Actualité > Focus sur...
Focus sur...
Le commissaire-priseur
S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat... Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.
À la différence des métiers du droit pur, celui de commissaire-priseur mêle aussi bien compétences juridiques que connaissances artistiques. Au programme : inventaires, prisées, estimations de biens et ventes aux enchères. Autant d'aspects du métier que la rédaction de Dalloz Actu Étudiant a découvert en suivant Me Nicolas Moretton, commissaire-priseur associé de l'étude Gillet-Seurat Moretton à Nanterre.
Comment décririez-vous votre profession ?
Il faut nous voir comme des médecins généralistes qui ont une culture panoramique des objets et qui au fil de leur activité se spécialisent dans certains domaines précis comme la vente de jouets anciens, d’instruments de musique, d’autographes, de matériel industriel, etc. Notre fonction consiste avant tout à décrire précisément un bien et à en donner une estimation, une prisée quelque soit sa nature, sous réserve que ce soit un bien meuble au sens juridique du terme. Chacun d'entre nous est formé pour pouvoir reconnaitre et estimer une tapisserie d’Aubusson ou une commode Régence mais lorsque le bien à vendre présente un caractère exceptionnel par sa rareté ou par sa valeur, nous nous entourons d'un expert dédié au domaine, par exemple en art africain. Parallèlement, notre formation en droit nous donne une colonne vertébrale pour exécuter au mieux notre métier. C'est une bonne manière de ne pas se laisser guider par nos émotions artistiques, par l'aspect esthétique d'un bien et de faire prévaloir des critères rigoureux pour arriver à l’estimation la plus fiable. Je trouve par ailleurs passionnant le fait de ne jamais savoir ce que je vais découvrir chaque jour. Quand vous poussez la porte d'une maison, d'un appartement ou d'une entreprise, tout peut arriver. Je me rends compte de plus en plus que l'objet n'est que le reflet de l'homme, et c’est ce qui m’intéresse avant tout.
Comment votre profession a-t-elle évolué dernièrement ?
L'expertise est notre cœur de métier mais le monde a changé, il faut désormais aller chercher le client. Aujourd'hui, il est primordial d'avoir une grande capacité marketing. La plupart des études créent leur propre site Internet, pour que les vendeurs prennent connaissance de leurs différentes ventes et des expertises qu’elles sont capables de proposer. Il est rassurant pour un acheteur de savoir que vous pouvez vendre des biens jusqu'à un million d'euros. Par ailleurs, les commissaires priseurs-judiciaires ont développé ensemble des moyens de publicité importants comme le site Internet Interenchères dans lequel parait la plupart des ventes aux enchères de France. On notera également l’hebdomadaire La Gazette de Drouot (NDLR du nom du principal hôtel des ventes, situé à Paris) qui répertorie toutes les ventes à venir chaque semaine sur le territoire. Avant les ventes étaient plus confidentielles mais aujourd'hui, de plus en plus de particuliers s'intéressent au monde des enchères et le marché ne cesse de s’étendre d’année en année.
Et comment voyez-vous l'avenir de votre profession ?
Dans deux ans, le monde des enchères n'aura plus rien à voir. Nous aurons de plus en plus recours aux ventes dites « webcast » au cours desquelles le son de la salle de vente est retransmis afin que les internautes puissent participer et mettre des enchères en direct. Cela existe déjà beaucoup pour les ventes de matériel industriel. Les ventes « online » vont également se développer. De cette manière, l'objet est mis en vente via Internet pendant un délai déterminé, par exemple 15 jours, et les enchères sont closes à l'issue de ce délai. L'important est donc de bien rassurer l'acheteur et rendre la vente attractive pour lui.
À terme, il serait également intéressant de créer des réseaux d'études, comme certains de mes confrères l’on déjà fait avec le groupe Ivoire en province. Il nous appartiendra de mutualiser nos moyens, nos compétences pour proposer un service encore plus performant et plus rapide à travers tout le territoire avec une même qualité d’exécution.
Au cours du débat sur le projet de loi de finances rectificative portant réforme de la fiscalité sur le patrimoine, des amendements rejetés ensuite par les parlementaires visaient à intégrer les œuvres d'art dans le calcul de l'impôt sur la fortune (ISF), qu'en avez-vous pensé ?
La fiscalité du marché de l'art est déjà assez lourde en France. Si les objets d'art étaient entrés dans le calcul de l'ISF, cela aurait définitivement tué le marché de l’art français en empêchant la création ou la pérennité de toute collection. Cette mesure a été créée en 1982 par les socialistes à l’initiative de Laurent Fabius (NDLR qui était alors ministre du Budget), et repris ensuite par la droite. Il est important que l'État pousse par des mesures fiscales les collectionneurs à se constituer un patrimoine artistique pour que la France reprenne une place prépondérante sur le marché mondial de l’art. Il me semble qu'ainsi, par exemple, le principe de la dation qui autorise la famille d’un collectionneur à régler ses droits de succession par le don d’œuvres aux musées nationaux, est des plus opportuns.
Questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d'étudiant ? Ou le pire ?
Mon pire souvenir remonte à mon examen d'entrée en droit. Je suis tombée sur deux sujets, le 1er étant la loi qui venait de réformer notre profession et que je n'avais pas lue. Le 2nd était ma seule impasse. Quant à mon meilleur souvenir, il s'agit de la partie judiciaire de l'examen de sortie, lorsque j'ai été interrogé sur le matériel industriel. Ca a été un régal car je suis tombé sur un grand Monsieur de la profession. Il a essayé de me piéger et n'a pas réussi. Lui aussi était passionné par le matériel industriel.
Quel est votre héros de fiction préféré ? Pourquoi ?
Fanzie parce qu'il a la classe. Je le trouvais presque burlesque tellement le trait était lourd.
Quel est votre droit de l'homme préféré ? Pourquoi ?
Il s'agit de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme sur la libre communication des pensées et des opinions. Il est pour moi l'un des droits des plus précieux. Aujourd'hui, on ne prend plus conscience de son importance, la génération dont je fais partie n'en ayant jamais été privée. Or, il n'y a pas d'art, sans liberté d'expression.
Carte d'identité du commissaire-priseur
« Adjugé, vendu ! » Le rôle du commissaire priseur judiciaire ne se limite pas aux seules ventes aux enchères, qui se déroulent dans son étude ou dans un hôtel des ventes. En France, le plus célèbre demeure l'hôtel Drouot, créé en 1852 et qui draine à lui seul 3000 ventes par an au sein de ses 21 salles réparties sur quatre sites. À noter qu'en Europe, la profession ne connaît pas toujours d'équivalent, les inventaires et prisées pouvant être exercés par des notaires ou des huissiers.
■ Les chiffres
– 414 personnes exerçaient cette profession réglementée en France le 1er juillet 2011.
– 92 commissaires-priseurs sont concentrés à Paris, soit 22%.
– 50 ans : âge moyen de la profession.
– 30 ans : âge moyen d'entrée dans la profession.
– Le produit moyen annuel des ventes judiciaires s'élève à 750 000 euros.
■ La formation et les conditions d'accès
Un double cursus en histoire de l'art et en droit est nécessaire. Avant l'examen d'accès au stage de commissaire-priseur, les candidats doivent être titulaires d'un diplôme Bac+2 et Bac+3 en droit et en histoire de l'art. Le succès à l'examen abouti sur deux années de stage rémunéré au sein d'une étude. Les études se terminent par l'examen de sortie qui permet d'obtenir le titre de commissaire-priseur judiciaire.
■ La réglementation
La loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a modifié la loi du 10 juillet 2000. Cette nouvelle loi a notamment transposé les dispositions de la directive « Services » ou « Bolkestein » du 12 décembre 2006 et libéralisé les ventes par voie électronique. Elle redéfinit les biens susceptibles de faire l’objet d’une vente aux enchères publiques, les qualités requises des opérateurs de ventes et domaines d’intervention respectifs des commissaires-priseurs judiciaires, courtiers de marchandises assermentés, huissier de justice ou encore notaire.
■ Le salaire
Pour les ventes judiciaires, le tarif est réglementé et fixé par décret ce qui n'est pas le cas des ventes volontaires qui dépendent des honoraires fixés librement par le professionnel. Selon la Chambre nationale des commissaires priseurs judiciaires, « la rémunération moyenne d’un professionnel est extrêmement fluctuante d’un bassin économique à un autre, donc d’un office à l’autre ». En moyenne, elle avoisine les 6000 euros nets mensuels.
■ Les qualités requises
Pluridisciplinarité, objectivité, sens du contact, indépendance, probité, curiosité, expertise, conseils, discrétion, technicité, connaissances approfondies et actualisées, rigueur.
■ Les règles professionnelles
Transparence, loyauté, confidentialité, indépendance, éthique professionnelle, vérification des informations communiquées (sur le bien, son origine, l'identité du vendeur et de l'acquéreur)...
Références
■ Commissaire-priseur judiciaire
« Officier ministériel chargé, dans son ressort, de procéder aux ventes judiciaires de meubles et effets mobiliers corporels aux enchères publiques, c’est-à-dire aux ventes prescrites par la loi ou par décision de justice. Depuis la loi no 642 du 10 juillet 2000, ce nouveau titre donné aux anciens commissaires-priseurs traduit qu’ils ont perdu leur monopole pour les ventes volontaires réalisées désormais par des sociétés de forme commerciale. La profession n’existe pas en Alsace-Moselle, les ventes judiciaires y étant réalisées par les notaires et les huissiers de justice. »
« Remise, à titre de paiement et de l’accord des 2 parties, d’une chose différente de celle qui faisait l’objet de l’obligation.
Le Code général des impôts (art. 1716 bis) prévoit cette modalité exceptionnelle de paiement pour les droits de mutation à titre gratuit et le droit de partage qui peuvent être acquittés par la remise d’œuvres d’art, de livres, d’objets de collection, de documents, de haute valeur artistique ou historique, ou encore de certains immeubles à de strictes conditions précisées au texte. »
■ Sites Internet
▪ Chambre professionnelle : www.commissaires-priseurs.com
▪ Site de Drouot : http://www.drouot.com/
▪ Gazette Drouot : http://www.gazette-drouot.com/
▪ Groupe Ivoire : http://www.ivoire-france.com/fr/presentation,34.html
▪ Site d'annonce de ventes aux enchères : www.interencheres.com
■ Article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi. »
Autres Focus sur...
-
[ 19 décembre 2024 ]
Les petits arrêts insolites
-
[ 10 décembre 2024 ]
Sur le rejet du projet de loi de financement de la Sécurité sociale
-
[ 28 novembre 2024 ]
Joyeux anniversaire le Recueil Dalloz !
-
[ 21 novembre 2024 ]
À propos de l’accès à la profession d’avocat
-
[ 14 novembre 2024 ]
L’incrimination de viol
- >> Tous les Focus sur ...