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La protection de la biodiversité marine en Haute mer
Valérie Boré Eveno, maître de conférences à Nantes Université, Centre de Droit Maritime et Océanique, Institut Universitaire Mer et Littoral et coauteur de l’ouvrage sur les Droits maritimes (2021, Dalloz) a bien voulu répondre à nos questions sur le récent accord au sein des Nations Unis concernant la biodiversité marine en Haute mer.
Qu’est-ce que la Haute mer ?
Selon l’article 86 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), la Haute mer désigne « toutes les parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la zone économique exclusive [ZEE], la mer territoriale ou les eaux intérieures d’un État, ni dans les eaux archipélagiques d’un État archipel ». Même si les ZEE des États peuvent s’étendre jusqu’à 200 milles marins des côtes (370 km), la Haute mer recouvre ainsi près de la moitié de la surface du globe et environ 60 % des océans. Or, bien que la coopération y soit encouragée afin de protéger le milieu marin, la Haute mer est un espace international régi par le principe de liberté, qu’il s’agisse de la navigation ou du survol, de la pose de câbles et pipelines sous-marins, de la pêche ou encore de la recherche scientifique (CNUDM, art. 87). En suivant la logique du « premier arrivé, premier servi », on comprend dès lors que la biodiversité puisse se trouver menacée dans cet espace.
Qu’est-ce que le processus dit « BBNJ » ?
Le processus BBNJ (pour « Biodiversity beyond national jurisdiction ») désigne les négociations intergouvernementales entreprises dans le cadre des Nations Unies, en vue de l'élaboration d’un instrument juridiquement contraignant portant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine en dehors des zones sous juridiction nationale. La Haute mer est donc évidemment la première visée, mais cet instrument concerne également, sous la colonne d’eau, les ressources vivantes présente dans Zone internationale des fonds marins, située au-delà des plateaux continentaux étatiques. Si ces négociations ont officiellement débuté en 2018, les premiers travaux remontent au début des années 2000, suite au constat d’une dégradation de la biodiversité marine dans les eaux internationales et à la découverte d’une vie dans les grands fonds marins. Il a ensuite fallu cinq rounds de négociations pour parvenir, le 4 mars 2023, au projet d’accord dont il est ici question.
En quoi est-ce un accord historique dont le gouvernement français se félicite ?
Il s’agit d’un accord historique dans la mesure où il marque l’aboutissement de nombreuses années de pourparlers au niveau multilatéral, auxquels la France a activement participé, en soulignant le rôle crucial que jouent les océans dans la lutte contre le changement climatique. Si cet instrument n’est pas parfait, car fruit de compromis, il vient néanmoins combler les lacunes de la CNUDM en offrant aux États différents outils juridiques, permettant notamment la mise en place d’aires marines protégées et la réalisation d’études d’impact environnemental pour les activités envisagées dans les eaux internationales ou susceptibles d’y causer des dommages. Le nouveau traité doit également permettre d’encadrer l’accès aux ressources génétiques marines et d’assurer un partage équitable des bénéfices tirés de leur exploitation, sujet qui a cristallisé jusqu’à la fin les tensions entre pays développés et pays en développement. Ces derniers devraient donc aussi pouvoir en tirer profit, de même que du renforcement des capacités et du transfert de technologies marines.
Quelle est la suite pour la pleine efficacité de ce traité ?
Si le texte ne peut plus être modifié sur le fond, le nouveau traité doit encore être examiné par les services juridiques des Nations Unies et traduit dans les six langues officielles de l’ONU. Il devra ensuite être formellement adopté lors d’une réunion ultérieure des délégations, puis ouvert à signature et ratification des États, avant de pouvoir entrer en vigueur 120 jours après le dépôt du 60e instrument de ratification. La future Conférence des Parties pourra compléter par la suite ce cadre juridique, en s’appuyant notamment sur les conseils d’un organe scientifique et technique, qui devra également être mis en place. Le chemin est donc encore long avant que le traité ne produise des effets concrets, et son succès dépendra beaucoup de la bonne volonté des États qui, espérons-le, sauront se montrer à la hauteur de ces enjeux...
Le questionnaire de Désiré dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Si je laisse de côté les belles rencontres humaines qui ont jalonné mon parcours d’étudiante (et toutes les activités extra-universitaires qui les ont accompagnées), je garde un excellent souvenir de mon premier (petit) colloque, que notre professeur de droit international nous avait demandé d’organiser à la fin de la Licence, sur le thème de la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU. Je pense que ce travail et cette première prise de parole en amphi, devant un public d’étudiants, n’est pas pour rien dans ma volonté de devenir par la suite enseignant-chercheur et de me spécialiser en droit international.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Enfant de la télé (même si je ne la regarde quasiment plus aujourd’hui), il y a forcément dans ce registre quelques « héros » qui m’ont marquée ou inspirée. Par exemple, je dois avouer que je n’étais pas indifférente au charme d’Albator, ce corsaire de l’espace dont j’admirais beaucoup le courage et la détermination, mais aussi la loyauté et la bienveillance dont il faisait preuve dans son combat pour la liberté. La première « héroïne » dont je me souvienne est « Zora la rousse », cheffe d’une bande d’orphelins qui devaient ruser pour survivre sans se faire arrêter. J’étais très jeune lorsque je regardais cette série avec ma grande sœur. Mais cette « sauvageonne au cœur pur » qui, à la fois libre et rebelle, se battait contre l’injustice et prônait la solidarité, a sans aucun doute été pour moi un modèle.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Mon premier réflexe aurait été de dire le droit à la vie, sans lequel il n’est pas possible de jouir des autres droits. Mais la vie a pour moi beaucoup moins d’intérêt sans la liberté, que je défends dans toutes ses déclinaisons, et notamment la liberté d’opinion et d’expression.
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