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[ 25 juin 2015 ] Imprimer

Le commissaire de police

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Pour les spectateurs ils s'appellent Navarro ou Julie Lescaut, pour les plus connaisseurs ce sont Roger Le Taillanter, Georges Moréas ou Georges Nguyen Van Loc dit « Le Chinois ». Les commissaires de police exercent un métier en prise directe avec le droit qui se voit mobilisé en toutes circonstances. Le commissaire divisionnaire Philippe Tireloque nous a reçu à la Préfecture de police de Paris et livré son expérience d'un quart de siècle au sein de la police nationale.

Interview de Philippe Tireloque

Pouvez-vous nous détailler le début de votre carrière ?

J'ai commencé dans la police nationale en 1987, comme officier dans les services de renseignement après avoir fait une maîtrise (Master 2, ndlr) en droit. Rapidement j'ai passé le concours de commissaire et j'ai fait toute ma carrière en sécurité publique qui est la plus grosse direction de la police nationale, celle au contact de la population, chargée de lutter contre la petite et la moyenne délinquance. J'ai débuté en tant que responsable d'un commissariat de police dans l'Essonne, puis d'un second à Villeneuve Saint-Georges, de 150 personnes, avec des problématiques de secteurs difficiles. Pour passer commissaire divisionnaire, je suis parti faire ma mobilité à la direction centrale de la sécurité publique, au Ministère de l'intérieur. J'y ai découvert des choses extraordinaires. Je me suis occupé de la coopération internationale, en étant notamment chef de trois projets européens, et en même temps j'étais en charge de dossiers techniques comme la vidéo-protection, la sécurité privée, les polices municipales et la prévention situationnelle dont on commençait à peine à parler en France en 2005. C'est toute une démarche anglo-saxonne qui fait du policier un véritable expert en sécurité, capable de conseiller aussi bien des entreprises, des administrations, des particuliers ; par exemple, en suggérant aux aménageurs d'un centre commercial d'installer les restaurants à part, de manière à les isoler des commerces le soir, ou en conseillant sur le choix des feuillus à proximité des aires de jeux pour les enfants.

Et quels postes avez-vous occupés depuis que vous êtes commissaire divisionnaire ?

En 2009, je suis retourné sur le terrain en tant que chef du district de Meaux, en Seine et Marne, puis j'ai commencé à commander d'autres commissaires de police. Après trois ans, j'ai été nommé chef d'état-major de Seine-Saint-Denis, un département hors-norme en matière de gestion de la sécurité par le nombre de cités sensibles, par l'importance de l'activité judiciaire, par le nombre de troubles à l'ordre public à gérer au quotidien. C'est certainement l'étape de ma carrière qui m'aura pour l'instant le plus marqué. C'est ça qui est extraordinaire dans ce métier, on a beau changer de poste tous les deux ou trois ans, chaque fois c'est une nouvelle découverte. J'avais vu beaucoup de choses jusque là mais je n'avais jamais vraiment eu à gérer de manière concomitante des évènements de très grande importance. J'ai découvert que sur des secteurs difficiles, la dimension humaine du métier de commissaire de police était indispensable.

Ensuite j'ai eu la chance d'être nommé chef d'état-major de la police d'agglomération. Autrement dit je gérais l'opérationnel de la Ville de Paris et de trois départements de la petite couronne. Cette expérience m'a fait pénétrer au sein de la préfecture de police. Et voilà deux mois, on m'a nommé conseiller technique du préfet de police. Aujourd'hui je suis là pour lui apporter mon expérience, lui donner au quotidien les bons conseils pour gérer l'ensemble des problématiques et faire l'interface avec l'ensemble des services de police qu'il s'agisse de la sécurité publique, de la police judiciaire ou des services de renseignement. 

Globalement, en quoi consiste le rôle de commissaire de police ?

Il a quatre fonctions principales. Il est d'abord un manager à la tête d'une mini-entreprise, avec du personnel à gérer, des budgets, des relations sociales et des partenariats. C'est un management complexe dans la mesure où le métier de policier repose beaucoup sur l'initiative individuelle donc si un fonctionnaire ne veut pas voir une infraction, ce sera difficile de le savoir. On gère avant tout des humains, que ce soit du personnel, des partenaires, des victimes. Cette implication sociale est vraiment importante. 

Ensuite le commissaire doit être un policier et un procédurier, il faut qu'il maîtrise tout ce qui à trait à l'ordre public : la gestion des manifestations, des services d'ordre. 

Par ailleurs, il y a une dimension de partenariat car la police ne peut pas gérer seule tous les aspects de la sécurité. Il faut pouvoir engager à nos côtés les mairies, l'éducation nationale, les bailleurs sociaux, les transporteurs, etc... Il ne s’agit pas uniquement de relations, nous travaillons ensemble dans un esprit de secret partagé. Le commissaire est souvent le coordinateur. 

La quatrième qualité c'est d'être un communiquant. La presse notamment nous sollicite pour tout type d'évènement qui se passe sur la voie publique et où on est toujours acteurs, impliqués. La communication consiste aussi à valoriser l'action des policiers, mettre en valeur les résultats qu'on a pu obtenir et c'est aussi savoir communiquer en interne. Je me suis toujours efforcé de connaître l'ensemble de mes effectifs quelque soit la taille du service que j'ai eu à gérer. Ma porte est ouverte en permanence, les fonctionnaires de police ont mon numéro de portable et peuvent me joindre à tout moment. Cela est pour moi primordial. Le chef d'un service de police ne peut pas être déconnecté des fonctionnaires qu'il dirige. Au contraire, plus on atteint des niveaux importants dans la hiérarchie, plus il faut être en phase avec la réalité et le terrain. Il ne faut pas oublier que la police est efficace d'abord grâce à la patrouille qui répond aux appels et interpelle les gens, grâce à l'équipe d'enquêteurs qui va passer un mois, un an à résoudre une affaire. 

Qu'est-ce qui vous plaît dans ce métier ?

Après 28 ans, j'éprouve toujours autant de plaisir à faire ce métier quelques soient les difficultés à surmonter au quotidien, mais c'est cela qui est intéressant. Je pense être vraiment au cœur de la vraie vie. Et souvent, il est possible d'anticiper des évolutions sociales. Par exemple, il y a quelques années j’ai vu que les violences conjugales étaient en train de changer. Traditionnellement,  cela concernait surtout des femmes battues par leur mari. Progressivement, j'ai vu en tant que petit chef de circonscription, des femmes frapper leur mari et surtout des enfants frapper leurs parents. Cela caractérise une évolution sociale importante qui signifie, notamment, que les structures d'accompagnement doivent évoluer. Nous avons beaucoup d'exemples en ce sens, parce que nous y sommes confrontés au quotidien. 

Un autre exemple, est la baisse de l'âge des délinquants constatée depuis une dizaine d'années. J'ai rencontré un cas d'agression sexuelle dont l'auteur était âgé de 10 ans et la victime, de 12 ans. Cette constatation est importante car nous devons revoir nos messages de prévention. Toutes les interventions faîtes auparavant dans les collèges ont lieu désormais dans les écoles élémentaires, parce que c'est là qu'il faut commencer à sensibiliser : au CM1-CM2 et même plus tôt. Et, par ailleurs, si on veut lutter contre la récidive, il faut des structures adaptées pour les mineurs auteurs d’infractions. Il s’ensuit que le parquet doit prendre des mesures éducatives fortes et de plus en plus tôt. Il faut anticiper pour avoir la solution adaptée. Et c'est à nous de constater toutes ces évolutions.

Quelles sont les possibilités de carrière pour un commissaire de police ?

Plusieurs choix sont possibles. D'abord, la police nationale offre des métiers différents : gérer un commissariat, travailler pour des services de renseignement, évoluer à l'international dans une ambassade ou auprès d'organisations internationales et européennes, se spécialiser dans l'investigation judiciaire, dans la gestion du personnel. Le panel des métiers à occuper est très important et diversifié. Ensuite on peut préférer Paris ou la province. Et puis il est possible de choisir un niveau de responsabilités. Certains vont préférer être à la tête d'un département ou de grosses structures, d'autres, travailler dans des structures d'administration centrale comme conseiller. Tout est possible. Il n'y a pas de carrière linéaire type.

Moi, j'ai fait le choix de la sécurité publique car c'est ce qui me paraît le plus vivant et diversifié même si les difficultés techniques sont les plus importantes à gérer. Tout peut arriver dans la journée : gérer des manifestations non prévues ou des difficultés sociales dans son service, faire une conférence de presse avec un magistrat… Notre métier est intimement lié à l'évènementiel. Pour ma part, j'ai travaillé quasiment exclusivement sur des secteurs sensibles ou difficiles, même lors de mon premier poste. J'aime la difficulté mais surtout trouver des solutions adaptées. Il ne faut pas oublier que le policier doit être le plus en forme possible pour gérer les situations les plus critiques. Un gardien de la paix par exemple, va subir trois ou quatre chocs émotionnels dans la même journée : en voyant des gens blessés ou tués dans un accident de la route, des couples qui se sont donné des coups de couteau, des personnes défenestrées, d'autres qui s'énervent, l'agressent. La formation, qui dure deux ans pour les commissaires, permet de voir si nous sommes capables de gérer les situations les plus variées. 

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur/pire souvenir d'étudiant ?

Très honnêtement, je n'ai que des bons souvenirs de ma période d'étudiant à Paris XII, puis à Paris II. Étudier avec une grande liberté et découvrir les matières juridiques ont été pour moi un réel bonheur.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Je suis un passionné de Tintin. Comme lui, j'aime voyager, aller à la rencontre des gens, enquêter sur les faits les plus improbables. Dans tous les bureaux que j'ai occupés comme commissaire de police, un petit coin lui est consacré avec quelques figurines emblématiques. De plus, j'ai appris à lire avec les personnages d'Hergé : c'est donc un peu grâce à lui que je suis devenu commissaire de police.

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

La liberté d'aller et de venir. Elle est importante pour moi comme citoyen mais aussi comme commissaire de police car mes pouvoirs d'officier de police judiciaire me permettent de priver momentanément les individus de cette liberté que ce soit à l'occasion d'une vérification d'identité ou d'un placement en garde à vue et je suis attentif à la stricte application de ces mesures. 

Carte d'identité du commissaire de police

La police s’organise par catégories très hiérarchisées. Les gradés et gardiens de la paix constituent le premier échelon, le plus important. Ils forment le corps d’encadrement et d’application (CEA). L’échelon supérieur correspond à celui des officiers (anciennement officiers de paix et inspecteurs de police) : les lieutenants, capitaines et commandants de police. Leur nombre a considérablement diminué depuis la réforme des corps et carrière de 2004.  Le corps des commissaires de police également. C'est le plus haut rang de la police nationale, niveau BAC+5 et plus.

 Les chiffres

1534 commissaires de police étaient en activité au 31 décembre 2012

25,6% d'entre eux étaient des femmes

 La formation

Elle s'effectue à l'École nationale supérieure de la police (ENSP) à Saint-Cyr-au-Mont (69) et dure 22 mois entre stages en école et en services actifs. Pour être titularisé, il faut avoir le permis B. L'affectation se fait en fonction du rang de classement et des postes proposés par l'administration. L'élève commissaire doit s'engager préalablement à rester au service de l'État pendant sept ans à compter de la titularisation. S'il rompt son engagement, il devra reverser au Trésor une somme forfaitaire fixée par arrêté du ministre d'État.

 Les domaines d'intervention

La sécurité, l'investigation, l'ordre public, le renseignement et l'information, la coopération internationale, le contrôle interne, la police technique et scientifique, la sécurité aux frontières, les fonctions supports.

 Le salaire

En janvier 2015, les salaires étaient de 1602 € pour un élève, 2074 € pour un stagiaire, entre 3123 et 4997 € pour un commissaire de police, entre 4462 et 6736 € pour un commissaire divisionnaire.

■ Les qualités requises

Disponibilité, réactivité, autonomie, serviabilité, adaptabilité, honnêteté, intégrité, courage, goût pour le travail d'équipe, aptitude au dialogue, sens du service public, autonomie, bonne condition physique, pragmatisme, sens des responsabilités.

 Les règles professionnelles

La police nationale, disposait d’un code de déontologie avec le décret n°86-592 du 18 mars 1986. Depuis le 1er janvier 2014, elle partage un nouveau code avec la gendarmerie. Ce code est intégré au code de la sécurité intérieure (livre IV, titre 3, chapitre 4 de la partie réglementaire : art. R. 434-1 s.). Il s’agit des principes de loyauté « envers les institutions républicaines », d’intégrité, d’impartialité y compris dans la vie privée, de respect absolu des personnes, de secret professionnel, de discernement, etc...

■ Le site Internet : 

Ministère de l'intérieur : http://www.lapolicenationalerecrute.fr/Personnels/Commissaire-de-police

 

Auteur :A. C.


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