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[ 23 février 2017 ] Imprimer

L’accès au droit des détenus

Les récentes statistiques du ministère de la justice pour l’année 2016 montrent une augmentation importante du nombre de personnes détenues au centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) avec une densité carcérale de presque 200 %. Dans ces conditions, la prison ne risque-t-elle pas de devenir une zone de non droit ? Alexandre Moreau, salarié de l’association Droits d’urgence, coordinateur du point d’accès au droit (PAD) du centre pénitentiaire, a bien voulu répondre à nos questions.

Les droits et obligations concernant le travail, le logement ou la citoyenneté s’arrêtent-ils aux portes de la prison ?

Fort heureusement, le droit ne s'arrête pas aux portes de la prison. Pourtant l'incarcération constitue souvent un moment de rupture avec l'extérieur : rupture du contrat de travail, du bail locatif à la suite d'impayés de loyers, perte du titre de séjour, des droits sociaux, rupture de l'unité familiale… Il faut alors réagir très rapidement. Dès l'arrivée en détention, il faut repérer et éviter les ruptures de droits qui peuvent entraîner les personnes dans une spirale d'exclusion et de précarité. C'est tout l'enjeu de l'accès au droit en prison.

Quelle est la particularité fonctionnelle du point d’accès au droit de la prison de Fresnes ?

Le PAD pénitentiaire de Fresnes est composé de deux juristes, salariés de Droits d'urgence. C'est une permanence gratuite d'information et d'accompagnement juridiques à destination des détenus. Généraliste, le PAD est très majoritairement saisi par des détenus étrangers. L'accès au droit est particulièrement délicat à l'égard de ces personnes qui, outre une possible barrière linguistique, un isolement social et familial, font l'objet bien souvent d'une double peine, judiciaire et/ou administrative.

Quelle documentation juridique spécifique aux problèmes principaux rencontrés par les détenus est disponible ?

Dès l'incarcération, Le guide du détenu arrivant (de 80 pages, disponible en 10 langues, sur les règles de vie et les droits en détention, édité par l'administration pénitentiaire) doit être remis à la personne écrouée. Les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) peuvent également élaborer des fiches thématiques. Le PAD pénitentiaire a édité des brochures juridiques thématiques pour connaître et exercer soi-même les premières démarches (suspendre le contrat de travail, demander un droit de visite des enfants…) avant de demander un rendez-vous individuel avec les juristes.

Pendant l’incarcération, après la condamnation, quelles sont les modalités d’une consultation juridique ?

Tout le monde (personnes détenues, SPIP, surveillants, médecins, familles, avocats…) peut contacter le PAD pour relayer ou signaler la demande d'une personne détenue, qu'elle soit prévenue ou condamnée. Les détenus peuvent nous écrire directement en courrier interne, confidentiel et sans timbre. Ensuite, le PAD peut répondre à la demande par courrier ou par un entretien individuel avec un juriste ou en inscrivant le demandeur à la consultation gratuite du Barreau du Val-de-Marne, qui se tient deux samedis matins par mois.

Quelles évolutions législatives pourraient servir l’objectif de réinsertion des anciens détenus ?

La population pénale est souvent en voie de paupérisation. À l'isolement inhérent à l'enfermement s'ajoute parfois un contexte d'exclusion économique, sociale et culturelle. Lutter contre l'exclusion et pour la réinsertion suppose de mettre en œuvre une véritable politique nationale d’accès au droit dans toutes les prisons, avec les moyens nécessaires à sa réalisation. Par ailleurs, il faut repenser le sens des courtes peines et supprimer les doubles peines pour les personnes de nationalité étrangère.

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

Plus qu'un souvenir en particulier, je retiens surtout le formidable bouillonnement intellectuel, culturel et politique de mes années d'études, tant à l'Université de Poitiers qu'à celles de Paris 1 et Paris 2. L'université est également un lieu d'échanges, de débats, de formation politique, associative et militante.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Sans hésitation, c'est Étienne Lantier, héros de la révolte des ouvriers des mines de charbon du célèbre roman d'Émile Zola, Germinal. J'ai tremblé avec lui en lisant le récit de ce combat pour la dignité des mineurs, pour la survie des grévistes, contre la sanglante répression et contre l'exploitation des ouvriers. Ce livre a contribué à ma décision, bien des années plus tard, de mettre au service des plus démunis, des plus précaires, des plus fragiles, mes connaissances et ma pratique du droit.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Je suis très attaché au droit d'asile. L'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose que « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ». C'est une proclamation, une déclaration d'humanité et de solidarité entre les hommes ! C'est la promesse de l'universalisme des droits de l'homme et du refus de l'oppression. Mais je suis inquiet des atteintes, attaques et régressions dont il souffre de plus en plus ces dernières années.

 

Auteur :M. B.


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