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La loi relative à la bioéthique
Déposé à l'Assemblée nationale le 20 octobre, le projet de loi relatif à la bioéthique a été définitivement adopté le 23 juin 2011 (L. 2011-814 du 7 juill. 2011). Le texte ne comporte pas de révolution majeure (v. chronique d'A. Chenet de Beaupré), contrairement à ce qu'avaient pu laisser envisager les états généraux de la bioéthique en 2009. Néanmoins de nombreux aménagements sont apportés aux dispositions législatives existantes en cette matière si délicate à la frontière du droit, de la médecine et de l'éthique. Astrid Marais, maître de conférences à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), nous éclaire sur ce domaine.
Quels sont les principes fondamentaux du droit français en matière de bioéthique ?
L'idée directrice guidant le législateur depuis 1994, en matière de bioéthique, est de permettre à l'homme de bénéficier des progrès de la science en s'assurant que la dignité humaine soit sauvegardée. Trois principes en résultent qui pourraient constituer la devise de la bioéthique : « Dignité, liberté et solidarité » (comp. D. Mazeaud). La dignité vise à garantir que la science reste au service de l'homme, et non l'inverse. La liberté garantit l'autonomie de la personne et postule de solliciter son consentement préalablement à la réalisation d'un acte médical. La solidarité fonde la recherche ainsi que les dons des éléments et produits du corps humain gouvernés, à ce titre, par les exigences d'anonymat et de gratuité. Ces trois principes inspirent également les conventions internationales, telle la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, signée à Oviedo, le 4 avril 2007 (Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine). La loi du 7 juill. 2011 a d'ailleurs autorisé la ratification de cette convention par la France, laquelle est intervenue le 13 décembre 2011 (entrée en vigueur le 1er avr. 2012).
En matière de procréation, la nouvelle législation française continue d'interdire l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de même sexe, la gestation pour autrui et l'insémination et le transfert d'embryons post mortem. Existe-t-il un fondement commun à ces interdictions ?
Depuis que la science a permis de dissocier la procréation de la gestation, le désir d'un enfant en soi, à soi, et pour soi pourrait, en théorie, être satisfait en dehors du processus « naturel » et conduire à la reconnaissance d'un « droit » à l'enfant. Plutôt que de consacrer un tel droit, le législateur a choisi, en maintenant ces interdictions, de privilégier l'intérêt de l'enfant. L'idée est noble. Reste que son application concrète conduit parfois à opérer des choix moraux avec lesquels on peut ne pas être d'accord et qui témoignent de la difficulté de dégager des valeurs universelles en matière de bioéthique. C'est ainsi, par exemple, que le refus de transfert d'embryon post mortem, motivé par la volonté de ne pas faire naître un enfant orphelin de père, est susceptible de conduire à la destruction d'un être humain si la veuve ne souhaite pas le donner à un autre couple... Détruire un être humain, plutôt que de le faire naître orphelin, est-ce là réellement satisfaire l'intérêt de l'enfant ?
Le nouvel article L. 2141-1 alinéa 4 du Code de la santé publique autorise la congélation ultra-rapide des ovocytes. Quel est l'enjeu d'une telle admission ?
Elle devrait permettre de réaliser l'un des objectifs de la loi, inscrit à l'alinéa 5 du même article : limiter le nombre d'embryons surnuméraires. En effet, la méthode dite de vitrification (technique rapide de congélation qui évite la formation de cristaux) permet aujourd'hui de conserver efficacement des ovocytes en limitant leur taux de destruction après décongélation. Autrefois l'ovocyte devait être fécondé « frais », quitte ensuite, à congeler l'embryon conçu. En autorisant la congélation ultra-rapide des ovocytes, le nombre d'embryons cryoconservés devrait donc diminuer. Et s'ils ne sont pas créés, la difficile question du sort des embryons surnuméraires, en termes de destruction, de don à un autre couple ou pour la recherche, ne se posera plus...
En cas de diagnostic d'une anomalie génétique grave chez une personne, la loi du 7 juillet 2011 a modifié les règles relatives à la délivrance de l'information à sa famille si des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées (nouvel art. L. 1131-1-2 CSP). Quelles sont les incidences d'une telle modification ?
La loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique avait déjà prévu une telle information de la parentèle (anc. art. L. 1131-1 CSP). La procédure d'information familiale n'avait, pourtant, jamais été mise en œuvre, faute de décret d'application... Alors que l'ancien article L. 1131-1 CSP avait, après de houleux débats, indiqué que le silence du patient sur son anomalie génétique ne pouvait « servir de fondement à une action en responsabilité à son encontre » par sa famille, le nouvel article L. 1131-1-2 ne reprend pas cette disposition. Ce dernier, en prévoyant que « la personne est tenue d'informer les membres de sa famille potentiellement concernés », laisse donc ouverte la porte à une action en responsabilité engagée contre la personne malade par un membre de sa famille, qui n'a pu bénéficier des mesures de prévention ou de soins de l'anomalie génétique dont il est lui-même porteur. Voilà donc que, par ce cas de responsabilité interfamiliale, se trouve traduite, en termes juridiques, l'exclamation littéraire « Familles, je vous hais !» (A. Gide, Les nourritures terrestres).
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d'étudiant ?
Le sentiment de liberté qui se dégageait de la fac. Une liberté qui ne rimait pourtant pas avec oisiveté. Quelle étrangeté !
Quel est votre héros de fiction préféré ?
J'en ai deux. Impossible de les départager. Ils auraient dû se marier ensemble ! Han Solo (Star wars), le mauvais garçon, intrépide au grand cœur, sans cadre mais avec des règles, et Emma Peel (Chapon melon et bottes de cuir), la jeune fille espiègle, insolente et malicieuse.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
La liberté de pensée, et pourtant c'est celle que j'ai le plus de difficulté à respecter lorsqu'on ne partage pas mes opinions... J'ai pris une bonne résolution en 2012 !
■ ■ ■
Références
■ A. Marais, Droit des personnes, 1re éd., Dalloz, coll. « Cours », 2012, 246 p., à paraître.
■ « Bioéthique
[Droit civil/Droit pénal]
« Éthique gouvernant les recherches médicales et leurs applications pratiques à l’être humain. Désigne aussi la discipline qui réfléchit à cette question. Les lois de bioéthique, assorties de sanctions pénales, portent sur le respect du corps humain, l’étude génétique de la personne, le don et l’utilisation des éléments et produits du corps humain, l’assistance médicale à la procréation, la recherche biomédicale sur une personne aux fins thérapeutiques ou scientifiques, les diagnostics prénatal et préimplantatoire. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ A. Chenet de Beaupré, « La révision de la loi relative à la bioéthique », D. 2011. 2217.
■ D. Mazeaud, « Loyauté, solidarité, fraternité, la nouvelle devise contractuelle ? », in L'avenir du droit, Mélanges en l'honneur de François Terré, Dalloz, PUF, Éditions du Juris-Classeur, 1999, p. 603.
■ Code de la santé publique
« L'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ou son identification par empreintes génétiques sont régis par les dispositions du chapitre III du titre Ier du livre Ier du code civil et par les dispositions du présent titre, sans préjudice des dispositions du titre II du présent livre.
Toutefois, lorsqu'il est impossible de recueillir le consentement de cette personne ou, le cas échéant, de consulter la personne de confiance mentionnée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un de ses proches, l'examen ou l'identification peuvent être entrepris à des fins médicales, dans l'intérêt de la personne.
En cas de diagnostic d'une anomalie génétique grave posé lors de l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne, le médecin informe la personne ou son représentant légal des risques que son silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent être proposées à ceux-ci. L'information communiquée est résumée dans un document signé et remis par le médecin à la personne concernée, qui atteste de cette remise. Dans ce cas, l'obligation d'information à la charge du médecin réside dans la délivrance de ce document à la personne ou à son représentant légal.
La personne concernée, ou son représentant légal, peut choisir d'informer sa famille par la procédure de l'information médicale à caractère familial. Elle indique alors au médecin le nom et l'adresse des membres de sa famille dont elle dispose en précisant le lien de parenté qui les unit. Ces informations sont transmises par le médecin à l'Agence de la biomédecine qui informe, par l'intermédiaire d'un médecin, lesdits membres de l'existence d'une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner et des modalités leur permettant d'y accéder. Les modalités de recueil, de transmission, de conservation et d'accès à ces informations sont précisées par un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Le fait pour le patient de ne pas transmettre l'information relative à son anomalie génétique dans les conditions prévues au troisième alinéa ne peut servir de fondement à une action en responsabilité à son encontre.
Par dérogation au deuxième alinéa de l'article L. 1111-2 et à l'article L. 1111-7, seul le médecin prescripteur de l'examen des caractéristiques génétiques est habilité à communiquer les résultats de cet examen à la personne concernée ou, le cas échéant, aux personnes mentionnées au deuxième alinéa du présent article. »
Article L. 1131-1-2, modifiée par la loi n°2011-814 du 7 juillet 2011
« Préalablement à la réalisation d'un examen des caractéristiques génétiques d'une personne, le médecin prescripteur informe celle-ci des risques qu'un silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés si une anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins était diagnostiquée. Il prévoit avec elle, dans un document écrit qui peut, le cas échéant, être complété après le diagnostic, les modalités de l'information destinée aux membres de la famille potentiellement concernés afin d'en préparer l'éventuelle transmission. Si la personne a exprimé par écrit sa volonté d'être tenue dans l'ignorance du diagnostic, elle peut autoriser le médecin prescripteur à procéder à l'information des intéressés dans les conditions prévues au quatrième alinéa.
En cas de diagnostic d'une anomalie génétique grave, sauf si la personne a exprimé par écrit sa volonté d'être tenue dans l'ignorance du diagnostic, l'information médicale communiquée est résumée dans un document rédigé de manière loyale, claire et appropriée, signé et remis par le médecin. La personne atteste de cette remise. Lors de l'annonce de ce diagnostic, le médecin informe la personne de l'existence d'une ou plusieurs associations de malades susceptibles d'apporter des renseignements complémentaires sur l'anomalie génétique diagnostiquée. Si la personne le demande, il lui remet la liste des associations agréées en application de l'article L. 1114-1.
La personne est tenue d'informer les membres de sa famille potentiellement concernés dont elle ou, le cas échéant, son représentant légal possède ou peut obtenir les coordonnées, dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées.
Si la personne ne souhaite pas informer elle-même les membres de sa famille potentiellement concernés, elle peut demander par un document écrit au médecin prescripteur, qui atteste de cette demande, de procéder à cette information. Elle lui communique à cette fin les coordonnées des intéressés dont elle dispose. Le médecin porte alors à leur connaissance l'existence d'une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner et les invite à se rendre à une consultation de génétique, sans dévoiler ni le nom de la personne ayant fait l'objet de l'examen, ni l'anomalie génétique, ni les risques qui lui sont associés
Le médecin consulté par la personne apparentée est informé par le médecin prescripteur de l'anomalie génétique en cause.
Lorsqu'est diagnostiquée une anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins chez une personne qui a fait un don de gamètes ayant abouti à la conception d'un ou plusieurs enfants ou chez l'un des membres d'un couple ayant effectué un don d'embryon, cette personne peut autoriser le médecin prescripteur à saisir le responsable du centre d'assistance médicale à la procréation afin qu'il procède à l'information des enfants issus du don dans les conditions prévues au quatrième alinéa.
Article L. 2141-1, modifiée par la loi n°2011-814 du 7 juillet 2011
« L'assistance médicale à la procréation s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination artificielle. La liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l'Agence de la biomédecine. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités et les critères d'inscription des procédés sur cette liste. Les critères portent notamment sur le respect des principes fondamentaux de la bioéthique prévus en particulier aux articles 16 à 16-8 du code civil, l'efficacité, la reproductibilité du procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l'enfant à naître. L'Agence de la biomédecine remet au ministre chargé de la santé, dans les trois mois après la promulgation de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, un rapport précisant la liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation ainsi que les modalités et les critères d'inscription des procédés sur cette liste.
Toute technique visant à améliorer l'efficacité, la reproductibilité et la sécurité des procédés figurant sur la liste mentionnée au premier alinéa du présent article fait l'objet, avant sa mise en œuvre, d'une autorisation délivrée par le directeur général de l'Agence de la biomédecine après avis motivé de son conseil d'orientation.
Lorsque le conseil d'orientation considère que la modification proposée est susceptible de constituer un nouveau procédé, sa mise en œuvre est subordonnée à son inscription sur la liste mentionnée au même premier alinéa.
La technique de congélation ultra-rapide des ovocytes est autorisée.
La mise en œuvre de l'assistance médicale à la procréation privilégie les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L'Agence de la biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisées et des résultats obtenus.
La stimulation ovarienne, y compris lorsqu'elle est mise en œuvre indépendamment d'une technique d'assistance médicale à la procréation, est soumise à des règles de bonnes pratiques fixées par arrêté du ministre chargé de la santé.
Un arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l'Agence de la biomédecine, définit les règles de bonnes pratiques applicables à l'assistance médicale à la procréation avec tiers donneur. »
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