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La protection fonctionnelle des enseignants
Yann Buttner est le chef du pôle contentieux et droit scolaire du rectorat de l’académie d’Aix-Marseille ; André Maurin, docteur en droit, est l’ancien chef du service juridique dudit rectorat. Ils ont apporté leur expertise à l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation et sont chargés d’enseignement en université. Coauteurs de l’ouvrage Le droit de la vie scolaire Écoles-Collèges-Lycées (Dalloz, 2024), ils ont bien voulu répondre à nos questions à propos de la circulaire du garde des Sceaux du 5 septembre 2023 relative aux infractions en milieu scolaire.
Qu’est-ce que la protection fonctionnelle ?
La protection fonctionnelle (également nommée protection juridique des fonctionnaires) est une obligation légale en application des articles L. 134-1 et suivants du Code général de la fonction publique qui oblige l’administration à organiser le soutien de ses agents lorsqu’ils sont victimes d’une agression, de menaces, d’outrages dans l’exercice de leur fonction. Également lorsqu’ils sont mis en cause au plan civil ou pénal en l’absence de faute personnelle de leur part.
Les seules conditions pour pouvoir bénéficier de la protection sont 1/ la caractérisation de l’atteinte et 2/ le lien avec les fonctions (un conseiller principal d’éducation roué de coups en boîte de nuit un quinze août à cinq heures du matin bénéficiera de la protection car il a été agressé par d’anciens élèves l’ayant reconnu en tant que tel ; deux enseignants qui se battent en salle des professeurs durant le temps scolaire n’en bénéficieront pas car l’objet de leur querelle était purement privé).
Quels agents en bénéficient ?
Tous les agents de l’administration en bénéficient : professeurs, titulaires ou contractuels, personnels administratifs, personnels recrutés par les établissements (assistants d’éducation par exemple) ainsi que les accompagnants des élèves en situation de handicap.
N’oublions pas que la protection fonctionnelle s’applique aux trois fonctions publiques ; elle bénéficiera aussi bien au maire qu’au médecin hospitalier.
Quelles formes prend-elle ?
La protection peut prendre différentes formes. Il appartient à l’administration de décider des modalités de la protection la plus adaptée à la situation. La plupart du temps il s’agit d’accompagner la plainte de l’agent victime auprès du procureur de la République, de suivre la procédure et, le cas échéant, de désigner un avocat pour le défendre en tant que victime (ou mis en cause) devant le tribunal correctionnel. D’autres modalités demeurent possibles comme, à titre indicatif, le prononcé de sanctions disciplinaires contre l’auteur de l’agression (élèves ou agents), des mesures de ressources humaines (déplacement dans l’intérêt du service de l’auteur ou, à sa demande, de la victime dans un autre établissement…). Dans des cas extrêmes, lors de menaces de mort caractérisées, l'exfiltration des agents en urgence de leur domicile et la recherche d'un hébergement tenu secret sont envisagées.
Selon vous, quelles sont les évolutions principales de la vie scolaire ces dernières années ?
La violence au sein des établissements scolaires connaît depuis quelques années une forte augmentation, notamment dans son niveau de gravité. Si les incivilités (insultes, crachats, etc.) ont toujours existé, il n’est plus rare aujourd’hui de constater des agressions physiques réelles ou des menaces de mort caractérisées dans des cas par exemple de radicalité religieuse de la part d’élèves ou de parents d’élèves. La réaction de l’administration ainsi que celle de la Justice doit prendre en compte cette évolution.
Il faut, pour être honnête, considérer que cette évolution ne reflète pas la vie scolaire en général qui demeure, dans la plupart des cas, sereine.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Y. B. : Lorsque j’ai quitté la fac ! Au-delà du soulagement, il faut évidemment retenir l’enseignement passionnant de grands maîtres comme Louis Favoreu, Richard Ghevontian, Alain Sériaux (et j’en oublie) qui ont su forger et donner des fondements à mon esprit. Des années après, cet acquis est toujours aussi précieux tant dans ma vie professionnelle que dans ma vie de citoyen.
A. M. : Les cours des professeurs Léon-Robert Ménager (Histoire des institutions de l’Antiquité) et Guy Lambert (Droit civil). Surtout les années d’insouciance et de rires à la cité universitaire des Gazelles où j’ai rencontré ma femme et découvert de nombreux amis pour la vie.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Y. B. : Frédéric et Madame Arnoux dans L’Éducation sentimentale de Gustave Flaubert.
A. M. : Le commissaire San-Antonio, Alexandre-Benoît Bérurier, César Pinaud, Berthe, Félicie et toute la tribu… Frédéric Dard, de son vrai nom, sublima à travers néologismes et calembours le comique et parfois le tragique.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Y. B. : Tous… Mais l’article premier de la DDHC de 1789 demeure sans doute le plus beau « Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». Cet article qui affirme la supériorité des principes de liberté et d’égalité forge la démocratie dans laquelle nous vivons aujourd’hui encore. Le plus grand intérêt de cette affirmation est de mettre au même plan la liberté et l’égalité qui, souvent en conflit, doivent se concilier.
A. M. : Persiste et signe : tous ! Avec une préférence pour la Liberté.
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