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L’analyse juridique des contes de fées
Puisque vous avez été un enfant avant d’être un étudiant en droit, vous aimerez le livre illustré L’Analyse juridique des contes de fées, publié avec bonheur en octobre 2018 par nos Éditions. Marine Ranouil et Nicolas Dissaux, qui en sont les directeurs scientifiques, ont bien voulu répondre à nos questions.
Quelles sont les relations du droit avec la littérature ?
Elles sont nombreuses et fructueuses. Classiquement, on en envisage trois types : le droit dans la littérature, le droit de la littérature et le droit comme littérature. Dans le premier cas, il s’agit de rechercher la manière dont le droit se trouve traité dans telle ou telle œuvre littéraire. On se demandera par exemple quel est le statut de la femme dans les contes de fées. La deuxième perspective est différente, plus technique. Elle renvoie surtout à l’étude de la propriété littéraire et artistique. Comment les auteurs sont protégés ? Qu’est-ce qu’un auteur ? Quelle est la responsabilité d’un écrivain ? Enfin, analyser le droit comme une forme littéraire ouvre de larges horizons. Quel est le style juridictionnel, législatif ou doctrinal ? Pourquoi les juristes recourent-ils à telle ou telle métaphore ? Mais au-delà ou à côté de ces trois angles de vue, d’autres relations entre droit et littérature peuvent être envisagés. Qu’il suffise de penser au droit par la littérature ou encore, mode oblige, au droit à la littérature. Bref, les voies sont innombrables.
Pourquoi avoir choisi parmi les œuvres de fiction plus particulièrement les contes de fées ?
Nous sommes partis d’un constat : alors que les contes ont, depuis longtemps, été investis par la plupart des sciences humaines (psychanalyse, histoire, linguistique), ils n’ont qu’assez peu intéressé les juristes. Et pourtant leur dimension normative est évidente ! Vouloir éduquer les adultes tout autant que les enfants, c’est nécessairement rencontrer le droit. En résumé, les contes offraient donc un terrain de réflexion qui nous a paru stimulant. D’autant que les contes roulent le plus souvent sur la narration d’une injustice.
Qui sont les contributeurs de cet ouvrage collectif ?
Des gens très sérieux ! Des gens très curieux ! Des gens courageux aussi !
Ce sont en effet des collègues qui, tous universitaires, ont pris le risque de passer pour des farfelus en acceptant de … on dirait aujourd’hui « sortir de leur zone de confort ».
Pouvez-vous nous donner des exemples des questionnements juridico-féériques contenus dans l’ouvrage ?
Il y a mille et une manières d’adopter une analyse juridique des contes de fées. Les questionnements sont donc extrêmement variés. Quelle est la place de l’imagination en droit ? Le Petit Poucet est-il complice d’infanticide ? La rhétorique juridique est-elle féérique ou vice-versa ? Quelle est la place donnée aux contrats dans les contes ? Plus généralement, que reflète un conte sur un plan juridique ? Impossible de résumer. L’ouvrage est divisé en deux parties (magie du droit…). Certains contributeurs sont partis d’un thème juridique (la famille, le contrat, le silence, l’île, etc.) ; d’autres, d’un conte (Cendrillon, Peau d’Âne, etc.). À chacun son conte, à chacun son droit.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?
N. D. : Quand une horde d'étudiants a dressé un échafaud de carton dans l'amphi pour feindre la décapitation du prof de contrats spéciaux. Il ne se passe plus rien dans les amphis... c'est dommage:-)
M. R. : Quand notre prof d’amphi de sciences politiques imitait des hommes politiques au milieu de chaque heure pour nous distraire.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
N. D. : Balthasar Claës [H. Balzac, La recherche de l’absolu] et plus généralement tous les chercheurs d'absolu (Achab aussi tiens ! [Melville, Moby Dick]).
M. R. : Edmond Dantès (A. Dumas, Le conte de Monte Cristo)
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
N. D. : Celui dont Baudelaire regrettait qu'il fût oublié de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : le droit de se contredire (mais la liberté d'expression le couvrait sans doute). Et à la condition que ce ne soit pas au détriment d'autrui !
M. R. : La liberté d’expression !
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