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La réforme du droit des sûretés
Depuis la loi Pacte de 2019 habilitant le Gouvernement à légiférer jusqu’à l’ordonnance du 15 septembre 2021, la réforme du droit des sûretés tant attendue a enfin vu le jour ! Fabienne Terryn, maître de conférences à l’Université de Franche-Comté, a bien voulu nous éclairer sur les principaux aspects de ces nombreuses dispositions qui entreront en vigueur au 1er janvier 2022.
Quel est l’objectif principal de cette réforme ?
Selon le rapport remis au Président de la République qui accompagne la publication de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, la réforme poursuit trois objectifs principaux. L’objectif premier de la réforme est de renforcer la sécurité juridique. Actuellement, en effet, les règles relatives aux sûretés sont disséminées dans divers codes et lois ; certains textes sont redondants, utilisent un langage juridique parfois obsolète et ne s’articulent pas toujours de manière cohérente entre eux. Par ailleurs, certaines règles résultant de créations ou d’interprétations jurisprudentielles méritaient d’être clarifiées. La réforme poursuit, en second lieu, l’ambitieux objectif de renforcer l’efficacité des sûretés tout en maintenant un niveau de protection satisfaisant des constituants et garants. Enfin, la réforme a pour finalité de renforcer l’attractivité du droit français sur le plan économique.
Pourquoi ajouter un critère de qualification au cautionnement commercial ?
La réforme permet surtout de supprimer l’un des critères actuels de qualification du cautionnement commercial, résidant dans la recherche du très nébuleux « intérêt personnel d’ordre patrimonial » poursuivi par la caution. Ce critère subjectif est depuis fort longtemps critiqué en raison de l’incertitude des solutions qu’il engendre. On se rappelle, en particulier, les hésitations de la jurisprudence autour du sort de la caution associée non dirigeante ou encore du conjoint du débiteur principal. Pour y remédier, l’ordonnance a fait le choix de recourir à un critère formel et l’article L. 110-1 du Code de commerce précisera que « La loi répute actes de commerce […] entre toutes personnes, les cautionnements de dettes commerciales ». Le cautionnement d’une dette commerciale sera donc systématiquement considéré comme un acte de commerce et constituera un cautionnement commercial par la forme, au même titre que l’aval.
Pourquoi rapatrier de nombreuses dispositions dans le Code civil ?
L’objectif de renforcement de la sécurité juridique commandait le retour de nombreuses règles dans le Code civil. Au gré des réformes, en effet, de nombreuses règles avaient été créées en dehors du Code civil. Cette dissémination des textes fragilisait la cohérence de la matière, et ce d’autant plus que certains textes faisaient parfois doublons avec ceux du Code civil. L’obligation annuelle d’information de la caution constitue, à cet égard, un exemple édifiant. L’obligation est formulée à la fois dans le Code civil, mais également dans le Code de la consommation, dans le Code monétaire et financier et dans la loi du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle. Les champs d’application des textes se recoupent alors partiellement tandis que l’étendue de la sanction varie d’un texte à l’autre. La réforme abroge donc ces différents textes épars et consacre l’obligation annuelle dans le seul article 2302 du Code civil.
Que prévoit la réforme relativement aux obligations d’information de la caution ?
La réforme réalise une clarification salutaire des règles applicables en matière d’obligation annuelle de la caution et d’information de la défaillance du débiteur principal. Le domaine d’application de ces textes est unifié. Il concerne tous les cautionnements conclus entre un créancier professionnel et une personne physique ainsi que ceux souscrits par une personne morale auprès d’un établissement de crédit lorsque l’obligation principale est un concours financier accordé à une entreprise. Le contenu de l’information est également précisé. Le créancier devra, d’une part, informer la caution chaque année du montant du principal de la dette ainsi que des intérêts et autres accessoires restant dus et lui rappeler le terme de son engagement (ou sa faculté de résiliation unilatérale si l’engagement n’a pas de durée définie). Le créancier devra, d’autre part, informer la caution de la défaillance du débiteur principal, dès le premier incident de paiement non régularisé, dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. En cas de manquement à l’une ou l’autre de ces obligations d’information, la sanction est identique : le créancier perd la garantie des intérêts et pénalités échus sur une certaine période.
Quels pourraient être les effets de la réforme sur les sûretés personnelles ?
Parmi les sûretés personnelles, seul le cautionnement est concerné par la réforme. Les innovations sont nombreuses. À titre d’exemple, la réforme modifie les conditions auxquelles le créancier est soumis à un devoir de mise en garde, permettant ainsi de le distinguer nettement de l’exigence de proportionnalité imposée par le Code de la consommation. Elle tempère, par ailleurs, certaines sanctions particulièrement radicales telle que l’impossibilité pour le créancier de se prévaloir du contrat de cautionnement disproportionné et assouplit les exigences relatives à la mention manuscrite, limitant les cas dans lesquels la nullité pourra être prononcée. Elle enterre, en outre, la distinction incertaine entre caution profane et caution avertie. Elle clôt les discussions autour du concept de cautionnement réel et évince clairement la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers, du domaine des sûretés personnelles. Elle condamne enfin la distinction critiquable entre exceptions inhérentes à la dette et exceptions personnelles au débiteur principal et permet à la caution de les opposer indifféremment au créancier.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
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