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[ 2 février 2012 ] Imprimer

La reconversion des avoués

Laurent Delvolvé est devenu avocat au barreau de Paris en 1997, après des études de droit à l’Université Paris II Panthéon Assas et un DEA en droit privé à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne. Ancien secrétaire de la Conférence du stage des avocats au barreau de Paris, il a créé le Cabinet Delvolvé Poniatowski Suay Associés. Il répond à nos questions sur le récent achèvement de la réforme de la profession d’avoué qui avait été amorcée par la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 unifiant les professions d'avocat et d'avoué près des tribunaux de grande instance.

Quelle mission et dans quel lieu exerçaient les avoués ?

Avant le 1er janvier 2012, les avoués étaient des officiers ministériels chargés devant les cours d’appel de postuler, c'est-à-dire de régulariser tous les actes nécessaires à la procédure. Cette profession d’avoués avait le monopole de la procédure devant la cour d’appel, la plaidoirie étant réservée aux avocats. En pratique, l’intervention des avoués se limitait à garantir le respect des délais et à transmettre les écritures et pièces préparées par les avocats, de sorte que la fusion entre les deux professions apparaissait depuis longtemps comme une nécessité.

Comment gérez-vous au quotidien leur disparition depuis le 1er janvier 2012 ?

La disparition des avoués à la Cour étant effective depuis le 1er janvier 2012 (L. n° 2011-94 du 25 janv. 2011), les avocats doivent désormais gérer eux-mêmes l’intégralité des procédures d’appel. Toutes les déclarations d’appel postérieures à cette date sont souscrites par l’avocat et il assure désormais seul la bonne régularité de la procédure d’appel. Les ordres des avocats ont mis en place des modules de formation destinés à familiariser les avocats aux nouvelles modalités de la procédure d’appel et notamment aux délais spécifiques prévus par le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 (art. 901 et s. C. pr. civ.). C’est l’occasion pour les avocats de s’investir davantage encore dans le suivi de la procédure d’appel et d’être l’unique professionnel du droit intervenant pour les clients en cause d’appel .

Que vont devenir les personnes qui exerçaient ces fonctions ?

À la suite de la suppression de leur profession, les avoués à la Cour ont été indemnisés de leur préjudice. Au 1er janvier 2012, ils ont eu le choix, soit de cesser d’exercer leur profession, soit de devenir avocat. En ce cas, ils restent constitués dans les dossiers en cours. Pour l’avenir, un certain nombre d’anciens avoués se sont constitués en réseau afin d’offrir à leurs confrères avocats un service de postulation devant les cours d’appel, service comparable à celui exercé par les avocats mandataires auprès du tribunal de commerce ou par les avocats postulant devant le tribunal de grande instance. Ainsi, les avocats plaidant pourront choisir de confier le suivi de la procédure à des avocats spécialisés, l’objectif étant d’éviter un certain nombre de chausse-trapes (délais de signification des conclusions notamment).

Y aura-t-il à l’avenir une spécialisation correspondante dans la formation des futurs avocats ?

Compte tenu de ce domaine d’activité supplémentaire, les avocats seront bien entendus formés au sein des écoles de formation des avocats. Les avocats pourront se spécialiser en procédure civile dans son ensemble. Toutefois, l’objectif des ordres des avocats n’est pas de maintenir de fait les avoués au sein des barreaux. À chaque avocat qui le souhaite de se spécialiser sur ce nouveau créneau.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

L’un de mes meilleurs souvenirs d’étudiant date de la deuxième année lors de la finale du concours interuniversitaire de plaidoirie (Conférence Lysias) : dans un amphi plein à craquer, devant un aréopage des plus hautes personnalités du monde judiciaire et universitaire, tout à coup, je monte à la tribune et à 20 ans, on me donne la parole. C’est à ce moment précis que j’ai compris que, par la parole, l’avocat peut changer, non pas le monde, mais la compréhension d’une affaire, l’analyse d’un dossier, le regard sur la personne mise en cause et à l’issue de sa démonstration, emporter la conviction des juges. Ce concours de plaidoirie, qui en 20 ans a connu un essor considérable, permet à chaque étudiant d’expérimenter concrètement que par la parole, après avoir fait justice des arguments de la défense, il peut mettre en lumière et rendre compréhensible aux juges l’évidence de la thèse qu’il doit défendre. C’est un exercice tout à la fois ludique et sérieux qui m’a profondément marqué.

À l’inverse, le pire souvenir est d’avoir été pris à parti par l’un des professeurs les plus brillants, mais le plus craint aussi, de toutes les universités, j’ai nommé Pierre Delvolvé, professeur de droit public, qui me voyant quitter son cours avant l’heure n’a pas supporté que je puisse avoir mieux à faire et m’a apostrophé d’un retentissant « Monsieur Delvolvé ! » qui résonne encore à mes oreilles lorsque je suis en retard pour une audience. Être né dans une famille de juristes vous donne beaucoup de facilité, mais que d’obligations et d’exigences en contrepartie !

Quel est votre héros de fiction préféré ?

C’est Scapin assurément, dans les Fourberies de Scapin de Molière. Il a la joie de vivre de ceux qui sont totalement indépendants, il a la malice de ceux qui trouvent toujours un moyen de s’en sortir, il a le cœur sur la main, toujours prêt à rendre service, il a de la justice, une vision réaliste et humaine, il manie l’ironie avec bienveillance, il est tout à la fois protecteur et redresseur de tort. Il est bon vivant et ne se préoccupe de rien, sauf de rire avec ceux qui veulent bien l’écouter.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Le droit à la vie. Il comprend l’abolition de la peine de mort, mais également le respect de la vie, à chaque âge de la vie, depuis la conception, jusqu’à la fin de la vie. Il s’agit de la défense de la personne âgée, malade ou atteinte d’un handicap. Ce droit de l’homme est finalement la défense de la fragilité de l’homme et dès lors de tout être humain car la fragilité est humaine. C’est pour moi le premier droit de l’homme.

 

Auteur :M. B.


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