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La mort annoncée des actions possessoires
Le projet de loi de la garde des Sceaux relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a été adopté le 28 janvier 2015 par l’Assemblée nationale. Ce projet prévoit, notamment, la suppression des actions possessoires. Nadège Reboul-Maupin, maître de conférences à l’Université de Versailles-Saint Quentin, auteur de l’HyperCours de Droit des biens, nous éclaire sur ce point particulier du projet.
Qu’est-ce qu’une action possessoire ?
L’action possessoire est une action en justice qui relève de la compétence du tribunal de grande instance. Elle a pour objet d’assurer la protection de ceux qui possèdent paisiblement un bien immobilier contre les troubles qui affectent ou menacent leur possession (C. civ., art. 2278, al. 1er).
Depuis la loi du 9 juillet 1975, l’action possessoire est également ouverte au détenteur précaire contre tout autre personne de qui il tient ses droits (C. civ., art. 2278, al. 2).
Destinée à mettre fin à un trouble dans la possession d’un bien, elle se distingue de l’action pétitoire (action en revendication) qui a pour objectif de reconnaître un droit sur de propriété de celui-ci.
Quel est l’intérêt de ces actions dans le droit des biens ?
Les actions possessoires présentent l’intérêt d’intégrer la défense des situations de fait dans l’ordre judiciaire et évitent que les possesseurs aient recours à des modes de justice privée qui viendraient perturber la paix publique.
Il existe trois actions possessoires :
– la complainte est exercée en cas de trouble actuel. Il peut s’agir non seulement d’un trouble matériel résultant par exemple de travaux entrepris sur le fonds du possesseur ou de l’auteur du trouble, mais aussi d’un trouble de droit comme une demande en justice ou un arrêté déclarant un sentier chemin rural ;
– la dénonciation de nouvel œuvre concerne le trouble éventuel provenant par exemple de travaux commencés sur le fonds voisin qui, sans créer aucun trouble actuel, en créeraient un s’ils étaient terminés ;
– la réintégration n’est ouverte qu’en cas de dépossession violente ou par voie de fait.
Ces actions possessoires ont le mérite d’être spécifiques au droit des biens.
La décision du juge possessoire est définitive et l’exercice de telles actions n’est pas de nature à interrompre le délai d’usucapion qui court au profit du possesseur, parce qu’elles ne visent pas à lui disputer son droit sur la chose.
Leur disparition est-elle une perte pour ce droit ? Ou simplement la consécration d’un état de fait ?
Leur disparition se justifie par le double constat de leur complexité et de leur inutilité.
▪ Complexes, tout d’abord, en ce que les actions possessoires sont conditionnées par des délais procéduraux (possession ou détention depuis au moins un an – excepté pour la réintégration – et mise en œuvre dans le délai d’un an suivant le trouble) et obéissent au principe de non-cumul du possessoire et du pétitoire.
Ce principe ordonne au juge de ne jamais se prononcer sur les droits des parties sur l’immeuble et de ne pas avoir égard au fond du droit pour trancher la question possessoire.
Pour les parties, il s’agira de leur interdire, après avoir exercé une action au fond, d’agir au possessoire.
▪ Inutiles, ensuite, en ce qu’elles sont concurrencées par l’action en référé beaucoup plus rapide, simple et moins coûteuse.
Pour autant, leur suppression peut surprendre en ce qu’elle dépouille le droit des biens de ses actions spécifiques alors qu’elles ont assuré pendant des siècles une protection particulière et simplifiée de la possession.
Si l’action en référé, certes mieux connue des avocats, nécessite des conditions moins contraignantes puisqu’il suffira que soit constaté l’urgence, un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite (C. pr. civ., art. 808 et 809), celle-ci viendra néanmoins interrompre le délai d’usucapion qui court au profit du possesseur (C. civ., art. 2241).
La consécration par l’Assemblée nationale d’une mort déjà annoncée par le projet de réforme du droit des biens proposée en 2008 par l’Association Henri Capitant et par la Cour de cassation dans tous ses rapports annuels depuis 2009 était certes attendue en pratique et en doctrine afin de ne plus croiser le contentieux attaché au non-cumul du possessoire et du pétitoire.
Mais la nouvelle configuration procédurale risque toutefois de changer un peu la donne en droit des biens même si « possession sans action ne veut pas dire possession sans protection » (v. en ce sens, les travaux de Propositions de l’Association Henri Capitant pour une réforme du droit des biens, LexisNexis, coll. « Carré Droit », 2009, spéc. p. 68) !
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?
Le meilleur : l’obtention de mon prix de thèse à la suite de la publication de ma thèse de Doctorat en droit.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Hannibal Lecter est un de mes héros de fiction préféré. Comment un petit garçon comme les autres est-il devenu l’un des criminels le plus attrayant qui soit ? Incarnation absolue du mal, Hannibal Lecter, psychopathe porté sur le cannibalisme, procure un sentiment tant de répulsion que de fascination.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Le droit à la vie en ce qu’il est orienté vers l’affirmation et la protection de l’éminente valeur de la personne humaine. Il se décline en obligation négative, de ne pas tuer, et en obligation positive, de protéger la vie.
Références
■ Nadège Reboul-Maupin, Droit des biens, 5e éd., Dalloz, coll. « HyperCours », 2014, n°317 s.
■ Le projet de loi du garde des Sceaux relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a été adopté le 28 janvier 2015 par l’Assemblée nationale : extrait
« (AN NL) Article 9
(S 1) I. – L’article 2279 du code civil est abrogé. »
■ Code civil
« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. »
« La possession est protégée, sans avoir égard au fond du droit, contre le trouble qui l'affecte ou la menace.
La protection possessoire est pareillement accordée au détenteur contre tout autre que celui de qui il tient ses droits. »
Article 2279
« Les actions possessoires sont ouvertes dans les conditions prévues par le code de procédure civile à ceux qui possèdent ou détiennent paisiblement.
■ Code de procédure civil
« Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. »
« Le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »
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