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Le commissaire-priseur
S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.
Irrémédiablement associés aux objets d'arts et aux coups de marteau lors des ventes aux enchères, les commissaires-priseurs exercent un métier plus vaste et riche que ce qu'on pourrait l'imaginer. Une profession faîte d'humain, d'art mais aussi de management et de marketing. Associé dans une étude à Pontoise, Me Éric Dumeyniou livre son témoignage.
Quel a été votre parcours jusqu'à aujourd'hui ?
J'ai fait une maîtrise de droit privé à Rennes, dans les années 1990 que j'ai complétée par une licence d'histoire de l'art. Après je suis arrivé à l'École du Louvre à Paris. A l'époque il y avait des passerelles, ce qui m'a permis de rentrer directement en troisième année. J'y ai étudié le second cycle intitulé « muséologie », plus orienté sur les métiers du musée.
Commissaire-priseur, c'est le métier que je veux exercer depuis la fin du collège. Je n'ai pas eu d'autre idée que celle-là. J'avais un ami de mon père qui fréquentait beaucoup les salles de ventes et à chaque fois qu'on allait chez lui, il nous montrait des choses plus hétéroclites les unes que les autres. Par ailleurs, depuis ma plus tendre enfance je suis amateur d'objets, notamment de dessins et peintures. Mes premiers pas dans cette profession ont clairement confirmé ma vocation. J'ai commencé par des stages à Paris dont un chez Me Poulain Le Fur. Puis, j'ai fait un remplacement de six mois à Pontoise en 2001 et j'y suis resté. Je suis devenu associé en 2004, le temps d'apprendre à connaître les commissaires-priseurs, leur fonctionnement. Ce qui a pris le plus de temps ce sont les délais à la Chancellerie pour être nommé officier ministériel. Cela a pris un peu plus d'un an.
En quoi consiste votre activité au quotidien ?
Vous êtes avant tout un chef d'entreprise, à moins que vous ne travailliez dans une société avec des actionnaires. Le commissaire-priseur gère ses équipes, fait ses inventaires, il égraine son stock, il vérifie que les clients soient payés en temps et en heure. C'est un métier fait de petites choses très précises. Ici, nous avons notre propre hôtel des ventes, notre propre parc automobile pour réaliser les ventes aux enchères chez nous, à Pontoise. Nous sommes trois officiers ministériels. Chacun a un peu son domaine de prédilection mais on se doit d'être de très bon généralistes, nous ne pouvons pas passer à côté de quelque chose. Ceci dit, lorsque ça devient très pointu, nous pouvons faire appel à un expert. En plus d'apporter son savoir sur l'objet, il peut avoir un fichier de collectionneurs susceptibles d'être intéressés pour l'acquérir.
On intervient beaucoup dans le cadre des inventaires de succession comme dans les procédures de liquidation ou de redressement judiciaire. Au moment de l'évaluation du patrimoine d'un défunt, le notaire a recours au commissaire priseur qui va réaliser dans le logement du défunt une prisée c'est-à-dire qu'il va dresser l'inventaire des biens meubles, les authentifier, leur donner un prix. Les héritiers choisissent de passer par l'inventaire soit pour des raisons fiscales soit en cas de mésentente mais ça reste rare. Sur nos 180 inventaires par an, cela doit arriver une fois, et encore. La prisée devient obligatoire en revanche lorsqu'il y a des enfants mineurs dont les parents sont décédés. Dans ce cas précis l'objectif est très différent, il consiste à préserver les intérêts des mineurs afin qu'à leur majorité, ils retrouvent leur patrimoine ou du moins qu'ils n'aient pas de mauvaise surprise. On intervient également au profit des majeurs protégés. On réalise des inventaires conservatoires lorsqu'il y a des risques, que la personne soit potentiellement sous influence, que la procédure de sauvegarde n'a pas encore été mise en place. On peut également intervenir en amont, pour un partage entre héritiers auprès de quelqu'un qui prépare sa succession ou pour une fusion entre deux sociétés. Il existe 1000 démarches, 1000 clés d'entrée, et c'est ça qui est passionnant.
De manière générale, qu'est-ce qui vous passionne dans ce métier ?
J'ai choisi ce métier pour la diversité même si j'aime bien certains domaines comme le dessin, les peintures réalistes. Vous n'avez pas une surprise ou une émotion chaque fois que vous allez chez quelqu'un. Notre métier fait beaucoup rêver mais nous faisons aussi des choses très simples. On intervient par exemple dans le cadre de tutelles. Nous avons un vrai rôle social, une mission de service public. Le statut d'officier ministériel a du sens. Lorsque nous allons chez une personne en redressement ou en liquidation judiciaire, il arrive parfois que nous soyons le seul individu à nous rendre sur place et en général ça se passe très bien contrairement à ce que l'on pourrait croire. Cela instaure un autre rapport lorsqu'on se rend au domicile d'une personne, ce n'est pas comme de la recevoir dans un bureau. Au-delà de l'objet à authentifier et qui n'a parfois pas de valeur en tant que telle, ce qui est intéressant c'est la relation que vous allez pouvoir créer avec la personne, le réconfort que vous pourrez éventuellement apporter, le respect que vous devez, l'intimité que vous pénétrez. On peut rencontrer des gens passionnants dans des inventaires qui ne le sont pas. Par ailleurs, on se refuse à réaliser une expertise à travers des photos ou vidéos. Nous pouvons donner un avis mais nous ne réaliserons jamais notre prisée à distance. Et le corollaire de cela c'est que nous avons l'obligation d'être très précis sur notre description des objets. Si on utilise Internet comme moyen de publicité, la photo ne viendra qu'illustrer ce que nous aurons identifié auparavant.
Quelles ont été les évolutions importantes du métier ces dernières années ?
Jusqu'à la loi du 10 juillet 2000 (ndlr : n° 2000-642, portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques), les commissaires priseurs français avaient un monopole sur la vente aux enchères. Avec l'Europe, il a fallu le faire tomber. Nous avions le statut d'officier ministériel, on nous a demandé de créer des sociétés de ventes volontaires (ndlr : SVV, devenue OVV, opérateur de vente volontaire). Aujourd'hui, nous sommes donc officiers ministériels et gérants d'une société commerciale sans avoir le statut de commerçant pour autant. Si le tribunal, par ordonnance, me demande de procéder à une expertise ou à une vente, en-dehors du cadre judiciaire, je suis dans le cadre de cette SVV. Comme dans les maisons de ventes anglaises on trouve aujourd'hui des sociétés d'actionnaires qui organisent des ventes aux enchères et prennent des commissaires priseurs salariés. Ces derniers seront responsables de leurs ventes mais la société ne leur appartient pas.
Depuis, la profession a surtout évolué avec Internet où nous faisons de plus en plus la publicité des biens que nous vendons aux enchères. L'Hôtel Drouot à Paris a son site Internet, les commissaires-priseurs de France et de Navarre ont Interenchères, un outil incroyable qui se développera bientôt à l'international. Aujourd'hui, vous n'êtes plus seulement un expert au sens de la prisée, de l'authentification, vous êtes aussi un communiquant.
Comment cela se traduit en pratique ?
Avant il y avait très peu de photos dans les catalogues. Puis, la publicité est arrivée dans les journaux, sur Internet. Aujourd'hui, pour les ventes les plus intéressantes, je préviens mon réseau via Facebook et Twitter. Nous avons équipé les salles des ventes d'une Webcam et d'un écran TV. On fait aussi appel à un photographe extérieur pour avoir des photos de très belle qualité pour le catalogue que nous réalisons nous-mêmes avec les logiciels de PAO.
Les ventes webcast, one line se sont généralisées. Auparavant, tout se passait en vase clos dans la salle des ventes. Maintenant tout est préparé en amont pour diffuser l'information avec une description des objets sur laquelle on s'engage. Vendre à distance exige de prendre toutes les précautions. Avant, la personne passait voir l'objet pour se faire son opinion. Elle était aussi responsable de ce qu'elle avait vu. Aujourd'hui il faut offrir toutes les garanties.
Le déroulement de la vente reste le même en revanche. Avec ces évolutions, Internet aurait pu vider les salles de ventes mais ce n'est pas ce que je constate. En réalité, ça a apporté une autre dynamique. Il y a le système des ordres d'achat ou des demandes de lignes lorsqu'une personne a appelé pour dire que l'objet l'intéressait et qu'elle souhaitait l'acquérir. Avant la vente, elle aura transmis différents documents d'identité et de garantie bancaire afin que nous puissions la représenter au moment de la vente. C'est la voie classique pour la personne qui n'est pas dans la salle. L'autre possibilité c'est de s'inscrire à la vente sur interencheres.com et de la suivre grâce à une retransmission vidéo en direct. La personne pourra suivre sur son écran la vente et enchérir.
Questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre pire ou meilleur souvenir d'étudiant ?
Mon pire souvenir c'est d'avoir été interrogé sur le polycopié distribué au dernier cours. J'ai raté ma deuxième année à deux points près à cause de ça. J'ai finalement pu l'avoir aux rattrapages de septembre mais j'ai perdu mon été à étudier. Je suis contre la distribution de polycopié au dernier cours pour terminer le programme !
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Corto Maltese. C'est merveilleux, c'est le souffle de l'aventure. Il y a une narration elliptique superbe chez le dessinateur Hugo Pratt. C'est un puits de science, ça fait rêver. Il y a ce côté magique des voyages, la poésie. Et un dessin superbe, en noir et blanc.
Quel est votre droit de l'homme préféré ?
D'un point de vue républicain c'est la fraternité. C'est presque plus un devoir qu'un droit. Parce que l'égalité on sait très bien que c'est un idéal de départ mais on ne l'aura jamais. Quant à la liberté, ça reste une notion très floue. On peut se sentir très libre et très épié aujourd'hui. Orwell nous a appris que la liberté était quelque chose de très relatif. La fraternité c'est un devoir qui doit nous permettre d'avancer dans le bon sens alors même que l'égalité et la liberté demeurent vacillantes.
Carte d'identité du commissaire-priseur
Hormis au Royaume-Uni, au Danemark, en Irlande ou en Allemagne, le métier de commissaire-priseur n'a pas toujours d'équivalent en Europe, la plupart des États confiant les missions d'inventaires et de prisées aux notaires et/ou huissiers. Aujourd’hui, les études sont réparties sur tout le territoire à l’exception du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Moselle, des territoires d’outre-mer et des collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon (avant 1816, les professionnels n’étaient autorisés à s’installer qu’à Paris) pour des raisons économiques de besoins du marché de l’art par zone.
■ Les chiffres
- 415 commissaires-priseurs exercent en France dont 90 à Paris soit 22%.
- 85 commissaires-priseurs sont des femmes soit un cinquième de la profession.
- La moyenne d'âge est autour de 50 ans.
- Le célèbre Hôtel Drouot, créé en 1852, rassemble plus de 100 opérateurs habilités à diriger des ventes au sein de ses vingt salles réparties sur deux sites. Soit 74 sociétés de ventes volontaires et 74 études judiciaires. 550 000 objets y sont vendus chaque année au cours des 1600 vacations ce qui génère 431 millions d'euros de produit vendu en 2012.
■ La formation et les conditions d'accès
Le candidat doit être titulaire d'un diplôme national en droit et d'un diplôme national en histoire de l'art (ou arts appliqués ou archéologie ou arts-plastiques), ces deux diplômes devant être d'un niveau Licence. Le succès à l’examen abouti à deux années de stage rémunéré en étude, lesquelles se soldent nécessairement par l’obtention de l’examen de sortie afin d’obtenir le titre de commissaire-priseur judiciaire. L’âge moyen d’entrée dans la profession avoisine donc naturellement les trente ans.
■ Les domaines d'intervention
Ils sont très larges et ne concernent pas seulement les objets d'arts. Les commissaires-priseurs peuvent aussi vendre aux enchères du matériel industriel, des voitures, de l'électronique, etc ...
■ Le salaire
Côté rémunération, le tarif prélevé par les commissaires-priseurs lors des ventes judiciaires demeure réglementé et fixé par décret ce qui n’est pas le cas des ventes volontaires. Au total, le produit moyen annuel des ventes judiciaires s’élève à 750 000 €, auxquels il faut ajouter le produit des ventes volontaires pour les études qui pratiquent les deux catégories. Ainsi, « la rémunération moyenne d’un professionnel est extrêmement fluctuante d’un bassin économique à un autre, donc d’un office à l’autre », selon la chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires (CPJ).
■ Les qualités requises
Éthique, rigueur, probité, mobilité, discrétion, serviabilité, courtoisie, curiosité, « remise en question permanente » et « savoir se rendre compte que tous ces objets, ces gens ont une histoire », souligne Me Dumeyniou.
■ Les règles professionnelles
Les professionnels sont soumis à des règles de déontologie strictes de transparence et de loyauté. Ils doivent notamment garantir la sureté des transactions, vérifier la véracité des informations communiquées (sur le bien, son origine, l’identité du vendeur et de l’acquéreur), gérer la publicité de la vente, etc …
En tant qu’officiers ministériels, les commissaires-priseurs judiciaires sont soumis à l’autorité du procureur de la République du tribunal de grande instance de leur ressort. Ils sont également soumis au contrôle des chambres de disciplines élues, par l’intermédiaire des neuf compagnies régionales chargées de «veiller au respect des lois et règlements, et d’assurer les vérifications périodiques de la comptabilité des études » selon les termes de la chambre nationale. Enfin, une caisse de garantie financée par les cotisations de ces professionnels leur assure une couverture en cas de mise en jeu de leur responsabilité civile ou de non-représentation des fonds.
■ Le site Internet :
- Aponem, société de vente aux enchères: http://www.aponem.com/
- Catalogue de l'étude de Me Dumeyniou sur le site de vente aux enchères Interenchères : http://www.interencheres.com/fr/me-martinot-dumeyniou-favreau-et-aponem-ie_e107.html
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