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La refonte du droit des peines
Le Rapport de la commission sur la refonte du droit des peines a été remis le 18 décembre 2015 à Mme Christiane Taubira, alors Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Le président de cette commission, Bruno Cotte, président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation, a bien voulu nous répondre.
Quelle était la composition de la commission ?
Elle était très diverse et c’est ce qui a fait sa force. Parité femmes et hommes, praticiens représentant les différentes étapes de la procédure pénale (représentants du parquet, juges de formations de jugement, JAP), une directrice de centre de détention, un directeur de Service pénitentiaire d’insertion et de probation, mais aussi une universitaire, un membre du Conseil d’État, deux magistrats de la chambre criminelle de la Cour de cassation, un avocat, un ancien membre du Contrôle général des lieux de privation de liberté. Cette polyvalence a permis des débats très riches, documentés, à la fois juridiques et pratiques, en prise avec la réalité, parfois très vifs, toujours courtois voire enthousiastes. Elle a surtout favorisé l’énoncé de propositions adoptées à l’unanimité et toutes destinées à simplifier ce droit, à éviter qu’une personne jusqu’ici détenue puisse être libérée sans aucun accompagnement tout en veillant avec la plus grande attention à ne pas désarmer l’État.
Comment envisagez-vous la création d’un code pénitentiaire et une refonte du code pénal et du code de procédure pénale (« le CPP ») ?
L’objectif : restaurer de la cohérence dans un secteur majeur du droit où les textes sont de plus en plus nombreux et de plus en plus éparpillés entre le Code pénal, le CPP et d’autres codes, lois ou décrets. Les praticiens doivent disposer pour pouvoir utilement requérir des peines, les prononcer, les mettre à exécution, les appliquer et les aménager de textes clairs et facilement accessibles. D’où la proposition de ne laisser dans le Code pénal que ce qui a trait aux peines encourues avec l’énoncé de principes directeurs, un développement sur la nature et le contenu des peines enfin un rappel des causes d’aggravation, de diminution ou d’exemption de la peine. Le CPP pour sa part consacrerait logiquement dans son Livre II « Du Jugement » un titre V consacré au prononcé des peines. Et un nouveau Livre III restructurerait l’ensemble des dispositions relatives à l’exécution et à l’application des peines en mettant en évidence, depuis la juridictionnalisation de cette phase procédurale, la continuité du processus pénal. Enfin, nombre de dispositions figurant actuellement à tort dans le CPP entrerait dans un Code pénitentiaire énonçant les principes directeurs qui dominent le droit des peines, traiterait de la prise en charge des personnes détenues, décrirait le service public pénitentiaire et les contrôles exercés sur les établissements. La valeur symbolique d’un tel code serait très forte. Ce code montrerait l’importance que l’on attache à cette administration.
La réalisation : cet indispensable travail de remise en ordre suppose une volonté politique très forte. Mais chacun sait que le droit des peines est un sujet politiquement très sensible, alors pourtant que chacun poursuit le même objectif : prévenir la récidive.
Que pensez-vous de la nomenclature et de l’exécution des peines actuellement ?
Là encore l’énumération actuelle s’avère hétéroclite et elle manque de cohérence. Il apparaît donc souhaitable de clarifier la distinction entre peines principales et complémentaires et de définir une nouvelle échelle des peines : emprisonnement, placement sous surveillance électronique (érigée en peine principale car elle est souvent prononcée et s’avère fort utile), contrainte pénale, amende, jour-amende, travail d’intérêt général, en montrant bien que la peine d’emprisonnement ne doit pas constituer l’unique recours. Il s’impose de rendre plus visibles et donc plus lisibles les dispositions relatives aux peines alternatives à l’emprisonnement, de fusionner certaines peines (peines de stages), d’en harmoniser d’autres (les très nombreuses peines d’interdiction notamment), d’en supprimer certaines et de redéfinir le champ d’autres peines pour leur permettre de réaliser l’objectif de prévention de la récidive, sans désarmer l’État que s’est fixé la commission.
Quelles sont les conclusions de votre commission en ce qui concerne le suivi post-sentenciel ?
Vaste sujet ! Et, sur ce plan, rien ne vaut une lecture attentive du Rapport ! La commission a souhaité mettre l’accent sur la nécessaire individualisation de la peine et sur l’importance de la place que doit avoir le juge en ce domaine. Les magistrats en charge de l’application des peines sont confrontés à des situations très évolutives et ils doivent veiller à ce que les personnes détenues, lorsqu’elles quittent l’établissement pénitentiaire, soient accompagnées dans des conditions telles que l’on puisse éviter la récidive. Les propositions formulées au stade post-sentenciel ont donc pour objectif de permettre au JAP et aux services mis à sa disposition, en milieu fermé comme en milieu ouvert, de disposer des meilleurs « outils » possibles pour gérer les parcours pénitentiaires de chaque personne détenue. Là encore, un travail de simplification, d’unification, d’harmonisation s’avère indispensable.
Le questionnaire de Désiré Dalloz.
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
Sans nul doute, à Lyon, les TPD de droit civil de 2e année de licence qui m’ont permis de rencontrer l’étudiante qui est devenue mon épouse il y a 49 ans… et l’annonce de mon succès à l’ENM (appelé alors Centre National d’Études Judicaires) qui m’ouvrait les portes du métier de juge. Après ce succès, je serai magistrat durant 47 ans.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
J’éprouve beaucoup de difficultés pour m’identifier dans une personne même fictive…mais je m’évade volontiers avec les poètes. J’adore la poésie et c’est un précieux refuge lorsque l’on a une vie très active et de lourdes responsabilités à assumer. Elle aide à prendre du recul et à relativiser.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
La liberté d’expression… qui me permet de vous répondre que le choix que vous m’imposez est vraiment trop difficile. Pour le juge que j’ai été, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH) est fondamental. Pour le juge pénal international que j’ai été également, les articles 2 à 5 (Conv. EDH) constituent des références majeures.
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