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La nouvelle instruction conventionnelle en matière civile
La Justice est l’objet de débats permanents, souvent passionnés et polémiques. Le juriste doit néanmoins raison garder et ne pas oublier que la procédure, mère de la Liberté, reste un outil essentiel de protection de nos droits fondamentaux, y compris en matière civile. Depuis le 1er septembre 2025, il existe, dans le Livre Ier du Code de procédure civile, des dispositions communes relatives à la mise en état : le Titre VI, qui comprend les articles 127 à 131-8 (Décr. n° 2025-660 du 18 juillet 2025 portant réforme de l'instruction conventionnelle et recodification des modes amiables de résolution des différends). Maxime Barba, Professeur en droit privé et sciences criminelles à l’Université Grenoble Alpes, a bien voulu répondre à nos questions sur ces nouvelles dispositions.
À quoi sert la mise en état en matière civile ?
Comme son nom l’indique, la mise en état vise d’abord à mettre l’affaire en état d’être jugée ; elle vise à faire « mûrir l’affaire ». L’instance civile est ordinairement introduite par assignation. Mais ensuite, en règle générale, avant de pouvoir être jugée, l’affaire doit nécessairement être instruite, sous le contrôle d’un magistrat spécialisé (le juge de la mise en état au tribunal judiciaire ou le juge chargé d’instruire l’affaire au tribunal de commerce). Ce magistrat peut déterminer un calendrier de procédure (délais pour conclure et transmettre les pièces), inviter les parties à conclure sur certains points, à fournir des explications, etc. Il peut encore procéder à diverses mesures d’instruction à visée probatoire ou orienter les parties vers un mode amiable de résolution des différends.
Que permet l’instruction conventionnelle ?
Le décret du 18 juillet 2025 a érigé l’instruction conventionnelle en nouveau principe de mise en état, l’instruction judiciaire devenant subsidiaire. Les parties peuvent désormais, au moyen d’une instruction conventionnelle simplifiée ou d’une procédure participative de mise en état, déterminer les points de droit auxquels elles entendent limiter le débat (si les droits litigieux sont disponibles), fixer les modalités de communication de leurs conclusions et pièces ou recourir à un technicien. Dans l’absolu, elles peuvent encore consigner les auditions des parties et de tiers conduites par les avocats, à la façon des common lawyers ; mais c’est là très éloigné des habitudes françaises. En règle générale, les parties se limiteront à établir ensemble un calendrier de procédure.
Quel est alors le rôle du juge de la mise en état ?
Le juge de la mise en état, au sens générique, n’est pas dessaisi par la conclusion d’une instruction conventionnelle et ne risque pas d’être désœuvré, bien au contraire. D’abord, il sera amené à vérifier si l’instruction conventionnelle déterminée par les parties respecte bien les principes directeurs du procès et le droit à un procès équitable. Si tel n’est pas le cas, un basculement en mise en état judiciaire adviendra sans doute. Ensuite, il sera aussi juge de la bonne exécution de l’instruction conventionnelle, notamment sous l’angle de la ponctualité des échanges et du « mûrissement » de l’affaire. Enfin, c’est encore lui qui tranchera les incidents qui ne manqueront pas de s’élever (nullité, fin de non-recevoir, etc.). Le rôle du juge de la mise en état demeure donc central.
Quels seront, selon vous, les effets de ce nouveau mode d’instruction ?
On peut douter qu’il y ait une véritable appétence des avocats pour ce nouveau mode d’instruction. Donc il est possible que la réforme reste lettre morte – la carotte de l’audiencement prioritaire pour les affaires conventionnellement instruites n’étant pas suffisante à motiver les troupes. Bien sûr, certains avocats tenteront malgré tout l’aventure de l’instruction conventionnelle, qui peut d’ailleurs être source de profits. L’expérience sera alors déterminante : si les gains – juridiques et économiques – ne sont pas significatifs, ils s’en détourneront. En tout cas, les premiers courageux essuieront certainement les pots-cassés de cette réforme qui, sous cet aspect, peine un peu à convaincre en l’état.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
La rencontre avec celle qui deviendra mon épouse, sur les bancs de la faculté de droit de l’Université Lyon III, 15 quai Claude Bernard.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Côté héros, le Sorceleur (Witcher en bon anglais), Geralt de Riv, est en bonne place. Dans le monde de fiction qu’il arpente, il est à la fois ostracisé et respecté, perçu comme un mal nécessaire. Présenté comme inhumain et dépourvu d’émotions, il en est finalement davantage pourvu que la plupart des humains qui croisent sa route. C’est un bon héros, pour n’en être pas un, tout en paradoxes et complexités. À celles et ceux qui ne connaissent que la série télévisée The Witcher, je recommande la lecture des ouvrages et le jeu du même nom. Côté héroïne, Frieren, la protagoniste principale du manga éponyme, est aussi en bonne place, pour être, elle aussi, un personnage tout en nuances, faible et puissante, simple et complexe, brillante et naïve. L’œuvre dans laquelle elle s’inscrit est en outre d’une beauté époustouflante, tant en son esthétique qu’en sa narration.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Sans hésitation, le droit au procès équitable. Une déformation professionnelle sans doute.
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