne doit pas avoir pour conséquence la mort d'une personne.

La légitime défense concerne toutes les parties : auteur, coauteur et complice.

C'est à celui qui invoque l'état de légitime défense d'en rapporter la preuve.

Cette notion de légitime défense existe-t-elle aux États-Unis ?

Oui, avec des degrés plus ou moins extensifs et surtout des interprétations très souples et beaucoup moins strictes qu’en France, notamment pour la défense d’un bien. Les lois « Stand You Ground » ou « Castle », adoptées par un certain nombre d’États américains, permettent d’utiliser des armes pour se défendre d’une attaque « présumée » ou d’une intrusion sans avoir à se justifier d’une menace grave, imminente et létale.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

Les dialogues parfois musclés avec Pierre Dabezies, ancien parachutiste et professeur à Paris I Panthéon Sorbonne (à Tolbiac) suivis en général de plusieurs heures de discussion au Shamrock, le bistrot du coin de la rue avec Stéphane Fouks et Manuel Valls.

Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?

Hercule Poirot et l’inspecteur Franck Columbo.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Celui des femmes.

 

Auteur :Marina Brillié-Champaux


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr