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[ 20 septembre 2013 ] Imprimer

La réforme pénale

L’avant-projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines sera présenté en Conseil des ministres en octobre 2013. Haritini Matsopoulou, professeur de droit privé et sciences criminelles à la Faculté Jean Monnet de l’Université Paris-Sud, directrice de l’Institut d’études judiciaires, coauteur avec M. Bernard Bouloc, d’un manuel Intégral Concours de Droit pénal général et Procédure pénale (éd. Sirey), a bien voulu répondre à nos questions sur cette importante réforme pénale.

Pourquoi l’avant-projet prévoit la suppression des peines plancher ?

Il est d’abord utile de rappeler que la loi n°2007-1198 du 10 août 2007 a institué des peines minimales, dites peines plancher, applicables aux récidivistes. Puis la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 a étendu ce dispositif à certains délits d’atteinte grave aux personnes en l’absence de toute récidive légale. Actuellement, l’avant-projet (art. 5) prévoit la « suppression des peines minimales », car elles « ont démontré leur inefficacité », puisque la récidive « a triplé de 2004 à 2011 ». Par ailleurs, ces peines revêtent le caractère d’une sanction automatique, car le juge pénal est en principe tenu de respecter les seuils imposés par la loi. Dans ces conditions, il est permis de penser que les peines plancher méconnaissent le principe d’individualisation des peines qui a une valeur constitutionnelle.

Que prévoit le nouveau dispositif relatif à la libération sous contrainte des détenus ?

Les recherches statistiques ont démontré que « le risque de récidive est 1,6 fois plus grand en cas de sortie sèche qu’en cas de sortie en libération conditionnelle ». Pour réduire un tel risque, la réforme pénale annoncée vise à mettre fin aux « sorties sèches », non accompagnées d’un suivi et des mesures de contrôle. En particulier, il est prévu que lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, la situation des personnes incarcérées en exécution d’une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale prononcée inférieure ou égale à cinq ans serait obligatoirement examinée par le juge de l’application des peines. Ce dernier pourrait prononcer, après avis du service pénitentiaire d’insertion et de probation et du chef d’établissement, une mesure de libération sous contrainte qui s’exercerait sous le régime de la semi-liberté, du placement sous surveillance électronique, du placement à l’extérieur ou de la libération conditionnelle (art. 16).

Qu’est-ce que la « contrainte pénale » ?

À la suite de la Recommandation CM/Rec (2010)1 du Comité des ministres aux États membres sur les règles du Conseil de l’Europe relatives à la probation et des recommandations du jury de consensus, il est envisagé la création d’une nouvelle peine dont la dénomination finalement retenue serait celle de « contrainte pénale ». Il s’agirait d’une « peine indépendante » qui pourrait être prononcée par la juridiction de jugement lorsque l’infraction commise serait un délit puni d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas cinq ans et que la personnalité de son auteur, ainsi que les circonstances de la commission des faits, justifieraient « un accompagnement socio-éducatif individualisé et renforcé ». Cette peine, qui serait exécutée en milieu ouvert, pourrait donc être retenue au lieu et place des courtes peines d’emprisonnement. En particulier, elle consisterait dans l’obligation pour la personne condamnée d’être soumise, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans, à des mesures d’assistance, de contrôle et de suivi adaptées à sa personnalité.

Que pensez-vous de la création de cette nouvelle peine ?

Telle que définie par l’avant-projet, la contrainte pénale se distingue difficilement, par son contenu, du sursis avec mise à l’épreuve, puisque le condamné à une telle peine pourrait se voir appliquer l’une des interdictions et obligations prévues par les 4° à 14° de l’article 132-45 du Code pénal relatives à ce sursis. Les mesures imposées sont destinées, dans les deux hypothèses, à l’« insertion » ou au « reclassement social » de la personne condamnée. En outre, en cas d’inobservation, par cette dernière, des obligations prononcées dans le cadre de l’exécution de la contrainte pénale, la peine d’emprisonnement pourrait être ordonnée, comme en cas de révocation du sursis avec mise à l’épreuve. Dans ces conditions, on a du mal à voir comment cette nouvelle peine pourrait trouver ses marques par rapport au sursis avec mise à l’épreuve. Par ailleurs, la mise en œuvre de cette peine nécessiterait une augmentation très significative du nombre des postes de travailleurs sociaux figurant dans les Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).

 

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

Je garde un très bon souvenir d’une épreuve orale de procédure pénale qui s’est déroulée dans des conditions particulières. Alors que je répondais correctement aux différentes questions, le professeur, qui m’interrogeait, me coupait constamment la parole pour répondre, lui-même, à ses propres questions !!! Cette épreuve était déterminante pour ma carrière, car j’ai fait ainsi connaissance avec celui qui allait devenir mon directeur de thèse !

Quel est votre héros de fiction préféré ?

C’est Ulysse. Ce personnage de la mythologie grecque incarne la force, la combativité, la persévérance … qualités qui lui ont permis d’atteindre son objectif : rentrer à Ithaque !

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

C’est la liberté d’expression qui permet à chacun, et surtout à un universitaire, d’exprimer ses opinions … «La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi » (art. 11 DDHC).

 

Références

■ B. Bouloc, H. Matsopoulou, Droit pénal général et procédure pénale, 18e éd., Sirey, coll. « Intégral concours », 2011.

■ Article 132-45 du Code pénal

« La juridiction de condamnation ou le juge de l'application des peines peut imposer spécialement au condamné l'observation de l'une ou de plusieurs des obligations suivantes : 

1° Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle ; 

2° Établir sa résidence en un lieu déterminé ; 

3° Se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation. Ces mesures peuvent consister en l'injonction thérapeutique prévue par les articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsqu'il apparaît que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques. Une copie de la décision ordonnant ces mesures est adressée par le juge de l'application des peines au médecin ou au psychologue qui doit suivre la personne condamnée. Les rapports des expertises réalisées pendant la procédure sont adressés au médecin ou au psychologue, à leur demande ou à l'initiative du juge de l'application des peines. Celui-ci peut également leur adresser toute autre pièce utile du dossier ; 

4° Justifier qu'il contribue aux charges familiales ou acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ; 

5° Réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l'infraction, même en l'absence de décision sur l'action civile ; 

6° Justifier qu'il acquitte en fonction de ses facultés contributives les sommes dues au Trésor public à la suite de la condamnation ; 

7° S'abstenir de conduire certains véhicules déterminés par les catégories de permis prévues par le code de la route ; 

8° Ne pas se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ; 

9° S'abstenir de paraître en tout lieu, toute catégorie de lieux ou toute zone spécialement désignés ; 

10° Ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de paris mutuels ; 

11° Ne pas fréquenter les débits de boissons ; 

12° Ne pas fréquenter certains condamnés, notamment les auteurs ou complices de l'infraction ; 

13° S'abstenir d'entrer en relation avec certaines personnes, dont la victime, ou certaines catégories de personnes, et notamment des mineurs, à l'exception, le cas échéant, de ceux désignés par la juridiction ; 

14° Ne pas détenir ou porter une arme ; 

15° En cas d'infraction commise à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur, accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ; 

16° S'abstenir de diffuser tout ouvrage ou œuvre audiovisuelle dont il serait l'auteur ou le co-auteur et qui porterait, en tout ou partie, sur l'infraction commise et s'abstenir de toute intervention publique relative à cette infraction ; les dispositions du présent alinéa ne sont applicables qu'en cas de condamnation pour crimes ou délits d'atteintes volontaires à la vie, d'agressions sexuelles ou d'atteintes sexuelles ; 

17° Remettre ses enfants entre les mains de ceux auxquels la garde a été confiée par décision de justice ; 

18° Accomplir un stage de citoyenneté ; 

19° En cas d'infraction commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire, faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du présent 19° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. »

 

Auteur :M. B.


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