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La protection juridique des animaux
La loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes est une grande victoire pour tous. Louis Schweitzer, Haut fonctionnaire et industriel français, président de la Fondation Droit Animal (LFDA), a bien voulu répondre à nos questions juridiques sur l’animal.
Quel est aujourd’hui le statut des animaux ?
Les animaux sont classifiés selon leurs liens avec les hommes. Pour les animaux qui sont sous la garde d’un homme ou la propriété d’un homme, leur statut est défini par nos codes, le Code de l’environnement, le Code civil depuis la loi du 16 février 2015. Ils sont reconnus comme « êtres sensibles » et leur régime est assimilé à celui des biens. En revanche, les animaux vivant à l’état de liberté sont ce qu’on appelle « res nullius ».
Quel est le régime juridique de ces « res nullius » ?
Tout le monde peut faire ce qu’il veut. Ils n’ont pas de propriétaire, toute personne peut se les approprier et ils n’ont pas de protection. En revanche, les animaux qui sont sous la garde des hommes, appartiennent à différentes catégories. Il y a :
- les animaux dit « de rente » ou « d’élevage », qui ont pour objet en général de nourrir l’homme (le bétail par exemple). Les gardiens de ces animaux, en application du Code rural et de textes spécifiques, doivent veiller à leur bien-être ou bien-traitance ;
- les animaux de compagnie (les chiens, les chats, beaucoup de poissons rouges, etc.) ;
- les animaux d’expérimentation, qui sont utilisés soit pour les médicaments, soit pour la science, qui sont protégés par des textes issus d’un règlement européen ;
- et les animaux sauvages en captivité (les cirques, les zoos, les delphinariums, etc.), qui sont soumis à des règles propres.
Enfin, il faut noter que le traité de Lisbonne fait du bien-être animal un objectif de l’Union européenne (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, art. 13).
Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que ces animaux sont classés non pas en fonction de leur nature, mais en fonction de leur lien avec l’homme. La loi de 2021 ne traite ni des animaux sauvages en liberté, ni des animaux d’élevage, ni des animaux d’expérimentation. Elle traite des animaux de compagnie et des animaux sauvages tenus en captivité.
Est-ce que le régime applicable à ces animaux est celui de l’article 515-14 du Code civil ?
Le régime du Code civil s’applique à toutes les catégories d’animaux sous la garde de l’homme, donc pas aux animaux sauvages en liberté. La loi de 2021 aggrave les peines pour les actes de maltraitance, les actes de cruauté et les actes sexuels vis-à-vis des animaux tenus sous la garde de l’homme. Mais elle s’intéresse plus particulièrement à deux catégories : les animaux de compagnie et les animaux sauvages vivant en captivité.
Est-ce que ce statut d’être sensible mais soumis au régime des biens n’est pas un peu hybride ?
Si, puisqu’ils ne sont pas considérés comme des biens étant des êtres sensibles mais leur régime est assimilé à celui des biens. Donc vous avez le droit de les détruire, contrairement à un monument historique ou à un site naturel protégé. Il y a d’autres biens sur lesquels vous n’avez pas le droit de faire tout ce que vous voulez comme pour les animaux. Il y a beaucoup de gens qui proposent que les animaux bénéficient d’une personnalité juridique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Qu’ils sortent du régime des biens pour un régime hybride par lequel la loi leur reconnaîtrait une personnalité juridique.
En termes de responsabilité de l’animal, la reconnaissance de sa personnalité juridique ne poserait-elle pas des difficultés ?
Il est tout à fait possible de reconnaître comme responsable soit le propriétaire, soit une association. Je pense là, par exemple, au cas d’un petit enfant ; ont le droit d’intervenir en faveur de l’enfant ses parents ou ceux qui en ont la garde, mais aussi des associations qui peuvent intervenir au nom de l’intérêt de l’enfant. La question est complexe parce qu’on voit bien qu’on ne peut pas donner aux animaux le même statut qu’une personne humaine. Il y a encore beaucoup de travail. C’est pour cela que la Fondation Droit Animal distingue les animaux dotés de sensibilité de ceux qui ne sont pas dotés de sensibilité. Par exemple, une huître ou une mouche, autant qu’on le sache, ne sont pas dotées de sensibilité même si ce sont des animaux. Tous les vertébrés, les mammifères, ainsi que certains invertébrés sont dotés de sensibilité mais pas tous les animaux. Donc selon les catégories des animaux, des règles particulières sont justifiées, indépendamment du fait de leur personnalité juridique.
Comment faire appliquer les règles de protection contre la maltraitance ?
Il faut distinguer les animaux de compagnie et les animaux de rente. Il y a toute une série de règles juridiques qui s’appliquent aux abattoirs et qui ont pour objet de faire en sorte que la mort ne s’accompagne ni de souffrance, ni de stress. Pour les animaux de compagnie, ou bien ils meurent de mort naturelle, ou bien ils doivent être euthanasiés par un vétérinaire. C’est d’ailleurs également ce principe pour les animaux d’élevage avant leur abattage le cas échéant. Les règles actuelles couvrent mal la réalité. Mais elles marquent déjà un progrès : la loi du 16 février 2015 et la loi du 30 novembre 2021. Cette dernière a été votée à la quasi-unanimité par les deux assemblées, ce qui est tout à fait nouveau. Il y a une prise de conscience du sort des animaux. La LFDA a établi une déclaration des droits de l’animal en 2018 ; elle a été adoptée par le comité d’honneur qui comprend un ancien Premier Président de la Cour de cassation, un ancien procureur général près de la Cour de cassation, un ancien vice-président du Conseil d’État, des personnalités juridiques de premier plan telles que Robert Badinter. La situation juridique des animaux est une source d’intérêt majeur et est devenue un sujet politique.
Qu’attendez-vous dans le futur pour les animaux ?
J’attends en premier lieu l’interdiction des actes de cruauté pour les animaux vivants à l’état de liberté : aujourd’hui si vous cassez les pattes d’un lapin d’élevage, vous êtes punis par la loi d’une peine de prison et d’une amende ; si vous cassez les pattes d’un lapin de garenne, qui est le même animal, vous n’encourez aucune peine. Et j’attends, en second lieu – de même que la loi de 2021 a amélioré la protection pour les animaux de compagnie et les animaux sauvages vivant en captivité –, que la loi améliore la protection pour les animaux de rente, d’élevage. Il faut compléter la loi du 30 novembre 2021 pour d’autres catégories d’animaux.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
La découverte de la sociologie avec Pierre Nora en 1964-1965.
Quels sont votre héros et votre héroïne de fiction préférés ?
Mon héros préféré est Lucien Leuwen, le personnage du roman de Stendhal et mon héroïne c’est Zazie, le personnage de Raymond Queneau dans Zazie dans le métro.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
C’est un droit de l’homme qui figure dans la Déclaration des droits de l’homme américaine, la Déclaration d’indépendance de 1776, et qui ne figure pas dans la Déclaration des droits de l’homme française de 1789 : le droit à la recherche du bonheur.
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