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[ 19 mai 2011 ] Imprimer

L’acte d’avocat

L’acte d’avocat est un écrit rédigé et signé par les particuliers et contresigné par leur avocat (L. 31 déc. 1971, art. 66-3-1 à 66-3-3, rédaction issue de la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées ; v. D. 2011. 960). Cet acte dispose de ce fait d'une force probante renforcée par rapport à l'acte sous-seing privé classique.

Mathilde Jouanneau est avocate, ancien membre du Conseil de l'Ordre des avocats et ancien secrétaire de la conférence. Elle a bien voulu répondre à nos questions sur le nouvel acte d'avocat. Nous avons ainsi la chance de pouvoir bénéficier de sa réflexion personnelle sur cette évolution apportée à sa pratique professionnelle.

Quelles sont les spécificités formelles et financières de l’acte d’avocat par rapport à un acte notarié ?

L’acte contresigné par l’avocat se distingue de l’acte notarié à plusieurs égards :

- quant à la date de l’acte : l’acte notarié a une date certaine ne pouvant être mise en cause, contrairement à l’acte d’avocat, sauf à ce qu’il soit enregistré auprès de l’administration fiscale ;

- quant à la force probante : à mi-chemin entre la force probante de l’acte authentique et celle de l’acte sous seing privé, l’acte contresigné fait pleine foi, entre les parties, leurs héritiers ou leurs ayants cause, de leur signature et de leur écriture. Cette présomption irréfragable interdit de recourir à une procédure de vérification d’écriture. En revanche, les parties pourront contester le contenu de l’acte qu’on leur oppose, si elles estiment qu’il a été falsifié ou que leur identité a été usurpée (procédure de faux) ;

- quant à la force exécutoire : un acte notarié a force exécutoire de plein droit du simple fait de sa remise à un agent d'exécution, contrairement à l’acte d’avocat, qui doit préalablement être présenté au juge pour recevoir une exécution forcée ;

- quant à la conservation : l’authenticité fait obligation au notaire de conserver l’original de l’acte durant 100 ans. Il est répertorié à la fois à l'étude notariale et aux Archives publiques.

La loi ne fait pas obligation aux avocats de centraliser l’archivage des actes qu’ils contresignent. Afin d’éviter tout risque de contentieux lié à l’authenticité de l’acte, il conviendrait que les avocats organisent un archivage collectif, soit en créant un Office de conservation de l’acte d’avocat, soit en utilisant les services publics ou privés déjà existants (greffe judiciaire, archive nationale, société privée) ;

- quant aux spécificités financières : en matière de rédaction d’actes, les honoraires des notaires sont fixés, pour l’essentiel, par les pouvoirs publics dans des conditions qui empêchent toute concurrence.

Les avocats, quant à eux, pourront fixer librement leurs honoraires comme pour n’importe quel acte dont ils sont les rédacteurs. L’acte contresigné n’emporte pas création d’un nouveau régime de responsabilité pour l’avocat. L’apposition de son contreseing ne saurait donc entraîner aucun honoraire complémentaire par rapport à la facturation d’une prestation de conseil et de rédaction classique.

Quelles sont les spécificités formelles et financières de l’acte d’avocat par rapport à un acte homologué par le juge ?

L’homologation judiciaire est un compromis entre la liberté laissée aux justiciables de négocier les solutions de leurs litiges et le contrôle judiciaire.

Toutefois, l’acte homologué reste susceptible de recours portant soit sur la décision d’homologation, soit sur la convention homologuée. Leur admission dépend des vérifications opérées par le juge, qui varient selon la nature de l’acte homologué.

L’acte homologué présente cependant l’avantage d’être revêtu de la force exécutoire et donc d’être susceptible d’exécution forcée, contrairement à l’acte d’avocat.

Le contreseing de l’avocat suppose un consentement libre et éclairé des parties, ce qui diminue d’autant les risques de contentieux et les frais afférents. Mais, en cas de défaillance lors de l’exécution, les parties devront agir en justice pour obtenir un titre exécutoire.

Quels peuvent être ses domaines d’application ?

Dans le cadre de ma pratique professionnelle, j’ai envisagé d’y recourir aux fins de constatation d’un accord amiable entre des grands-parents et leur petite-fille quant au versement d’une somme mensuelle au titre de leur obligation alimentaire. Les juridictions n’étant pas favorables à un encombrement de leur rôle par une requête conjointe visant à l’homologation d’un tel accord, l’acte d’avocat permettrait opportunément de rendre le versement de cette somme opposable aux tiers et éviterait tout risque de contentieux successoral ou fiscal.

En tout état de cause, l’acte d’avocat, acte de la liberté contractuelle, pourra trouver application en droit des contrats (bail, reconnaissance de dette), en droit des successions (donation-partage), en droit des incapables majeurs (mandat de protection future), en droit du travail (protocole d’accord) ou encore en droit des sociétés (fiducie, statut de société, contrat de distribution).

En cas de contestation par une partie, quel est le juge compétent pour connaître du litige ?

Le juge compétent pour connaître des contestations portant sur la signature et/ou l’écriture portées à l’acte, sur son contenu ou sur son exécution dépendra de son objet et de la qualité des parties.

Il sera également possible d’engager la responsabilité civile professionnelle de l’avocat contresignataire devant le bâtonnier en cas de manquement à ses obligations déontologiques.

Questionnaire de Désiré Dalloz

Mon meilleur souvenir d’étudiant

Un fou rire gigantesque dans un amphi rempli à craquer avec Mme le Professeur Geneviève Viney, je me souviens de ce rire général avec elle, mais je ne me souviens plus pourquoi…

Mon héros de fiction préférée

La Mariée (Uma Thurman) dans Kill bill, j’aime son rythme, sa gestuelle, son humour et sa combativité…

Mon droit de l’homme préféré

Je les aime et les chérie tous… en ce moment le respect de la dignité.

Références

Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques

Article 66-3-1

« En contresignant un acte sous seing privé, l'avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu'il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte. »

Article 66-3-2

« L'acte sous seing privé contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l'avocat de toutes les parties fait pleine foi de l'écriture et de la signature de celles-ci tant à leur égard qu'à celui de leurs héritiers ou ayants cause. La procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable. »

Article 66-3-3

« L'acte sous seing privé contresigné par avocat est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi. »

Acte authentique

« Écrit établi par un officier public (notaire par ex.), sur support papier ou électronique, et dont les affirmations font foi jusqu’à inscription de faux et dont les grosses, revêtues de la formule exécutoire, sont susceptibles d’exécution forcée. »

Présomption

« Mode de raisonnement juridique en vertu duquel de l’établissement d’un fait on induit un autre fait qui n’est pas prouvé. La présomption est dite de l’homme (ou du juge) lorsque le magistrat tient lui-même et en toute liberté ce raisonnement par induction, pour un cas particulier ; elle n’est admise que lorsque la preuve par témoins est autorisée.

La présomption est légale, c’est-à-dire instaurée de manière générale, lorsque le législateur tire lui-même d’un fait établi un autre fait dont la preuve n’est pas apportée. La présomption légale est simple lorsqu’elle peut être combattue par la preuve du contraire. Lorsque la présomption ne peut être renversée, elle est dite irréfragable ou absolue.

On qualifie de présomption mixte la présomption dont la preuve contraire est réglementée par le législateur, qui restreint les moyens de preuve ou l’objet de la preuve. »

Faux

« Procédure principale ou incidente dirigée contre un acte authentique pour montrer qu’il a été altéré, modifié, complété par de fausses indications, ou même fabriqué. Une procédure analogue peut être utilisée à titre principal ou incident contre un acte sous seing privé ayant déjà été l’objet d’une vérification d’écriture si la partie soutient que l’acte a été matériellement altéré ou falsifié depuis sa vérification. »

Force exécutoire

« Effet attaché aux décisions judiciaires, qu’elles soient juridictionnelles ou gracieuses, aux actes des notaires, à certains actes de l’Administration, qui permet de pratiquer une saisie contre le débiteur, ou d’expulser un occupant d’un local, en recourant, s’il le faut, à la force publique. »

Consentement

« Dans la création d’un acte juridique, adhésion d’une partie à la proposition faite par l’autre. L’échange des consentements entraîne l’accord de volonté qui lie les parties. »

Opposabilité

« Rayonnement d’un acte ou d’un jugement à l’égard de ceux qui n’ont été ni parties ni représentés : ainsi chaque locataire d’un immeuble doit respecter la situation des autres locataires. De même, les tiers à un procès doivent respecter l’ordonnancement juridique né du jugement (sauf à exercer la voie de la tierce-opposition), qui ne crée de droits et obligations qu’à l’égard des parties (chose jugée relative).

En matière civile, la prétendue autorité absolue de certains jugements n’est autre que l’opposabilité de tous les jugements aux tiers et qu’il soit critiquable par la tierce opposition. »

Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Ch. Jamin, « L’acte d’avocat », D. 2011. 960.

■ Pour en savoir plus, V. l’article consacré à l’acte d’avocat sur le site du Conseil national des barreaux.

■ V. également le billet du 12 avr. 2011, sur ce site.

 


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