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La loi de modernisation de notre système de santé
La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a été publiée au Journal officiel, elle comporte 227 articles. Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université de Versailles – Saint-Quentin en Yvelines, coauteur du Code de la santé publique chez Dalloz, à bien voulu répondre à nos questions sur les dispositions les plus importantes.
Quels changements apportent les nouvelles actions de groupe pour les associations d'usagers du système de santé agréée (L. n° 2016-41, art. 184 ; CSP, art. L. 1143-1 s., en vigueur au 1er juill. 2016) ?
L’action de groupe en droit de la santé est la transposition de l'action de groupe en droit de la consommation consacrée par la loi « Hamon » n° 2014-344 du 17 mars 2014 (C. consom., art. L. 423-1 s.). Cette action est censée rééquilibrer les relations entre les consommateurs et les producteurs, par la possibilité de procès de masse contre une entreprise fautive. L’exemple type serait celui d’une action de groupe des propriétaires de véhicules Volkswagen contre le fabricant, pour tromperie.
En droit de la santé, l’idée est que si l’action de groupe avait existé lors de l’affaire Mediator, ou des affaires plus anciennes du sang contaminé ou du diéthylstilbestrol (DES) ou enfin de l’affaire plus récente des prothèses mammaires PIP (Poly Implant Prothèse), le sort des victimes devant la justice aurait été amélioré par un jugement plus rapide, et moins coûteux car commun à de nombreuses victimes. Ces affaires étant passées et la loi de 2016 n’étant pas rétroactive, il faudra attendre le prochain scandale sanitaire pour en tester l’efficacité.
Reste que la loi créant l’action de groupe en santé est plus restrictive que la loi « Hamon ». Tous les produits de santé ou pouvant avoir un effet sur la santé (cosmétiques, compléments alimentaires, tatouages par exemple) sont concernés. L’action peut être dirigée contre le fabricant ou contre tout prestataire utilisant le produit incriminé, ce qui va du laboratoire d’analyses au médecin, en passant par le cabinet de radiologie ou le tatoueur professionnel. Mais seuls les préjudices résultant de dommages corporels sont admis.
L’action est réservée non pas aux avocats, car elle serait contraire, en l’état actuel du droit, à leur déontologie, mais aux associations d'usagers du système de santé agréées par le ministre au niveau national. En plus, le préjudice corporel varie en fonction de chaque personne, ce qui implique une procédure plus complexe que pour la loi Hamon : il faudra d’abord dégager une faute de l’entreprise et identifier un ensemble de victimes (le « groupe »), puis apprécier l’ampleur du préjudice victime par victime.
L’action de groupe en santé ne sera donc pas aussi facile à mettre en œuvre que celle du Code de la consommation, mais le sort des victimes devrait tout de même en sortir amélioré.
Quel commentaire principal faites-vous sur la généralisation progressive du tiers payant au 30 novembre 2017 (L. n° 2016-41, art. 83 s.) ?
C’est une généralisation partielle car le Conseil constitutionnel a censuré une partie de ce dispositif : seule la part prise en charge par la Sécurité sociale dans le tarif des consultations médicales fera l’objet d’un tiers payant ; la part des mutuelles complémentaires, qui devait également faire l’objet d’un tiers payant, a été considérée comme non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, car le législateur n’a pas édicté de protection suffisante des professionnels de santé contre les erreurs et défauts possibles de paiement (n° 2015-727 DC du 21 janv. 2016, § 48). En clair, le patient, qui était censé ne rien débourser chez son médecin, devra tout de même s’acquitter de la part excédant le remboursement de la sécurité sociale (soit selon les cas 5 % à 35 % du tarif de base).
Voilà donc un dispositif qui devait être le phare de la loi Santé, qui devait améliorer le sort du patient quitte à fâcher les professionnels de santé, et qui finalement pourrait bien tourner à l’usine à gaz et mécontenter tout le monde…
La lutte contre le tabagisme (L. n° 2016-41, art. 22 s.) trouve-t-elle un nouvel équilibre avec le dispositif mis en place (paquet neutre, interdiction de fumer dans un véhicule en présence d'enfant de moins de 18 ans...) ?
Tout dépend de quel côté on se place. Du côté de la santé publique, la loi de 2016 est à triple détente. D’abord, elle accentue la pression sur les fumeurs, dans le sens d’une modération, en particulier en présence de publics captifs ou fragiles (enfants). Du côté ensuite des jeunes tentés par le tabac, le paquet neutre est moins sexy, mais on peut compter sur les fabricants pour trouver une parade. Enfin, la loi tend à démasquer les lobbyistes de l’industrie du tabac qui arpentent les couloirs du Parlement et des ministères pour contrer les politiques anti-tabac, en les obligeant à déclarer leurs sources de financement. Évidemment, du côté des producteurs de cigarettes, on voit les choses autrement et on invoque une violation de la liberté d’entreprendre : c’est pourquoi ils ont incité des parlementaires à saisir le Conseil constitutionnel, qui leur a finalement donné tort.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
Le pire est l’arrivée sur les bancs d’Assas en « DEUG 1 » (L1), venant de mon « 9-3 ». Le meilleur est qu’on s’y habitue très bien.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Les 4 fantastiques, Astérix, Gaston Lagaffe, Monsieur Phelps, Numéro 6, James West, Monsieur Spock, John Steed ou encore César de Pagnol. Dire quel est mon préféré parmi ceux-là, c’est comme vouloir départager le Chamallow, l’Ourson guimauve, le Carambar et la fraise Tagada. Comme en droit, il faut éviter d’être monomaniaque.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Le droit à la vie privée. C’est le dernier rempart contre le « tout-réseaux-sociaux ».
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