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[ 14 juin 2018 ] Imprimer

La réforme ferroviaire en cours

Le projet de loi gouvernemental pour un nouveau pacte ferroviaire est en cours de discussion devant le Parlement tandis que les grèves nationales se poursuivent partout en France. Maurice Bernadet, professeur honoraire de l’Université de Lyon 2 Lumière, ancien directeur du Laboratoire d’économie des transports et coauteur avec Isabelle Bon-Garcin et Philippe Delebecque du Précis Dalloz de Droit des transports, a bien voulu répondre à nos questions.

Quel est le contexte européen de la réforme ferroviaire ?

L’ouverture à la concurrence des services de transport de voyageurs est largement déterminée par la législation européenne et plus particulièrement par la directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 qui concerne « l'ouverture du marché des services nationaux de transport de voyageurs par chemin de fer et la gouvernance de l'infrastructure ferroviaire ». 

Mais le premier texte européen qui a préparé l’ouverture à la concurrence est la directive 91-440, qui date donc de plus de 25 ans. L’obligation d’instaurer cette concurrence est intervenue en plusieurs étapes : pour le transport de marchandises d’abord puis, en deux étapes, pour le transport de voyageurs : dans le transport international par la directive 2007/58 puis dans le transport national par la directive 2016/2370.

Le calendrier que prévoit la directive 2016/2370 est complexe. S’agissant des services non conventionnés (les TGV par exemple, en France) la concurrence doit être mise en place pour l’horaire de service en 2021. S’agissant des services conventionnés (les TER et les TET – trains d’équilibre du territoire –), la directive fixe la date du 3 décembre 2019. Mais elle précise que l’ouverture à la concurrence ne pourra avoir lieu que par un appel d’offres intervenant à l’occasion du renouvellement de ces contrats, dates qui ne sont pas les mêmes selon les régions et en Île-de-France : au plus tard l’ouverture à la concurrence devrait être intégrale en 2033.

La directive 2016/2370 devait être transposée avant le 25 décembre 2018. D’où la loi dont la discussion s’achève au Parlement.

Dans quelle mesure l’ouverture à la concurrence est-elle compatible avec le maintien du service public ?

On peut trouver la réponse dans l’organisation des transports urbains.

Selon le Code des transports, les services publics de transport de personnes relèvent d’une autorité organisatrice (l’État, collectivités territoriales ou de groupements de ces collectivités) et ils sont réalisés soit en régie — c’est-à-dire par l’autorité organisatrice elle-même — soit par une entreprise à qui l’autorité organisatrice confie cette réalisation pour une durée déterminée par le biais d’une convention. Selon l’article L. 1221-4 du Code des transports, « La convention […] fixe la consistance générale ainsi que les conditions de fonctionnement et de financement du service ». Il existe deux types de conventions : l’attribution à l’entreprise résulte soit d’un marché public soit d’une délégation de service public. La différence est que dans le cas d’un marché public, la rémunération du bénéficiaire du marché vient de l’adjudicataire, alors que dans le cas d’une délégation de service public elle est liée aux résultats de l’exploitation du service qu’il assure. Mais en toute hypothèse, et sauf cas particulier, le choix de l’entreprise bénéficiaire de la convention résulte d’un appel d’offres c’est-à-dire d’une mise en concurrence des candidats à la fourniture des services.

Ainsi l’organisation des services publics de transport urbain est non seulement compatible avec la mise en concurrence des opérateurs, mais elle implique cette concurrence.

Quel est le statut actuel de la Société nationale des chemins de fer (SNCF) et comment va-t-il évoluer ?

La SNCF est un EPIC (Établissement Public Industriel et Commercial) ou plus précisément un ensemble de trois EPIC : un EPIC « de tête » contrôlant SNCF Réseaux et SNCF Mobilités. La loi en préparation prévoit leur transformation en sociétés à capitaux publics détenus par l’État. La crainte que ce changement permette une privatisation est limitée par l’affirmation du caractère « incessible » de ces capitaux.

Quelles seront les conséquences juridiques de l’abandon du « statut » des cheminots ?

Pour les salariés bénéficiant de ce statut ainsi que pour ceux qui, embauchés avant le 31 décembre 2020, en bénéficieront, l’abandon du « statut » ne changera pas leurs conditions de travail et de rémunération. Des dispositions sont envisagées pour leur permettre de retrouver ce statut s’ils quittent momentanément la SNCF pour travailler chez un concurrent ayant remporté un appel d’offres. Les nouveaux embauchés relèveront d’une convention collective nationale de la branche ferroviaire qui devrait être négociée avant la fin de 2019 entre l’Union des Transports Publics et ferroviaires représentant le patronat et les syndicats de cheminots.

 

Auteur :M. B. C.


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